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Le rêve politique et la réalité économique

12 décembre 2015, 07:50

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La lune de miel de l’alliance Lepep avec le peuple a pris fin. L’euphorie du départ a laissé la place à la déception. Contrairement à l’an dernier, les fêtes de fin d’année auront un goût amer pour ceux qui croyaient au père Noël. Et la gueule de bois risque de durer, au train où vont les choses...

Après le plébiscite du 11 décembre 2014 qui a surpris plus d’un, y compris les dirigeants de l’alliance Lepep eux-mêmes, ces derniers se retrouvent, aujourd’hui, avec un niveau de  défiance assez élevé et un taux de popularité qui chute manifestement. Le «Feel Good Factor» du début, stimulé en grande partie par la compensation «across the board» de Rs 600 et la pension de vieillesse universelle à Rs 5 000, s’est dissipé.  Larmes, colère et déception sont désormais de rigueur parmi les travailleurs, les syndicalistes et le grand public.

Les Rs 150 de compensation salariale ont fait mal. C’est le quantum qui chiffonne – car avec un taux d’inflation à 1,3 %, les travailleurs s’attendaient à une compensation d’environ Rs 240 «across the board» (le calcul est basé sur les Rs 600 offertes en janvier alors que l’inflation était à 3,2 %). Or le Conseil des ministres a balancé le chiffre de Rs 150 sans que l’on sache comment l’on est arrivé à ce montant – car il n’y a pas eu cette fois de comité technique avant les tripartites. Et les tripartites elles-mêmes ont été un exercice bâclé, minimisé.

Face au tollé populaire, le gouvernement, dans un effort ultime, et «pour préserver la paix sociale» (formule de Lutchmeenaraidoo, qui a perdu sa baguette magique depuis l’Economic Mission Statement), est revenu à la charge avec le chiffre de Rs 250 pour tous ceux qui touchent moins de Rs 10 000. Or, comme relevé par Paul Bérenger hier au Parlement, cette fois le gouvernement a oublié que la perte du pouvoir d’achat impactait aussi les pensionnés, les orphelins, les handicapés et les veuves... De quoi donner le tournis à un ministre des Finances qui ne regarde pas les chiffres, mais qui aura quand même à trouver Rs 748 millions additionnelles alors que les clignotants sont déjà au rouge !

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C’est la réalité économique qui rattrape les discoureurs de Lepep. Ceux-là mêmes qui promettaient, dans leur manifeste électoral, d’«introduire un salaire minimum pour les travailleurs» dans les trois premiers mois, c’est-à-dire avant fin mars 2015, réclament aujourd’hui du temps, de la patience, de la compréhension...

La réalité n’est pas politique, mais économique. Alors que le gouvernement doit lui-même investir afin d’attirer l’investissement privé et, partant, relancer l’emploi et l’économie, la dette publique – qu’on tend à repousser sous le tapis – a atteint un niveau record en augmentant de plus de Rs 20 milliards entre décembre 2014 et septembre 2015. Elle se situe désormais à plus de 64 % du Produit intérieur brut – alors qu’elle aurait dû baisser sous les 50 % d’ici 2018. Non seulement l’État ne peut plus investir, mais il se retrouve en infraction avec le Public Debt Management Act. De quoi nous attirer les mauvaises notes des agences internationales qui nous financent.

 

L’autre réalité c’est que le gouvernement doit obligatoirement compter sur le privé pour faire démarrer les projets qu’on nous a vendus lors de l’Economic Mission Statement, présenté le 22 août à Ébène. Or le secteur privé, malgré les appels de pied ou les critiques par rapport à son «inaction», ne va jamais investir si la confiance n’est pas là... C’est la même logique qui dictera l’envol ou non des «smart cities», tout dépendra au final de la demande.

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Il s’avère, en effet, difficile de rester populaire s’il faut trancher entre les employeurs et les employés, entre les investissements et les remboursements. Le problème avec nos politiciens, c’est que leur vision s’étend sur cinq ans. Elle commence avec des promesses électorales souvent irréalisables pour finir avec un chapelet de prétextes pour justifier leur inaction.

Le raisonnement de Lepep durant la campagne était simpliste : il faut être au pouvoir pour initier des réformes. Et pour être au pouvoir, il faut être populaire, voire populiste, quitte à plomber les finances publiques. Pareille survie politicienne n’est pas compatible avec le présent contexte économique.

Le discours nécessaire pour un développement durable s’inscrit dans la durée, et c’est peut être pour cela qu’on l’entend davantage, chez nous, dans les sphères citoyennes que politiques. Après leur mandat, les politiciens vont s’en aller, le pays, lui, sera toujours là. Avec ses dettes et ses capacités limitées à se développer...

Avec le temps, tout s’en va, dit-on. Ce n’est pas vrai. La flamme s’éteint peut-être, mais les créances, elles, restent et se transmettent aux générations futures...