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Experts en «zis tou»

5 janvier 2020, 10:48

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Notre société est malade. Et hypocrite, aussi. Il suffit d’entendre et de lire les réactions de nombreux compatriotes suite aux potentiels féminicide et infanticide, à Henrietta, jeudi – heureusement avortés par la prompte intervention d’un policier – pour qu’on se rende compte que le Mauricien lambda est un expert autoproclamé en «zis tou», possédant un avis tranché sur des sujets aussi variés que le football international, la météorologie, la politique locale, la justice, la haute finance, l’économie, le système éducatif, l’art de la cuisine, la mode, les activités liées à la drogue ou aux actes criminels, j’en passe et des meilleurs. C’est à la fois risible et gênant, mais, aussi, dangereux dans certains cas.

 En effet, ces réactions d’experts en «zis tou», surtout quand elles sont affichées sur les réseaux sociaux, peuvent agacer, voire, faire sourire les lecteurs. Mais, d’autres fois, elles se révèlent dangereuses, car des personnes influençables se laissent facilement embobiner et embrigader dans des débats enflammés alors que ces gens-là, bien souvent, ne savent pas de quoi les autres parlent. Ou n’ont qu’une très vague idée du sujet qui fait polémique.

 Ces pseudos experts sont dangereux, surtout quand ils véhiculent des idées fausses et des informations tronquées par le biais de médias possédant de grandes audiences, comme Facebook ou les ondes des radios privées.

 Ces experts en «zis tou», souvent les mêmes, sévissent dans les émissions «phone in» et ont la faculté d’être accueillis sur presque toutes les radios. Imaginez les dégâts qu’ils peuvent causer, qu’ils causent déjà, en véhiculant des bêtises ou des avis partiels et partiaux sur des sujets hautement sensibles…

 L’«expert» mauricien va se mettre en colère devant l’«ignorance» et l’«incompétence» des professionnels agréés, dont c’est le métier de gérer l’activité critiquée. Il va aussi se moquer des amateurs éclairés, qui, eux, ont fait des recherches poussées sur le sujet en question et savent, en général, de quoi ils parlent. Non, pour notre « expert» en «zis tou», le professionnel et l’amateur éclairé sont des «kouyon» qui ne connaissent rien de leurs métiers ou qui ne doivent leurs positions que grâce à des «backings» politiques.

Notre «misie ou madam konntou» ne jure que par Saint Google ou Saint Facebook. Il lui suffit de faire deux minutes de recherches sur le Net pour se proclamer expert en la matière. En deux minutes, il peut vous dire de quelle maladie vous souffrez ou pourquoi tel ou tel parti a perdu ou gagné les élections. Il n’aime pas être critiqué ou contredit sur ce qu’il avance. Et il peut même devenir violent, au propre comme au figuré, si d’autres personnes ou d’autres «experts» ont l’outrecuidance de remettre ses affirmations en question.

Depuis jeudi, notre expert en «zis tou» soutient mordicus que le policier qui a tiré sur le fou furieux qui allait trucider femme et enfants aurait dû lui tirer dessus dans les jambes ou aux bras et pas ailleurs. Que ce policier – qui n’a fait que faire ce pour quoi il a été formé de manière professionnelle – n’aurait pas dû tuer le forcené, qui aurait été sous l’emprise d’une drogue synthétique. On s’apitoie, peut-être avec raison, sur le sort du papa violent, du mari-bourreau. Mais on oublie, peut-être, qu’il y aurait pu avoir trois morts si ce policier n’avait pas agi comme il l’a fait.

L’auteur de ces lignes ne va justement pas donner son opinion sur ce qui s’est passé. On laisse cela aux vrais experts. Il suffit de savoir que la décision de tirer dépendait probablement de plusieurs facteurs. Dont, l’un, serait que la vie d’un enfant ne tenait qu’à un fil et qu’un homme blessé par balles, aux jambes, peut toujours avoir la force d’abattre son sabre sur la tête du bambin, avant qu’il ne soit désarmé. Laissons l’enquête judiciaire suivre son cours et évitons les discussions passionnées qui, des fois, ne font qu’ajouter de l’huile sur le feu.

Au-delà des débats sur la question de tuer ou ne pas tuer, saluons la prompte intervention de la police dans ce cas que, pudiquement (hypocritement ?), on qualifie de «violence conjugale». L’homme abattu avait, semble-t-il, un passif lourd à ce sujet. Les discussions animées ou les prises de becs entre époux sont légions au sein de nombreux couples. Certains, maris comme femmes, se laissent, des fois, aller à des actes de violence envers l’autre moitié du couple. Mais rien ne justifie la violence d’un mari (ou d’une femme) envers la personne qui partage sa vie. Ni envers ses enfants.

 Il est temps d’arrêter l’hypocrisie sociale dans laquelle beaucoup de personnes vivent. Il est temps, pour les proches, d’intervenir dans des cas de violence conjugale. Si on sait qu’une femme est régulièrement battue, tirons-la des mains de son bourreau avant qu’elle ne soit assassinée. Cela éviterait à certains de se lamenter sur les réseaux sociaux ou de donner leurs avis d’«experts» après des crimes.