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Un pays «humain»

10 juin 2015, 00:15

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Un pays «humain»

C’est vraiment très bien d’avoir des dirigeants politiques «humains» qui comprennent la douleur des gens et qui font mieux que compatir, pour effectivement compenser, garantir, soutenir. Il ne faut pas oublier qu’il y a souvent des drames humains poignants derrière les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans la vie. Mais il faut quand même savoir où tirer la ligne, passer le message que l’État nénène est un rêve impossible et que celui qui se retrouve face à une difficulté doit bien, quelque part, assumer une part de responsabilité dans ce qui lui arrive.

 

Le gouvernement issu des urnes du 10 décembre dernier est lancé dans un exercice de nettoyage du pays qui prend des proportions insoupçonnées il y a seulement six mois. Dominé par le dossier BAI, on a assisté depuis à une déferlante de situations sentant la pourriture : prêts «de faveur» à la MPCB, prêts «familiaux» à la Vacoas Popular Multi-Purpose Cooperative Society, fonctionnaires se servant d’abord au ministère des Terres, puis à l’Agriculture (une épidémie ?), hauts cadres sombrant dans «l’affairisme» (ex. : en rachetant des étages à la Bramer House), situations apparemment douteuses au SIT ou à Rose Belle SE, Betamax, Sungkur, Woochit, Dufry, Frydu, Airbus, com…plaisance à AML face aux loyers impayés d’Airway Coffee, etc…. Cela en fait des situations qui ne sentent vraiment pas bon !

 

C’était devenu notre «norme» nationale, ça ?

 

Mettre de l’ordre et nettoyer veut nécessairement dire de la crasse et de la casse. Le gouvernement, dans son désir de minimiser les traumatismes, s’est évertué à trouver des formules «humaines», ce qui est tout à son honneur, mais qui vont finir par lui (nous !) coûter cher, tant les précédents créés vont engendrer des appétits. Après avoir garanti les emplois à la Bramer Bank et à la BAI, alors même que ces emplois, globalement, ont fait la démonstration – puisqu’il y a un «trou» d’au moins Rs 12 milliards – qu’ils détruisaient de la valeur depuis des années, le Conseil des ministres est même intervenu pour annuler les licenciements jugés inévitables par les «special administrators» (par manque de cash-flow) chez Courts, Iframac, Apollo, «jusqu’à ce qu’un repreneur soit trouvé». Maintenant qu’Iframac a apparemment perdu ses agences Mercedes, Mitsubishi et Peugeot, et qu’il ne reste plus grand-chose à vendre qui requiert des employés, le gouvernement va-t-il «humainement» continuer à soutenir salarialement ? Pensons-nous vraiment en être arrivé au point où des contrats d’agences de voitures doivent se discuter désormais «de gouvernement à gouvernement» ? Quoi ? Merkel, Abe, Hollande ? Le gouvernement a aligné, selon certaines informations, une ligne de crédit de Rs 106 millions pour conserver ces 704 emplois et acheter les stocks nécessaires au maintien d’un «going concern». Ce n’est pas l’argent de Lepep, bien entendu, mais celui du peuple. Qui paie des taxes. C’est l’argent du citoyen. Et si le gouvernement s’attend à se faire repayer sa ligne de crédit avec le produit de la vente des actifs de Courts, Iframac et Apollo, n’est-ce pas au détriment des autres qui veulent manger dans la même assiette, comme les détenteurs du SCBG, par exemple ?

 

Ça va devenir compliqué…

 

Car au-delà des emplois, on trouve les investissements compromis, où l’État a proposé la formule des «debentures», payables sur cinq ans. Mais comme il y a, au départ, une insuffisance importante d’actifs sur le groupe BAI, ces «debentures» ne valent pas grand-chose, sauf si l’État y rajoute sa garantie, ce qui est impensable, mais que certains croient déjà acquis ! Considérant la toile de fond de Rs 500 millions de capital frais à la MPCB, d’une ligne de crédit salvatrice à la Vacoas Popular Multi-Purpose Cooperative Society (Rs 350 M ? Plus ?), de fonctionnaires ripous qu’on ne sanctionne jamais (sauf pour les suspendre, pour un temps, on «full pay», peut-être pour qu’ils ne retrouvent pas la mémoire ?), on comprend que l’on reprenne espoir du côté de Sunkai, de White Dot et de ceux qui ont confié leur argent à l’«armoire magique» itinérante qui double, en une semaine, la somme qui y est déposée respectueusement…

 

La compassion c’est bien, mais pourquoi donc l’État garantirait-il des emplois qui n’ont plus de sens ou des employés qui ont trahi la confiance du public et couvrirait des investisseurs qui ont mal investi, alors que ma voisine qui doit se faire opérer en clinique privée va voir son épargne d’une vie entière (Rs 60 000) être consommée (parce qu’à l’hôpital, on lui demande d’être sur une liste d’attente plutôt longue pour être opérée par des médecins qu’elle ne connaît pas, accrédités on ne sait pas trop comment…) et ne bénéficiera pas de cette compassion humaine ? Elle est aussi innocente que l’investisseur du SCBG. Elle est autant «victime» d’un État qui ne marche pas assez bien. Va-t-on lui proposer des «debentures» ?

 

Dernière considération. Un des dividendes solides de ce «nettoyage» jacobin c’est qu’il engendrera une frayeur bleue à ceux qui, nominés politiques, politiciens, fonctionnaires ou véreux du secteur privé, envisageaient de se lancer (ou de continuer…) dans une transaction douteuse quelconque ou dans une petite combine frelatée.

 

Le pays devrait, ce faisant, s’en porter bien mieux, à terme !

 

Voilà pourquoi, si l’on doit construire, l’on ne doit pas cesser de nettoyer… ni de raisonner.