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MBC : Arme de destruction massive

26 septembre 2015, 07:22

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MBC : Arme de destruction massive

Soyons directs : il ne s’agit pas du Shoe Bomber Richard Reid, mais bel et bien de Roshi Bhadain. En détournant la MBC à des fins personnelles, Monsieur Bonne Gouvernance nous apparaît comme un homme encore plus dangereux qu’on ne l’imaginait jusqu’ici. Après le long communiqué ridicule, inexact et légalement contestable, de la MBC diffusé lors du JT mardi soir, nous sommes convaincus que le ministre responsable de la station de radiotélévision nationale est susceptible d’affecter de plus en plus de personnes, en voulant trop faire, en essayant de bien faire (car nous lui faisons ce crédit-là malgré tout). Expliquons-nous.

 

Un article d’opinion de l’express, paru le dimanche 9 août 2015, sous le titre «Un homme, beaucoup d’affectés !» mécontente le ministre des Services financiers, de la Bonne gouvernance et des TCI. Bhadain n’est pas du tout content que l’express ait placé sa photo à côté de celles de Richard Reid (condamné à perpétuité dans le Colorado) et du Dr Andrew Wakefield (auteur d’une étude frauduleuse sur le vaccin triple MMR dans The Lancet). Il ne digère pas notre propos : «Plus près de nous, il y a Roshi Bhadain, qu’il ne faut comparer ni à un fou de dieu ni à un scientifique malhonnête bien évidemment, mais dont les interventions qui se multiplient commencent à affecter de plus en plus de monde dans ce pays.» Il nous le fait savoir. C’est de bonne guerre. C’est cela une démocratie en marche –  des idées contradictoires qui s’affrontent, dans le respect des principes, tels que la liberté d’opinion et celle  de la presse.

 

Déjà en colère contre nous, le ministre voit rouge, le 28 août 2015, en prenant connaissance d’un texte humoristique qui égratignait aussi sir Anerood et Raj Dayal : «SAJ Man compte également sur ses pieds gauches pour mener à bien cette tâche herculéenne. À commencer par Bhadain Man, l’homme qui distribue des coups de pied plus vite que son ombre. Interrogé sur cette marque de confiance, ce dernier a déclaré : ‘Pa badine ar mwa. Al demann direkter MBC’.»

 

Bhadain, furax, appelle pour protester. On se parle. Il fait le point suivant :«Je n’ai jamais parlé à votre journaliste ; elle n’a pas le droit de me citer.» Je tente alors de lui expliquer que c’est une chronique humoristique, pas un article d’information. Il ne comprend pas. On publie sa mise au point. Toujours de bonne guerre. Il y a des gens comme ça, qui n’ont pas vraiment le sens de l’humour…

 

***

 

Mais les choses se gâtent graduellement. À nos journalistes qui l’appellent pour avoir sa version sur les sujets d’actualité (dont les suivis post-BAI), Bhadain fait ressortir qu’il ne souhaite pas avoir affaire à l’express. En parallèle, il ne passe pas par quatre chemins pour affirmer qu’il ne souhaite plus parler à notre journal, mais ses sources se répandent allègrement dans d’autres médias, qui ne remettent pas en question son agenda. Le «choc frontal» entre KPMG et le ministre des Services financiers, que nous relatons dans nos éditions des 16 et 17 septembre dans un souci d’équilibre d’informations, semble accentuer la colère que cultive le ministre envers nous. Du moins, c’est ce qui transpire dans le communiqué de son ministère (en date du  16 septembre) dans lequel il mentionne l’express.  Peut-être que l’on se trompe… 

 

Contre toute attente, les rapports journalistiques s’améliorent un peu avant le dimanche  20 septembre. Les langues se délient et les «informations» commencent à tomber à nouveau. Et de nouvelles pistes sur Ramgoolam refont surface dans l’express – et bien sûr dans d’autres médias : la National Crime Agency, les commissions autour du Bagatelle Dam. On aurait pu croire que tout est orchestré pour détourner l’attention sur le retour politique de Navin Ramgoolam, comme allégué du reste par ce dernier. Mais on n’irait pas jusque-là, peut-être est-ce une simple coïncidence que les coffres-forts de Ramgoolam reviennent dans l’actualité et sur les écrans de la MBC.

 

La suite des événements viendra nous confirmer pas mal de choses. Notre reportage du 21 septembre sur le retour de Ramgoolam – qui pour nous est d’un intérêt journalistique certain – comporte un encadré qui relate une situation «ubuesque» : «La MBC modifie le reportage de Kewal Nagar.» Le lendemain, on décide de mener l’enquête auprès des journalistes de la MBC pour comprendre ce cas d’ingérence alléguée qui ressemble à de la propagande de bas étage. Et le mardi 22 septembre, après notre travail journalistique, nous publions l’article : «Coup d’État des Bhadain boys à la MBC.» C’est ce qui va mettre le feu aux poudres.

