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Le Big Bang de Lutchmeenaraidoo

19 mars 2015, 11:41

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Il ne faut pas s’attendre à un miracle lundi prochain même si on affuble allègrement Vishnu Lutchmeenaraidoo du titre de magicien de l’économie mauricienne. Il sait mieux que quiconque qu’un Budget demeure avant tout un exercice éminemment comptable. Même si à la fin il peut s’en servir à sa guise comme d’un instrument politique pour assurer une meilleure redistribution de la richesse au sein de la population.

 

Certes, les attentes sont grandes, notamment après des mesures fortement populistes annoncées depuis sa prise de fonction (augmentation de la pension à Rs 5 000, quantum de la compensation salariale à Rs 600 et autres). Mais le ministre des Finances s’est bien vite fait rattraper par la dure réalité du jour.

 

Aujourd’hui, Lutchmeenaraidoo aura à prouver qu’il a les recettes pour transformer l’économie du pays en donnant notamment un coup de fouet à l’investissement. Ce qui, espère-t-il, devra logiquement influer positivement sur la croissance et l’emploi. Il a certainement raison. Une croissance anémique de 3 % conduira le pays tout droit dans un mur. Il propose de la porter à 5,7 % d’ici juin 2016. Pari difficile dans un contexte de crise économique internationale où nos principaux marchés de la zone euro subissent toujours les effets de la récession.

 

Loin d’être un vendeur de rêves, il compte frapper fort avec certaines mesures phares. Dont la création des pôles de développement autour du port mais aussi dans d’autres régions du pays, avec à la clé le développement de méga projets. Ce faisant, il souhaite donner au pays les moyens de son ambition : celle de passer du statut d’un pays à revenus moyens à celui de pays à revenus élevés.

 

Certes, l’État ne peut porter seul ce vaste chantier économique. Les opérateurs privés seront appelés à y participer à coups de milliards. Une démarche dictée par la volonté du gouvernement de doper l’investissement privé, le ramenant autour de 25 % du produit intérieur brut, contre 19 % aujourd’hui.

 

Une balle saisie au bond par le Joint Economic Council qui insiste toutefois sur la nécessité d’enlever certaines contraintes systémiques. Or, il n’a échappé à personne que depuis ces dix dernières années, c’est le même plat que Joint Economic Council nous sert tous les ans pour justifier le taux anormalement bas des investissements du secteur privé. Soit l’absence d’un cadre légal régissant certains secteurs économiques comme le port, les télécommunications et l’énergie ; ou encore l’urgence d’une certaine clarté, voire des procédures transparentes dans la politique d’investissement du gouvernement, etc. À un certain moment, il faudra que le JEC revoie son logiciel car l’architecture économique évolue…

 

Lutchmeenaraidoo a rassuré cette semaine qu’il n’y aura pas de «coup de massue fiscal». Tant mieux. Mais en même temps, il n’est pas insensible à l’idée que l’actuel régime fiscal, introduit par son cousin en 2006, fixé à un taux uniforme de 15 %, n’a pas été suffisamment «buoyant» pour faire rentrer des milliards de roupies dans les caisses de la MRA. Compte-t-il revoir le système pour le rendre plus juste fiscalement aux yeux de certains spécialistes ? Ce qui permettrait à un salarié qui engrange des revenus annuels de Rs 600 000 de ne pas être taxé de la même manière que celui qui dispose de revenus taxables de Rs 6 millions par an. Il y songe, laisse-t-on entendre au Trésor public. En même temps, on concède volontiers qu’il ne faut pas mettre en danger la juridiction mauricienne qui a bâti sa réputation sur la base d’une fiscalité légère…

 

Au-delà des considérations purement comptables, le ministre des Finances sait qu’il a fait rêver et acquis à sa cause toute une population lors des dernières élections avec son projet de deuxième miracle économique. Il aura fort à faire afin de ne pas briser ce pacte social que le gouvernement du jour a signé avec la population.

 

Manifestement, il mesure bien la responsabilité qui repose sur ses épaules car les 100 jours de grâce  dont le gouvernement Lepep jouit actuellement pourraient facilement se transformer en cauchemar si ce premier Budget ne passe pas le test populaire. Ce qui donnera du sérum politique à une opposition parlementaire qui cherche encore ses marques ; ses deux leaders ayant assurément la tête ailleurs, l’un empêtré dans des guerres intestines et l’autre passant le plus clair de son temps entre le CID et la Cour.

 

Le 23 mars, Vishnu Lutchmeenaraidoo ouvrira lui sa boîte de Pandore…