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Nouvel activisme politique: Combattre le dépérissement des institutions

4 mai 2015, 14:06

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Nouvel activisme politique: Combattre le dépérissement des institutions

Politique clientéliste, police manipulable, espace démocratique restreint. Voilà ce que le gouvernement doit combattre afin de redorer son blason. Mais, détrompez-vous, ce n’est pas seulement aux politiques de changer les choses. La population a aussi un rôle à jouer.

 

Cela fait quelques années que le pays va mal. Les résultats de décembre 2014 et ce que le peuple mauricien voit à ce jour sont très révélateurs des maux qui rongent notre pays. Un climat de confusion, de désarroi et de peur s’est installé chez les citoyens. La profondeur et l’étendue de la pourriture affairiste au plus haut de l’État choquent. En même temps, beaucoup chuchote tout bas le sentiment d’une certaine fascisation qui s’installe dans la manière de faire. Le mal qui s’est infiltré dans nos institutions est effrayant. Il y a un gouvernement fort mais un vide dans l’opposition en débâcle.

 

Des institutions piliers de l’État complètement sous tutelle des politiques, une police perçue comme étant manipulable par les gouvernants du jour, une classe politique qui a bloqué l’espace démocratique par un jeu constant de «tir li met lot, tir lot met li», des leaders qui, quoiqu’en disent leurs discours, sont focalisés sur la promotion de leurs intérêts personnels ou ceux de leurs rejetons.

 

Aujourd’hui, le pays a un pouvoir politique fort, mais sans cohérence et dont les agissements déçoivent très vite les espoirs d’une gouvernance, laissant la bride libre à des cow-boys qui tirent une balle, sans réaliser, dans le pied du pays. Pour ce qui est des deux principaux partis de l’opposition, le MMM est en hémorragie, le PTr en état de catalepsie.

 

◗ Les hommes sans échine et la laisse des politiques Un des plus grands maux de ce pays est le fait que la grande majorité de son élite et de ses cadres soit des hommes et des femmes sans épine dorsale. Ces secrétaires permanents (qu’il est presque impossible de démettre de leurs postes, sauf s’ils commettent des fautes graves), ces présidents et CEO d’institutions régulatrices (pourtant des professionnels capables de gagner leur vie dans le privé), ces commissaires de police qui ont un poste constitutionnel et qui se mettent tout de même en état de servilité devant le diktat des gouvernants du jour. Ils vous disent tous «bé ki to lé mo fer» ! On assiste aujourd’hui à une procession pitoyable de ceux-là qui, pour leur défense, disent qu’ils ont subi des pressions et des menaces. Et dire que ce sont ceux-là qui dirigent Maurice. C’est grave ! Condamnons ces gens-là et soutenons les hommes et les femmes capables d’être intègres dans leurs actions.

 

Évidemment, les politiques se sont assurés de leurs pouvoirs de contrôle absolu sur toutes les institutions. Tous les partis ont été complices. Ils se sont tus quand celui qui est au gouvernement en a rajouté, en se disant qu’une fois au pouvoir, ils pourront à leur tour en profiter. Quand le gouvernement de 1982 a changé la Constitution pour conférer le pouvoir de nomination des secrétaires permanents au Premier ministre, cela a été la décision la plus grave jamais prise, car cela a institutionnalisé la politisation de la fonction publique et de l’instauration du clientélisme comme culture de fonctionnement de la bureaucratie d’État.

 

La laisse, c’est aussi le pouvoir des ministres de dé- signer les fonctionnaires qui seront membres des quelque 200 boards du secteur public et de corps parapublics. Vérifiez la composition des boards et vous constaterez que certains fonctionnaires se font 50 %, voire plus de leurs salaires statutaires. Un des combats que les citoyens doivent mener s’ils veulent que le pays ait une réelle bonne gouvernance est celui qui vise à restaurer l’intégrité de l’État.

 

◗ Le combat pour la méritocratie L’autre combat que l’État doit mener pour la méritocratie porte sur l’accès aux ressources. C’est un combat qui concerne l’accès à quelque 4 000 emplois qui sont décidés par le système de delegated powers, les centaines de patentes diverses, l’accès aux state lands, entre autres.

 

Quand le gouvernement travailliste a, durant son dernier mandat, proposé au Parlement l’élargissement du recrutement par delegated powers, l’opposition – que ce soit le MMM ou le MSM – ne s’y est pas opposée. Tous les partis au Parlement n’attendent qu’une chose : être au pouvoir pour utiliser ces moyens et assurer leur clientèle. Car, il s’agit bien du clientélisme et c’est ce qui détruit la méritocratie. Comme le dit si bien le peuple : «Ou kouler, ou nom ki décidé.» Il n’y a pas de chances égales pour tous. Et l’Equal Opportunities Commission n’y peut rien.

