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De la constance des sans-gênes

31 octobre 2015, 14:34

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Parmi les présupposés qui encrassent notre pays, trône l’idée que l’altruisme et l’empathie ne sont plus des valeurs à la mode. Rien n’est plus faux. Quand l’intérêt national l’exige, la solidarité revient au premier plan. On l’a vu lundi à Plaisance, où chacun a pu participer de manière équitable et équilibrée à la récupération politique de la Janemania. Du premier au dernier des ministres, tout le monde a eu sa part, personne n’a été lésé. Saisissant  et émouvant. De l’étude de ce moment nous tirons les remarques suivantes :

 

 1) Par une vieille paresse de plume, on allait écrire «l’artiste» Jane Constance, mais enfin, après audition dans les salons de l’aéroport, on se tromperait en croyant qu’elle est la seule à avoir du talent. S’il y a un «art» où nos politiciens excellent, c’est bien celui d’être vu. Avez-vous vu à quelle vitesse l’armée des prêts-à tout-pour-être-sur-la-photo à foncé  à Plaisance ? Bon, d’accord, vu du côté de Jane, on veut bien admettre qu’après douze heures de vol, être accueillie par Alain Wong et Étienne Sinatambou, c’est un coup à remonter dans l’avion. Fort heureusement, la petite est bien élevée.

 

 2) Naïvement, on a cru que Jane devait son succès à son talent. C’est absurde. Comme Xavier-Luc Duval l’a rappelé, «c’est [son] ministère qui avait invité les «repéreurs» [de l’émission Voice Kids], ils étaient à Maurice il y a quelques semaines, c’est nous qui avons financé cela». Déjà, la veille, le savoureux Dan Baboo avait tenté de tirer la couverture de son côté du lit. Le ministère des Arts et de la culture «ti finn akonpagn [Jane Constance] dan premie letap so karyer lokal ek internasyonal», pouvait on lire dans un communiqué payant, c’est-à-dire payé avec vos deniers. Les sans-gêne ont de la constance, si l’on ose dire.

 

 3) «J’ai su que j’étais devenu une star le jour où j’ai vu des gens bizarres récupérer mes vieilles chaussettes», a dit un jour Georges Cloonney. La petite est prévenue, mieux vaut qu’elle marche en savate. Blague à part, il est heureux de constater que dans un monde où l’on craint la régression sociale, il y a quand même des professions où les conditions de travail s’améliorent considérablement. Jadis, pour être élevé au rang de starlette, il fallait risquer une pneumonie sur une plage de Cannes pendant le festival, puis coucher avec dix-douze producteurs libidineux.  De nos jours, avec un concours de chant à Paris,  on y arrive.

 

4) On notera enfin que même le Premier ministre a pris son téléphone pour féliciter la starlette. Un coup de fil en privé, cela s’entend. Que leur conversation ait été diffusée en direct à la radio ne prouve rien, sinon que les mouchards sont partout. Mais peu importe. Balayons ces faux procès et venons-en à une réalité autrement plus troublante. Il aura fallu qu’une ado remporte un radio-crochet loin d’ici pour que nous réalisions, tous, qu’il y avait peut-être dans ce pays une place plus large et plus digne pour les personnes en situation de handicap. C’est peut-être là sa plus grande victoire.