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Commémoration: Charles de Gaulle, l’Homme du 18 juin

19 juin 2020, 08:09

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Pourquoi, 80 ans après ce 18 juin 1940, continuer à commémorer l’appel du général de Gaulle ? Parce qu’il est exceptionnel dans la longue histoire des guerres qu’un résistant esseulé, chevalier «sans armure», finisse par triompher en dépit de circonstances les plus hostiles qu’on puisse imaginer. Parce que le nom et le personnage de Charles de Gaulle hantent toujours les esprits.

L’occasion nous est ainsi donnée de prendre la mesure du rôle extraordinaire que cet homme a joué dans le destin de son pays. De méditer également sur les valeurs qui ont soutenu son parcours de réfugié à Londres jusqu’à la descente triomphale des Champs Élysées cinq années plus tard, comme libérateur du territoire après la sombre nuit de l’occupation nazie.

Schéma de l’historique de l’appel du 18 juin 1940.

Ce 18 juin 1940, tout semblait perdu. Le héros de Verdun, le maréchal Philippe Pétain, présidant le gouvernement retranché à Vichy, n’était plus qu’une idole vermoulue, capitulant devant les panzers allemands. Pour de Gaulle, rendre les armes est infamant. Il décide de continuer le combat à partir de Londres. «À 49 ans, j’entrais dans l’aventure», écrit-il. Avec le recul, nous dirions qu’il entrait dans la légende.

Et quelle légende !

«Quant à moi, je n’étais rien au départ.» À ses côtés, en effet, pas l’ombre d’une force ni d’une organisation. En France même, aucun répondant, aucune vraie notoriété. Contre lui, le gouvernement de Vichy qui le condamne à mort, ses collègues de l’armée, genoux à terre, les notables et les bien-pensants  recherchant la paix dans la servitude. À l’étranger, nul crédit ni de justification car, pour les Alliés, du moins au début, la légitimité demeurait à Vichy, avec les membres d’un gouvernement démocratiquement élu mais défaitiste, baissant la culotte devant l’ennemi. Seul Churchill présentait qu’en cet écorché vif brûlait une flamme capable d’embraser un mouvement de résistance sur le territoire français1.

De Gaulle (2e à partir de la dr.) veut être traité d’égal à égal par les Alliés, comme à Casablanca, en janvier 1943, en présence du général Giraud, de Roosevelt et de Churchill (de g. à dr.).

Officiellement, Charles de Gaulle n’est qu’un général de brigade à titre temporaire. En fait, un général félon puisqu’il avait abandonné son régiment. Il lui faut donc se forger une légitimité nationale hors de l’Hexagone et se faire admettre et respecter par les Alliés. Il n’avait ramené que «les tronçons d’un glaive» qu’il fallait convertir en une épée vengeresse et triomphante. «Il n’y a pas de France sans épée.»

Le ralliement

 L’Appel du 18 juin 1940 n’avait atteint, paraît-il, que de rares auditeurs. Charles de Gaulle écrit le texte dans un minable réduit de Stephens House, sur la Tamise, à Londres. Il le présente dans la soirée à la BBC, qui ne trouve pas utile de l’enregistrer. Pourtant, ce cri dans la nuit de la défaite,  lancée comme une bouteille à la mer dans l’espoir qu’elle parviendra à bon port, finit par trouver dans la France et dans ses territoires d’outremer un formidable écho.

De Gaulle n’est plus seul. Des milliers de résistants se rallient à sa cause. L’initiative d’en appeler à la fibre patriotique le fait entrer dans l’Histoire. Avec effraction certes, mais auréolé du délire de l’enthousiasme retrouvée pour continuer la lutte. Il croit depuis le tout début à la possibilité, par la volonté, d’infléchir le cours des événements. Il n’y a pas pour lui de fatalité de déclin ou de défaite. Sauf pour les mous qui s’y résignent1. Il finit par arracher aux Alliés la reconnaissance d’une France Libre, combattant sous ses propres couleurs, avec comme symbole de ralliement la Croix de Lorraine fièrement opposée à la croix gammée.

L’Ambassade de France et l’Amicale MauriceFrance ont commémoré l’appel du 18 juin, hier, à Port-Louis.

