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Non, la pauvreté n’est pas un choix

24 août 2014, 15:55

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La généreuse ceinture de solidarité suscitée par l’appel de détresse d’Aurélie, 12 ans, enceinte de jumeaux, dans notre édition de dimanche dernier, fait dire que devant certains désespoirs, l’être humain sait sortir de son cocon individualiste. Dès la parution de notre article, qui mettait en lumière l’extrême pauvreté dans laquelle vit cette jeune fille qui deviendra bientôt maman, de nombreux citoyens ont contacté notre rédaction pour lui venir en aide. L’histoire ayant été reprise le lendemain sur les ondes de Radio One, les auditeurs ne sont pas restés indifférents, témoignant d’une attitude réconfortante dans une société décrite régulièrement comme étant égoïste. Aux Mauriciens qui ont redonné au mot «solidarité» toute sa signification, nous disons merci au nom d’Aurélie et de sa mère Cynthia.

 

Mais force est de constater qu’il a fallu la médiatisation de cette histoire pour que nos élus prennent conscience de l’existence de cette famille dont les conditions de vie sont plus que précaires. S’il faut saluer le geste du ministre des Terres et du Logement, Abu Kasenally, qui a réagi promptement en mettant à la disposition de ces exclus une portion de terrain sur laquelle sera bientôt construite une maison, il faut aussi reconnaître que, sans ce coup de projecteur journalistique, cette famille dormirait toujours à l’heure qu’il est dans sa vieille bicoque, sans eau, sans électricité, dépourvue de salle de bains et de toilettes. Quand on sait que ces feuilles de tôle lui coûtaient Rs 2 000 par mois, on en conclut qu’il existe des âmes sans scrupules prêtes à exploiter les plus vulnérables.

 

Les députés et autres élus de la circonscription étaient-ils au courant de ce cas ? Triste de constater qu’en l’absence d’une vraie politique de lutte contre la pauvreté de la part de l’État, c’est la société civile, relayée par la presse, qui se fait le porte-parole des exclus ces derniers temps. Dans le cas de cette jeune fille qui attend des jumeaux, c’est la travailleuse sociale Marie Anne Lagane qui a attiré notre attention en lançant un appel sur un réseau social.

 

Dans nos éditions précédentes, combien d’histoires révoltantes n’avons-nous pas mises en lumière, l’une des dernières en date concernant l’entourage insalubre d’une petite fi lle de 9 ans victime de pédophilie. Comment ne pas se souvenir du jeune Scott Sophie, 15 ans, décédé en février d’un cancer et qui, jusqu’à sa mort, habitait un taudis loin de réunir les conditions sanitaires indispensables à un jeune malade. Difficile d’oublier le cri de coeur de ses parents, affirmant dans 5-Plus dimanche que leur fils ne serait pas mort s’ils n’avaient pas été aussi pauvres. Après la mort de Scott, c’est le courage d’une citoyenne, Valérie Sénèque (luttant elle-même contre un cancer), qui avait permis la réalisation du rêve de l’adolescent: doter ses parents d’un toit décent.

 

Ces exemples qui donnent un visage à la misère ne sont que quelques-uns parmi des centaines. Ces histoires sont connues parce qu’elles ont bénéficié du miroir médiatique. Mais toutes les autres familles qui n’arrivent pas à vivre décemment et nourrir leurs enfants, souvent non scolarisés, qui se soucie d’elles en l’absence d’une vraie stratégie nationale d’éradication de la pauvreté ? Ces victimes de l’inégalité des chances vivent dans l’indifférence, subissent souvent regards et commentaires méprisants, cherchant à les culpabiliser comme si elles avaient fait le choix d’être pauvres. En sus, souvent ces misérables ignorent leurs droits et se perdent dans les dédales des démarches administratives, à l’exemple de ces cinq familles qui logent dans l’ancienne usine de Dubreuil depuis 2010 (voir l’express du 8 août).

 

Pendant que le clientélisme et le copinage politiques permettent aux uns et aux autres de s’enrichir d’une manière fulgurante et indécente, les pauvres n’ont même pas droit à une dignité. Alors oui, pour faire écho au texte du sociologue Malenn Oodiah (paru dans la page forum, Le Mauricien vendredi dernier), il y a diligence «pour un pacte national contre la pauvreté et la responsabilité première dans cette lutte incombe à l’État.»