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Fonction de consommation

7 juillet 2021, 08:32

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Outre de tabler sur les dépenses d’infrastructures publiques pour relancer l’économie, le ministre des Finances mise beaucoup sur la consommation comme moteur de croissance. Dans cette logique, tout ce que nous avons besoin de faire pour prospérer, c’est de dépenser. Ce raisonnement, qui est discutable, repose sur deux prémisses établies par John Maynard Keynes : la consommation est une fonction du revenu, et les ralentissements économiques sont causés par des baisses de dépenses de consommation. C’est un modèle qui simplifie trop la réalité qui n’est pas faite d’agrégats statistiques.

C’est avec la fonction de consommation keynésienne que les statisticiens des Finances ont prévu un revenu national (PIB) de Rs 499,8 milliards et une consommation finale de Rs 466,3 milliards pour l’année se terminant au 30 juin 2022. Si l’on donne encore un peu de crédit à Statistics Mauritius après sa dernière version remaniée de la comptabilité nationale, le PIB atteindra Rs 463,7 milliards au 31 décembre 2021 (contre Rs 441 milliards au 30 juin 2021), et la consommation de Rs 411 milliards (contre une estimation de Rs 394 milliards au 30 juin dernier sur la base d’un ratio consommation/PIB de 0,89).

Ainsi, la hausse du PIB au premier semestre de 2022 (Rs 36 milliards entre décembre 2021 et juin 2022) sera largement supérieure à celle du second semestre de 2021 (Rs 22,7 milliards entre juin et décembre 2021), et l’augmentation de la consommation au premier semestre de 2022 (Rs 55 milliards) sera le triple de celle du second semestre de 2021 (Rs 17 milliards). L’ampleur de ces accroissements est irréaliste parce que, les Quarterly National Accounts en témoignent, la croissance du PIB et de la consommation a toujours été moindre au premier semestre (marqué par de nombreux congés publics et des intempéries) qu’au second semestre (bénéficiant de la haute saison touristique et des fêtes de fin d’année).

En clair, pour l’année fiscale 2021-2022, il y a une surestimation importante du PIB et des dépenses de consommation et, de là, des recettes de la taxe à la valeur ajoutée. La part de la consommation finale générant de la TVA était de 52,3% en 2018-2019 et de 52,4% en 2019-2020. Comment croire que ce taux progressera de 4 points à 56,5 % en 2021-2022 dans un contexte épidémique où les gens consomment moins ?

L’approche keynésienne a pour erreur méthodologique de postuler que les dépenses de consommation sont dictées de façon passive par le niveau du revenu national. Or la fonction de consommation peut se modifier d’un trimestre à l’autre (le ratio consommation/PIB passant de 0,89 au deuxième trimestre à 0,94 au troisième trimestre de 2019), comme sur le long terme (le même ratio passant de 0,79 en 2007 à 0,90 en 2017), car les habitudes des consommateurs changent au fil des années.

Au creux d’un cycle économique, ce ratio peut augmenter (0,84 en 2008 et 0,87 en 2009 avec la crise financière globale) ou reculer (0,92 en 2020 et 0,89 en 2021 avec le Covid-19) : il ne faut donc pas tirer de conclusion hâtive pour justifier une hausse des dépenses publiques. D’ailleurs, la loi psychologique fondamentale de Keynes, selon laquelle la consommation progresse moins vite que le revenu, est démentie par la tendance haussière de ce ratio depuis 2002.

Ce paradoxe peut être résolu par le concept de «revenu permanent» de Milton Friedman : les gens ne dépensent pas sur la base du revenu qu’ils gagnent durant l’année en cours, mais des revenus qu’ils anticipent d’année en année. Si le revenu décroît, ils puiseront dans leur épargne pour consommer ; et s’il croît, ils ne dépenseront pas le surplus.

Tout compte fait, la consommation n’est pas qu’une fonction de revenu, mais elle dépend des revenus passés, des revenus attendus, des plus-values et moins-values réalisées, des prix des produits et des encaisses monétaires des consommateurs. Ensuite, les dépenses de consommation sont le résultat des phénomènes économiques, et non l’inverse.

S’il est vrai que les consommateurs décident de la direction de l’économie, leurs actions déterminent non seulement la valeur des biens de consommation mais aussi celle des biens de production. Une récession survient dans un secteur où les dépenses de consommation ne sont pas suffisantes pour motiver des investissements continus. Ce n’est pas un problème de demande agrégée, mais de proportionnalité des dépenses entre les secteurs.

Enfin, l’épargne n’est pas indépendante de l’investissement privé, mais elle est constituée dans les entreprises en anticipation de l’investissement futur. Un changement de perspective d’investissement profitable aura donc une grande influence sur elle et, par ricochet, sur la fonction de consommation. Il existe aussi une interdépendance entre les dépenses d’investissement et les déficits publics, car l’État s’octroie l’épargne privée. De par la complexité des interactions entre et au sein des agrégats, le revenu national n’est pas simplement la somme des dépenses.