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26 avril 2014, 09:20

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C’est connu qu’un bon dessin de presse est plus mordant – à l’image d’une piqûre du redoutable poisson-pierre Laf Labou – qu’un texte, aussi bien écrit soit-il, par exemple sur un sujet aussi complexe que la réforme électorale, ou les triturages constitutionnels. Qu’une caricature soit dessinée par Plantu, Pov ou Damien Glez, elle peut facilement déchaîner des passions que d’aucuns ne peuvent refouler.

 

Justement le caricaturiste burkinabé Glez, dans un récent hors-série de Jeune Afrique, nous croque un dessin qui résume bien le dilemme dans lequel se trouvent, ces jours-ci, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam avec leur projet de réforme – qu’ils concoctent dans notre dos à tous (de quoi piquer au vif Collendavelloo, auteur d’un rapport d’un ‘Select Committee’ qui ne sert à rien – sauf à gaspiller des fonds publics). La caricature de Glez montre cinq leaders africains, tous des accros au pouvoir : le Burkinabè Blaise Compaoré, le Congolais Joseph Kabila (RDC), l’autre Congolais (de Brazzaville) Denis Sassou Nguesso, le Rwandais Paul Kagamé et le Béninois Boni Yayi, rassemblés autour d’une Constitution qu’ils tentent de modifier pour berner leur peuple, et profiter encore un peu plus du pouvoir – comme si sans eux leur pays respectif allait sombrer davantage !

 

Le dilemme de bien des dirigeants africains – dont le mandat devrait, selon eux, être à vie - se résume ainsi : 1) S’ils quittent le pouvoir, ils risquent la Cour pénale internationale, 2) S’ils restent au pouvoir, ils n’auront pas les sous du prix Mo Ibrahim ; 3) Ils s’en foutent un peu du point numéro 2 car «le prix Ibrahim n’est presque jamais attribué».

 

Chez nous, Bérenger et Ramgoolam, en fin de parcours même s’ils ne veulent pas l’admettre, se livrent à un conflit pathétique portant non pas sur notre pays mais sur leur pouvoir respectif. Qui aura le dernier mot sur qui ? Qui aura davantage de légitimité ? En public, ils confrontent leur ego de chef de tribu dans leur malheureuse tentative de triturer notre Constitution. Leur hypothétique 2e République sera, à n’en point douter, calquée uniquement sur leurs desiderata. Même s’ils veulent nous faire croire que l’alchimie s’est subitement évaporée, comme Advance cette semaine, on peut présumer qu’ils continuent en cachette de discuter du partage du gâteau, le national s’entend.

 

Et nous ? Serons-nous mangés, aux prochaines législatives, à une sauce présidentielle, semi-présidentielle, ou semi-parlementaire ? Une 2e République sera-t-elle calquée sur Madagascar, pays qui a connu une succession de crises politiques ? À cet égard, il est intéressant de noter que, depuis les années 90, la Grande île subit un glissement du régime semi-parlementaire vers un régime semi-présidentiel, voire carrément présidentiel. Cela a commencé sous Didier Ratsiraka, puis s’est accéléré sous ceux qui ont pris le relais de l’ancien leader socialiste qui inspirait les jeunes du MMM d’antan. Tour à tour, au nom des réformes constitutionnelles, chacun est venu avec son amendement pour étoffer les pouvoirs du président. Philibert Tsiranana, Didier Ratsiraka, Albert Zafy et Marc Ravalomanana ont été des présidents «élus», comme Ramgoolam souhaite l’être. Mais ils ont tous été chassés du pouvoir pour avoir traficoté la Constitution sur laquelle ils avaient prêté serment.

 

Sous l’actuel président Hery, élu aux suffrages directs, c’est encore la présidence qui nomme le Premier ministre non élu – ce que craint justement le leader totalitaire qu’est devenu Paul Bérenger.

 

Et, à Madagascar, le Premier ministre répond au Parlement, alors que le président n’a pas à répondre au pouvoir législatif. Le Premier ministre préside le conseil de gouvernement (chaque mardi) pour mettre en oeuvre ce que décide le conseil des ministres (qui se réunit chaque mercredi) et qui est présidé par le président, qui demeure le chef de l’État.

 

«C’est davantage une question rhétorique lorsqu’on parle de régime semi-parlementaire ou de semi-présidentiel. Il faut en fait, dans notre cas, donner du pouvoir au président afin qu’il puisse travailler les mains libres», nous a confié, cette semaine, le président Hery Rajaonarimampianina, dans une interview exclusive à paraître sous peu.

 

Certes, les priorités à Maurice – où le pays est, comparativement parlant, en pilotage automatique – ne sont pas du tout les mêmes qu’à Madagascar. Alors qu’en sera-t-il du modèle mauricien ?