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Diviser ou rassembler ?

15 avril 2014, 08:04

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Diviser ou rassembler ?

Dans la valse d’opinions que nous lisons/entendons/partageons sur la réforme électorale, il en est de toutes sortes. Entre ceux qui y entrevoient une occasion d’immortaliser leur nom en proposant une « formule » tout à fait nouvelle et inédite et ceux qui tentent de s’y opposer en utilisant le moindre commentaire négatif dans leur colonne d’« opposants» (que Mgr Piat ait regretté que l’on n’ait pas parlé du financement des partis politiques ne change rien au fait qu’il est d’accord avec le white paper, sauf pour le seuil de 10 %), on doit maintenant subir le point de vue du PMSD. Celui-ci, par la bouche de M. Panglose, trouve que le Best Loser System doit être maintenu et que le recensement 2011 devrait remplacer celui de 1972…

 

Ah oui ?

La bêtise du PMSD (notons tout de même la discrétion de Xavier-Luc Duval sur la question… gêné ?) consiste à nous faire croire que le recensement 1972 sur base ethnique ou communautaire peut être remplacé par le recensement 2011 sur base religieuse ! Autrement dit, ce que le PMSD propose c’est d’abandonner les divisions actuelles (deux religions, un pays d’origine et un « way of life » un peu fourretout) pour s’avancer sur les sables encore plus mouvants de la division religieuse, qui compte plus d’une cinquantaine de références différentes. Il propose ainsi aux partis progressistes pouvant mobiliser un vote de trois quarts au Parlement de modifier la Constitution pour remplacer une aberration (ethno-communale) par une autre (religieuse). C’est de la démence ! Dans 40 ans (moins si on a de la malchance), nous pourrions ainsi devenir une théocratie…

 

Le ridicule de cette proposition est facile à démontrer : quelqu’un se déclarant « adventiste » en 2011 pourrait bien avoir été hindou en 1972 et l’être toujours… Pas moins inconcevable, un « general population » de 1972 pourrait s’être converti au bouddhisme ou à l’islam en 2011. Nous avons vécu l’épisode du « way of life » de Michael Sik Yuen. On connaît le phénomène des assemblées de Dieu qui vendent la « guérison » comme d’autres pourraient vendre une décoction de corne de rhinocéros pour la libido. Et quoi faire des 8 638 personnes se déclarant « sans religion » en 2011 ? Les verserons-nous, M. Panglose, dans l’éternelle catégorie des « left-overs », c’est-à-dire la population générale ? Pourquoi donc ? De même, que faire des 49 citoyens s’étant déclarés, étonnamment, de la religion « vaish » ?

 

Le Sunday Times a, depuis, enfourché le canasson du PMSD pour faire sa petite comptabilité. On ne tentera même pas de prouver ses chiffres (il y a un trou de 1 847 citoyens, largement lié à « other religions », pensons-nous). Mais ce journal dominical affirme que le « ministère des Finances et du Développement économique a bel et bien procédé à un exercice complexe mais méthodique sur la répartition ETHNIQUE des Mauriciens » (c’est nous qui soulignons) et arrive à la conclusion qu’il y a, à Maurice, 479 828 hindous (38,9 % de la population), 404 553 chrétiens (32,8 %), 212 704 musulmans (17,2 %), 72 036 tamouls (5,8 %), 27 809 télégous (2,3 %), 20 654 marathis (1,7 %), 5 275 sino-mauriciens (0,4 %), 1 259 ahmadis, 639 bahaïs, 43 juifs, 8 772 sans religion et 1 398 « sans réponse » . Comme on le voit, rien n’est comparable entre 1972 et 2011. Prétendre le contraire ajoute simplement à la confusion et crée les conditions d’un recul d’obtus face à l’avancée progressiste possible que nous avons ces jours-ci.

 

Une nation moderne ne se morcelle pas selon ses religions, ses ethnies, ses « way of life » (ses cultures). Elle fusionne, elle assure ses métissages et ses intérêts communs, elle s’assume dans la conscience que chacun a de l’existence des autres et que chaque citoyen comprend, respecte et échange avec l’autre. Elle avance vers la méritocratie et l’équité plutôt que de préserver les quotas et les « boutes ». Presque 50 ans après l’indépendance, les courants fusionnels vécus dans la complicité commune des problèmes (quand les robinets ne coulent pas, ils ne choisissent pas l’ethnie ou la religion, n’est-ce pas ?), les échanges gustatifs et les hormones amoureuses qui n’obéissent pas aux clivages artificiels de nos petits pères, sont suffisamment forts pour laisser les nostalgiques du passé à leurs délires et à leurs petits intérêts de… dépassés !

 

M. Panglose est du mauvais côté de l’histoire. Il nous propose de reculer vers le passé. Le pays ne l’attendra pas.