D’Alesia à Colombey

Son ambition n’est pas de constituer une petite force d’appoint sous tutelle anglaise mais d’assurer la présence de LA FRANCE aux côtés des  pays belligérants. Charles de Gaulle s’impose comme l’autorité légitime. Il exige d’être traité en égal aux côtés de Roosevelt,  Churchill et Staline. Ce serait fini de l’honneur, de l’unité nationale, de l’indépendance si, dans ce conflit mondial, il serait entendu que seule la France avait capitulé1. Une France toujours debout depuis des siècles contre l’envahisseur : Vercingétorix, à Alésia, contre les Romains ; Charles Martel, à Poitiers, contre les Sarrasins ; Jeanne d’Arc, à Orléans, contre les Anglais ; Bonaparte, au Pont d’Arcole, contre les Autrichiens. Et de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises…

Visionnaire exigeant

Le personnage est au demeurant assez abrasif. Du haut d’une imposante stature (1m94), il intimide son entourage. Il est hautain, cassant, vaniteux même. Tout à sa vision de grandeur, il méprise les prudents et les souples. Portant la France en lui, il affiche en exil une attitude de roi. Churchill n’a jamais dit que la Croix de Lorraine était la plus lourde de toutes celles qu’il eût à subir. Il avoue toutefois l’avoir souvent pensé !

Cet extrait des Mémoires du général en dit long sur son humeur et les motivations de ses exigences : «Tout limité et solitaire que je fusse, et justement parce que je l’étais, il me fallait gagner les sommets et n’en descendre jamais plus.» D’avoir été intraitable, souvent exaspérant aux yeux de Roosevelt, permit toutefois une résurrection nationale.

Prophète de la Nation pour certains, il possédait un don de longue vue. Don qu’il manifesta dans un texte stupéfiant, écrit alors qu’il avait à peine 15 ans. Il imagine : «Le général de Gaulle, à la tête de 200 000 hommes et de 518 canons, écrase les Allemands et sauve le pays de l’invasion.»  En quittant le sol de France des décennies après avoir écrit ce texte prémonitoire, Charles de Gaulle jure qu’il «se battrait où il faudrait, tant qu’il faudrait jusqu’à ce que soit lavé la tâche sur le blason national».

Valeurs fondamentales

Charles de Gaulle tient de tradition familiale les principes qui ont forgé son caractère. Son sentiment de l’honneur rend impossible moralement de pactiser avec le troisième Reich. La charge mobilisatrice de son appel se renforce subséquemment de messages sur les ondes, se référant aux valeurs fondamentales que sont la dignité, la discipline, la rigueur, le service à la Nation, le refus de se soumettre à toute idéologie qui menacerait l’indépendance et la souveraineté.  

Nous lui devons, ainsi qu’aux «combattants de l’ombre» de Jean Moulin, d’avoir servi le destin des braves : celui de la résistance à toutes les formes de domination, d’oppression, de soumission. À toute dictature, qu’elle soit idéologique, politique ou religieuse. L’appel s’inscrit ainsi dans une souveraine logique d’indépendance nationale, universellement reconnue bien que pas toujours respectée. Une logique qui lui fait s’écrier bien des années plus tard, après les événements d’Algérie : «Les colonies, c’est fini.»

Épopée mauricienne

De nombreux Mauriciens ont répondu à cet appel du 18 juin 1940. Il inspira l’épopée mauricienne dans la résistance, dans la RAF, la SOE (Special Orders Executive), jusque dans les plaines désertiques de Libye. De tous les agents infiltrés dans le maquis, un sur quatre venait de Maurice. Les Maingard, Paturau, Baissac, Galéa, Loiseau, d’Unienville (Alix torturée), Planel, des centaines d’autres se distinguèrent dans les combats.

Étonnante famille que celle des Planel : André, bombardier ; Claude et Georges, maquisards ; Philippe libérant Rangoon avec ses fantassins, et la sœur France, première aviatrice mauricienne sur les Lancasters. Raymond Rault libère Copenhague avec ses parachutistes. Maurice Rault, navigateur vers les cibles allemandes et conscient que de ces raids, un sur deux ne reviendrait jamais2. Voilà donc pourquoi cette commémoration annuelle réitère les valeurs que de Gaulle estimaient. Elles permettent, en tout temps et en tout lieu, de vivre dans la dignité de  l’honneur.

 

*1. Adapté des Mémoires du Général

<p style="text-align: right;"><em>*2. Voir dans &laquo;Présence Française&raquo;, Ed. 2018,&nbsp;Les Mauriciens &nbsp;dans la guerre, pp. 181&ndash;189.</em></p>