 

◗ Ces partis politiques qui nous trompent Depuis vingt ans, l’électeur mauricien se retrouve piégé dans la quadrille «tir sannla, met lot la, tir lot la, met sannla» des leaders. Tous les leaders ont couché dans le lit des uns et des autres au gré des différentes élections. Selon qu’on soit avec l’un ou l’autre, celui-là sera le bon dans son discours au peuple et l’autre sera le méchant. Les partis ne sont plus des collectifs d’hommes et de femmes, mais les propriétés de leaders dont la priorité est de satisfaire leurs intérêts personnels.

 

Les partis ne sont plus des partis programmatiques, ce sont des partis clientélistes. Clientélisme ethnique, clientélisme castéiste, clienté- lisme d’intérêts particuliers. Les hommes et les femmes au sein de ces partis sont instrumentalisés par le leader en fonction de ce clientélisme.

 

Décembre 2014 a mis au grand jour le ras-le-bol de l’électorat – qui en a marre de se laisser abuser – et son désistement vis-à-vis des quatre partis traditionnels. L’alliance Lepep est aujourd’hui au pouvoir avec 37 % du soutien de l’électorat et 29 % ont soutenu l’ancienne alliance PTr-MMM. Si l’on exclut une moyenne de 15 % qui ne votent pas dans les élections générales, environ 19 % de l’électorat ont refusé les deux blocs, les quatre partis traditionnels. Cela n’empêchera pas que les mêmes larrons puissent être les maîtres du jeu pour 2020 – un MSM-MMM pour assurer que Pravin soit le maître de Maurice, ou un bleu-blanc-rouge mené par le blanc. Sommes-nous condamnés à être assujettis à un cadrage de notre leadership politique par le facteur «V» ? Est-ce irréaliste de penser et de vouloir une plus grande ouverture politique ?

 

De plus en plus de citoyens, autrefois partisans de tel ou tel parti, souhaitent aujourd’hui tout bas voir émerger une alternative pour aérer une classe politique devenue étouffante. Mais ils sont en même temps sceptiques quant à la viabilité et au potentiel de la durée d’un nouveau parti politique.

 

Pourtant, en attendant que se présente une telle alternative, des hommes et des femmes, qui ont la volonté de faire de la politique autrement, peuvent venir de l’avant afin de gé- rer le pays avec le souci du progrès national plutôt que celui d’une clientèle étroite, partisane ou sectaire. Il faut impérativement et immédiatement que des citoyens se ressaisissent pour donner un sens directionnel à la conscience collective pour une île Maurice assainie, reformée, plus prospère par la libre entreprise mais capable d’être juste, plus solidaire et où chaque enfant qui naî- tra n’aura plus à se demander si son nom, sa couleur, son ethnie ou sa caste lui donnent «droit à…»

 

Il faut que ces hommes et ces femmes dans le secteur privé et dans des institutions piliers comme le judiciaire agissent pour redonner confiance au peuple. Nous ne sommes pas une nation peureuse devant la toute-puissance des gouvernants du jour. Malgré nos travers et nos «à peu près», Maurice a progressé et les Mauriciens vivent mieux matériellement parlant. Nous sommes, toutefois, arrivés à un moment où des petits planteurs aux autres professionnels, nous avons l’ambition d’un pays qui va plus loin, qui vise plus haut, qui soit plus réaliste dans sa démarche d’être plus solidaire vis-à-vis des plus faibles, un pays où nous pouvons être fi ers de nos dirigeants et nos élites.

 

Plateforme M n’est pas un parti politique. Ce n’est qu’une plateforme réunissant des leaders d’opinion qui considèrent qu’ils doivent faire entendre une nouvelle analyse et une nouvelle perspective dans la gouvernance de notre pays. Pour l’instant, les noms importent peu. Ce sont les idées et les points de vue qui sont importants. Nous viendrons, au fi l des mois, approfondir nos idées, proposer des perspectives concrètes et réclamer des changements dans le cadre juridique qui a institutionnalisé le déni de la méritocratie. À charge pour les politiques au Parlement de les porter ou non.

 

Cependant, le plus important, c’est que la voix des citoyens amplifie ce message afin que les changements soient apportés. Si vous vous êtes résigné, si vous pensez que c’est aux politiques de changer les choses, alors nous aurons tout ce que nous ne voulons pas avoir. Changer les choses ne dé- pend que de nous. Le combat contre le dépérissement des institutions doit être la volonté de tous les Mauriciens qui veulent un futur meilleur pour notre pays