Publicité

Cap sur la reprise

29 décembre 2021, 08:40

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Depuis deux ans, un insignifiant micro-organisme d’un diamètre de 0,1 micron dicte sa loi semant la mort sur son passage et déstabilisant la machinerie bien huilée de la mondialisation. À ce jour, la Covid-19 a contaminé plus de 280 millions de personnes et fait peu ou prou 5,4 millions de morts.

Sur le plan économique, le bilan est autrement plus désastreux. Selon les estimations de la Banque mondiale, la crise économique que traverse le monde est la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale du fait qu’elle a provoqué l’arrêt prolongé de l’activité économique et qu’elle continue à perturber les chaînes d’approvisionnement en faisant exploser les coûts de fret. Grosso modo, la crise aura engendré des pertes cumulées de plus de 10 000 milliards de dollars par rapport à la situation qui aurait prévalu sans pandémie. Il s’agit là de richesses non créées.

À elle seule, la quasi-paralysie du tourisme et des activités qui en dépendent a coûté environ 4 500 milliards de dollars en 2020 et 2021, selon les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme. Fortement dépendant du secteur touristique, Maurice a été l’une des économies les plus affectées dans la région de l’Afrique subsaharienne avec une destruction de valeur de pas moins de Rs 110 milliards à fin juin 2021.

Face à la profondeur et la durée de la crise, la priorité des priorités pour 2021 était la relance du secteur touristique. Il n’était plus possible de survivre avec une économie fonctionnelle à 85 %. Selon les derniers comptes nationaux, le redémarrage timide de l’activité touristique a permis de générer des recettes de Rs 15,5 milliards. C’est à peu près le quart de la performance du secteur en 2019. Il convient de souligner que ces Rs 15,5 milliards représentent environ 3,3 % du produit intérieur brut (PIB), lequel est calculé à Rs 461,9 milliards pour 2021. Mais le revers de la médaille, on le connaît : il y a une résurgence de la pandémie et la liste des morts continue à s’allonger.

L’autre bonne nouvelle c’est bien évidemment la décision de la Commission européenne de retirer Maurice de sa liste noire. Une décision qui sera publiée à l’Officiel fort vraisemblablement début février 2022. Ce delisting tant attendu est une planche de salut pour le secteur du global business qui, malgré la résilience qu’elle a affichée, avait connu un coup de mou depuis octobre 2020 en raison des procédures de diligence raisonnable fastidieuses auxquelles sont sujettes les transactions bancaires effectuées à l’intérieur de l’Union européenne. La grosse crainte des décideurs économiques c’était que le pays subisse de plein fouet une triple crise sanitaire, économique et financière. Si ce scénario de crise financière s’était concrétisé, l’économie mauricienne se serait fort probablement effondrée. Car le système financier bancaire et non bancaire est fortement interconnecté. Ainsi, les derniers chiffres compilés par Moody’s révèlent que les dépôts provenant de l’activité offshore représentent environ 56 % de la base de dépôts des banques. Grâce à cette masse monétaire, la Banque centrale a été en mesure de soutenir l’économie réelle en créant la très contestée Mauritius Investment Corporation à la faveur d’une injection de 2 milliards de dollars et en octroyant généreusement une contribution unique de Rs 60 milliards au Trésor public pour financer le Budget 2021-2022, dont Rs 55 milliards ont été tout aussi généreusement rayées.

Alors que le rideau tombe sur 2021, force est de constater que le bilan est mitigé. La croissance est molle à 4,8 % alors que l’inflation est calculée à 4 %. L’un des enjeux en 2022 sera justement de maîtriser l’inflation intérieure sachant que celle-ci reste influencée par les chocs d’offre provenant de l’extérieur, en particulier la hausse des coûts de fret et la majoration des prix des denrées alimentaires et d’autres produits de base. Pour juguler l’inflation qui, dit-on, est un impôt pour les pauvres, la Banque de Maurice peut opter pour une politique de resserrement monétaire. Certes, un relèvement des taux d’intérêt permettra également d’alléger la pression sur la roupie. Mais il s’agira d’adopter le bon timing et de ne pas asphyxier les entreprises qui sont déjà lourdement endettées.

En 2021, le challenge était de redresser une industrie touristique moribonde et de corriger les erreurs du passé en mettant tous les moyens en œuvre pour que le pays sorte de la liste noire de l’Union européenne. En 2022, ces deux secteurs joueront certainement un rôle primordial dans le redressement de l’édifice. Mais, il ne faut pas se leurrer : les effets pernicieux de la crise ne se dissiperont pas d’un coup de baguette magique. Et le coronavirus pourrait encore nous jouer quelques mauvais tours. Après l’Omicron qui nous aura coûté 0,6 % de notre PIB, il n’est pas exclu que d’autres variants viennent nous pourrir la vie. Espérons que la liste des variants ne s’allonge pas jusqu’à l’Oméga et que le coronavirus sera entre-temps devenu endémique.

Dans ce nouveau monde où il faudra composer avec l’incertitude, la reconstruction sera loin d’être une sinécure. Pour que Maurice retrouve la voie de la prospérité, les décideurs économiques devront se montrer audacieux, repenser leur modèle d’affaires et investir dans l’innovation et les filières porteuses.