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Post-Covid-19: d’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

1 avril 2020, 14:19

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Post-Covid-19: d’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?

Cette oeuvre testamentaire de Gauguin de 1897, peintre à Tahiti, illustre un état de confinement, à sa manière dans la belle nature de son paradis exotique paradoxal... Mais elle interroge surtout notre ADN et le sens de la vie. 

Paul Gauguin, en quête d’une société fondée sur d’autres valeurs que celles de la société européenne et occidentale s’installe définitivement à Tahiti en 1895. L’île isolée en plein océan Pacifique est le terrain d’un profond renouvellement de son art où le climat, la végétation, les paysages, le rapport entre l’Homme et la Nature, les moeurs et les mythes païens offrent de nouvelles thématiques à l’artiste. Ce grand tableau montre bien les trois tranches d’âge : la jeunesse, l’âge adulte et la vieillesse. 

Je suis né avec la Seconde Guerre mondiale et c’est la première fois que je vis dans une atmosphère d’incertitude, de doute et de stress, pour ne pas dire de peur puisque en face de nous un ennemi invisible, comme un ange exterminateur, empoisonne notre univers. Contrairement à la guerre, il n’a pas de camp, seul contre tous, il tue en nous utilisant pour contaminer nos proches. L’homme moderne que nous sommes, bardé de diplômes, de connaissances, de savoir-faire, armé de toutes les technologies les plus sophistiquées, passe au second plan. Tous nos espoirs se trouvent entre les mains de nos grands scientifiques, qui sont devenus nos généraux dans ce genre de combat, confinés dans leurs champs de bataille, les laboratoires. C’est une drôle de guerre : formules chimiques vs virus. 

Devons-nous interpréter cela comme un avertissement de la nature martyrisée, puisque nous les humains avons fait un abus épouvantable de ces biens et espaces naturels, avons consommé et fait main basse sur les animaux, y compris sur ceux considérés comme espèces en danger. Nous continuons d’incendier les forêts primaires vitales pour l’équilibre mondial, pour les remplacer par une culture démesurée de plantes OGM, avec la complicité des puissances de l’argent, conduites par l’influence des grands de ce monde qui n’agissent toujours pas pour empêcher la dégradation inéluctable de notre planète. 

Nous sommes nés et nous vivons dans une nature généreuse. Nous devons faire l’impossible pour que nos enfants puissent en bénéficier et retrouvent celle que nous avons connue dans notre enfance. 

Crise sanitaire certes, mais crise majeure de l’économie, quelle que soit l’issue de cette épreuve douloureuse, l’homme porteur de sensibilité sera obligé de modifier son comportement après ce confinement qui risque d’être long. 

La première leçon sera un sursaut concernant les règles d’hygiène, puisqu’il aura appris à se laver les mains plusieurs fois par jour et à désinfecter les objets susceptible de le contaminer. Comment vivra-t-il désormais devant le manque d’hygiène en étalage dans le commerce, au marché, chez les marchands ambulants, posant à même le sol les denrées que nous devons manger ? Il s’interrogera certainement sur l’hygiène des cuisines des restaurants avant de commander un plat, bref, il évitera les lieux malsains. 

Au volant, lui qui était toujours pressé, toujours en train de grignoter une seconde par ci et là, au prix d’une indiscipline totale, brûlant les feux rouges et roulant sur les lignes blanches. Maintenant qu’il a du temps, il doit s’interroger sur ces gestes inciviques qui mettent en péril notre société et nos familles, surtout quand on est parent de jeunes à éduquer. 

Le confinement, à bien des égards, est salutaire pour la société. Disparition des ronflements des grosses cylindrées, on respire mieux et on est moins pollué… on retrouve la «symphonie pastorale» en écoutant le chant des oiseaux. Nous apprenons à mieux connaître nos proches car au-delà des routines quotidiennes, nous organisons ensemble les jours, les semaines. Il nous interroge sur la place des pauvres, des SDF, des drogués et autres marginaux dans notre société de consommation... 

Cette épreuve universelle, inopinée, et insaisissable bouleverse totalement nos modes de vie. Elle doit nous pousser à la réflexion sur certains aspects de notre société : la course effrénée à la richesse, au gaspillage, à la jouissance d’une minorité de personnes, aux abus de toutes sortes de biens de la société… Les comportements sectaires qui alimentent les communautarismes, les favoritismes, les dictatures en tous genres, etc. 

Nous formons le maillon de la chaîne, que nous soyons dirigeants ou dirigés, nous sommes tous fragiles et vulnérables. Plus que jamais regardons autour de nous, soyons solidaires surtout envers les plus démunis, soyons attentifs et à l’écoute les uns des autres. 

Coronavirus vient aussi montrer du doigt le fait que le monde entier n’investit pas assez sur la santé. Nous devons réagir rapidement en formant les personnels, en nous dotant des équipements nécessaires pour nous protéger des virus présents et futurs. 

Et la place de l’Art dans tout cela ? 

Il prouve une fois de plus son rôle essentiel dans toute société. Il apporte un peu de douceur et de bonheur dans ce confinement généralisé, en s’exprimant à travers les concerts improvisés de balcons, les vidéos offertes par les musiciens, les messages humoristiques, les dessins des enfants qui exorcisent leurs peurs inconscientes... 

Encourageons les artistes, les écrivains, les philosophes et toutes les bonnes volontés à apporter leur contribution, selon leurs moyens, pour mieux supporter notre souffrance. 

Et, passé cette épreuve, sollicitons les artistes pour redonner une âme à ce monde.

Pierre Argo, plasticien, photographe.