 

La réplique de la MBC ce mardi soir sort de l’ordinaire. Sous le précédent régime, sous le règne de Ramgoolam-Callikan, nous avons pourtant déjà eu droit à nos photos publiées lors du JT avec des croix rouges dessus. Parce que justement nous écrivions des articles ou des prises de position qui ne plaisaient pas au régime du jour. Mais ce mardi soir, les limites de l’inacceptable et du ridicule ont été poussées encore plus loin par Roshi Bhadain – et ce pour plusieurs raisons.

 

1) D’abord le communiqué lu par une journaliste, visiblement mal à l’aise avec le texte qu’on lui a imposé, long de 4:39 en prime time pourrait être en violation de la MBC Act qui préconise que «the corporation should refrain from expressing its own opinion and observe neutrality and impartiality on i. current affairs;   ii. matters of public policy; or iii. matters of controversy  relating to culture, politics, religion or any other subject, other than broadcasting.» 

 

2) Secundo, la MBC fait référence à notre code de déontologie qui nous interdirait de citer des anonymes –  ce qui est faux – voir l’article 6 (a) du code sur lexpress. mu. Dans le cadre de notre enquête, trois de nos journalistes ont parlé à plus d’une douzaine de journalistes de la MBC et tous nous ont parlé de l’ingérence ministérielle inacceptable à la MBC. D’ailleurs Roshi Bhadain lui-même s’est donné en exemple au Parlement, en lançant quelque chose comme : «Toi je ne vais pas t’inviter sur la MBC, toi oui.» Si les journalistes de la MBC ne veulent pas parler on record, c’est qu’ils ont peur de perdre leur job «parce qu’il est revanchard». Au nom de l’intérêt public, nous leur avons ouvert nos colonnes qui, elles, ne dépendent nullement du bon vouloir de M. Bhadain. Encore heureux d’ailleurs !

 

3) Le communiqué de la MBC ne voit pas le malaise dans sa salle de rédaction mais en invente un chez nous à l’express. Oui c’est vrai que le rédacteur en chef, Raj Meetarbhan, a été appelé à occuper d’autres fonctions, dont celles de faire des éditoriaux et de grandes interviews (par exemple l’entretien du leader de l’opposition paru hier) et que c’est l’auteur de ces lignes qui anime désormais les conférences de rédaction dans le cadre de notre projet d’intégration de nos différentes plateformes d’information. C’est faux de dire qu’il a été écarté à mon profit puisque depuis deux ans et demi je supervise les rédactions de La Sentinelle, dont celle de l’express, en ma capacité de Directeur des publications.

 

4) Le dernier point est tellement ridicule qu’on ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer, ou peut-être les deux en même temps. Le communiqué de la MBC en essayant de nous jeter de la boue relève que le logo de l’express-dimanche est passé du bleu au rouge parce que nous serions devenus un journal pro-travailliste. «L’express est sorti en rouge, dimanche dernier.» Un petit travail de recherche journalistique aurait évité que la MBC ne se ridiculise : le logo de l’express-dimanche, contrairement au logo des six autres jours de la semaine, a toujours été en rouge, que ce soit sous le régime Ramgoolam ou sous celui de sir Anerood ! De toute manière à l’express, les couleurs n’appartiendront jamais aux partis politiques ;  elles font partie du bien commun à être partagé par tous, librement.

 

***

 

Ce qui est encore plus grave, c’est que M. Bhadain a fait dire qu’il n’est nullement responsable du communiqué de la MBC à l’encontre de l’express ! Il a rejeté le blâme sur un haut fonctionnaire et deux employés de la MBC qui veulent lui faire plaisir… Et, bien évidemment M. Bhadain, qui souhaite être aimé de tous, ne pourra jamais les rappeler à l’ordre, n’est-ce pas ? Il faut qu’il sache qu’il ne pourra jamais gagner sur tous les tableaux… jeune, travailleur, fougueux, il apprendra bien vite qu’il peut faire beaucoup plus pour son pays en étant plus discret et moins envahissant et totalitaire. Il comprendra aussi qu’en voulant purger le pays des miasmes ramgoolamiennes, il ne faudrait pas, sur le plan démocratique notamment, qu’il finisse par reproduire, voire surpasser, l’ancien système...Pour commencer, il faudrait qu’il se sépare de la MBC, cela ne lui réussit pas.