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Non, aucun dessin ne mérite la mort...

12 janvier 2015, 09:17

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Non, aucun dessin ne mérite la mort...

Parfois, la liberté de la presse est attaquée de la manière la plus vile, la plus ignoble, la plus horrible qui soit. Des hommes se transforment alors en sauvages et assassinent pour des dessins, des articles dont ils ne partagent pas l’opinion. On peut être ou ne pas être d’accord avec la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. Cela relève d’une question personnelle d’appréciation. Là n’est pas le débat pour le moment, même si certains, dont pas mal de Mauriciens, tentent de justifier cette barbarie en faisant des amalgames totalement inappropriés sinon indécents. À croire qu’il existe des circonstances atténuantes pour commettre des meurtres.

 

On n’a qu’à lire certains commentaires, voire des insultes, pire des menaces à la suite de la publication d’une photo de la rédaction de 5-Plus en soutien au journal Charlie Hebdo, relayée par la page Facebook de l’express, pour comprendre que la tolérance n’est pas la religion de quelques-uns qui se réclament enfants de Dieu. Mais ne nous éloignons pas de ce meurtre collectif. Car c’est de cela qu’il s’agit. 12 hommes (dont on salue la mémoire) ont étés tués froidement à coup de kalachnikovs  par des criminels intégristes. Huit d’entre eux maniaient uniquement des crayons et avaient fait de la liberté d’expression, et de la liberté tout court, leur étendard, qu’ils portaient en bandoulière. Ils sont morts parce qu’ils étaient libres, libres de penser, de caricaturer, de dire des choses, d’écrire avec insolence, avec humour. Sur tout : État, société, politique, religion… Toutes les religions.

 

Un journal bête et méchant, comme les fondateurs de Charlie Hebdo aimaient à le dire. Certes, beaucoup de lecteurs n’étaient pas d’accord avec leur irrévérence, leur ironie. Et ceux-là ont le droit de ne pas partager la liberté de penser des caricaturistes de Charlie Hebdo. Tout comme l’on peut comprendre que beaucoup se soient sentis blessés, outragés par certains contenus de ce journal. Mais quel dessin si choquant soit-il mérite la mort ? 

 

Toute proportion gardée – et que les Dieux caricaturés de Charlie nous en préservent –, à Maurice aussi, la presse a vécu à sa manière quelques attaques. Sur notre sol, les agressions – à part quelques cas isolés des responsables d’associations dites socioculturelles – viennent généralement des hommes au pouvoir, indépendamment des partis. 

 

Au-delà des jours noirs de l’État d’urgence et de la censure de la presse sous SSR, les relations presse-pouvoir ou encore presse-opposition de ces dernières années ont été une guerre permanente. Parfois, les agressions étaient verbales : les journalistes furent traités de  «zanimo»,  «gueulards», «imbéciles». Souvent, on se faisait insulter, quand l’ancien Premier ministre Ramgoolam, hors de lui, ne menaçait pas de finir les journalistes «un à un».  Parfois aussi (Soodhun en sait quelque chose), on pouvait voir quelques excités tenter de casser des vitres des locaux d’une entreprise de presse.

 

C’est dire que les attaques contre la liberté d’expression ont plusieurs visages et sont pratiquées sous différentes formes. Quelquefois, une traversée du désert dans l’opposition fait redescendre sur terre certaines âmes qui se voyaient supérieures. Ainsi, on aura vu les dirigeants de l’Alliance Lepep prendre la défense des journalistes pointés du doigt, lors de la récente campagne électorale, par l’alliance rouge-mauve dont les responsables avaient, eux, décidé de boycotter les radios libres. Les journalistes ne sont pas dupes, car nous savons tous que ceux qui marchent dans les allées du pouvoir se croient parfois au-dessus des lois. Mais à Maurice, comme en France ou ailleurs, plus on tente d’assassiner la presse, mieux elle se porte en prenant la liberté qui lui revient pour accomplir sa mission.  Peu importe la façon dont elle est attaquée…