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Le budget de la facilité

7 juin 2020, 18:00

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Le budget de la facilité

À croire que ces 72 jours de confinement ne furent qu’une parenthèse dans nos vies. À croire que le discours budgétaire prononcé aurait pu, à quelques exceptions près, être le même avec ou sans l’expérience du coronavirus. Où sont passés nos résolutions et enseignements des premiers jours du confinement ?

Qu’a-t-on fait de cette nature qui doit respirer, de ce ciel et de ces routes qui méritent d’être moins polluées ? Que fait-on de cette nouvelle découverte qu’est le work from home qui, parfois, se révèle plus productif pour certains, évitant à d’autres des embouteillages inutiles pour mieux profiter de nouvelles énergies ?

N’aurait-il pas été judicieux que des leçons – qu’elles soient philosophiques, sociales ou économiques – soient tirées pour dessiner un meilleur pays dont on aurait pu voir les contours dans le discours budgétaire ? N’aurait-il pas été légitime de s’attendre à une vision à long terme de notre pays avec des incitations : ici, pour encourager le travail à domicile quand c’est possible, avec des propositions concrètes (facilités pour les équipements utilisés, réductions des frais de connexion, etc.) ; ou là, en pensant davantage à l’écologie, au développement durable, tout en trouvant des solutions viables pour des routes moins engorgées, voire tenter réellement l’expérience de certaines pistes cyclables (qui figurait dans le discours du président Roopun à son arrivée), sinon en créant des zones piétonnières.

À la place d’un nouveau paradigme qu’aurait pu proposer un visionnaire dont le pays a besoin actuellement, à la place de ce nouveau souffle dont on s’attendait après un tel séisme, le ministre des Finances a choisi la facilité de la continuité. La relance ? Quelle relance ? Le secteur de la construction ? Oui mais ça reste des gros projets du gouvernement avec la modernisation des gares routières un peu partout, la phase 2 du Metro Express ou encore le démarrage des logements sociaux. Et pour les petits promoteurs, les petites entreprises de construction ou les petits propriétaires qui, de plus, ne font pas partie du clan habituel du pouvoir ? Oubliés, évidemment ! Tourisme, textile ? Nous restons dubitatifs !

Les facilités offertes pour que de riches étrangers s’installent chez nous ? Une décision qui rappelle la polémique autour de la vente des passeports et de notre nationalité aux fortunés. Doit-on ajouter qu’il ne s’agit pas ici de ces modestes travailleurs venant du Bangladesh, à qui il faut tendre la main, mais de ces bourses luxueuses qui contribuent à la flambée des prix de l’immobilier au détriment d’acheteurs mauriciens luttant inlassablement pour l’obtention d’un titre de propriété ?

Au fond, que ce soit Padayachy cette année ou Jugnauth les années précédentes, y a-t-il une différence de vision, si ce n’est que l’objectif reste le même, avant ou après la Covid-19 ? D’un Budget à l’autre, l’esprit ne change pas : aucun plan large, ne pas froisser l’électorat, peu importe le prix que ça coûte, et distiller quelques mesures positives.

Il est clair qu’avec un tel Budget, Padayachy marque des points. Dans un contexte économique extrêmement difficile, à un moment où l’on s’attend à une série de mesures sévères faisant craindre des jours austères, le grand argentier balaie ces tracasseries individuelles et fait dans le populaire : baisse du prix du gaz ménager, allocation pour ceux qui se retrouvent au chômage technique, augmentation de l’allocation du mauvais temps pour les pêcheurs, facilités de loan pour les petits planteurs.

Évidemment qu’il y a de ces propositions ressemblant uniquement à quelques bonnes intentions. La réaction provoquée par la construction de 12 000 nouveaux logements sociaux en fait partie. Avec raison, beaucoup de Mauriciens se demandent comment ces maisons-là verront le jour et pourquoi celles promises dans le passé ne sortent toujours pas de terre. Ajouté à cela, alors que des unités de la NHDC restent inhabitées, l’État a trouvé l’urgent besoin de démolir les cases en tôle des squatters…

Bref, à croire que ces 72 jours de confinement n’ont servi à rien, si ce n’est à une parenthèse dans nos vies… Dommage !