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Les urnes ont parlé

10 novembre 2019, 10:30

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Difficile de faire une analyse à tête reposée des élections générales quelques jours après le verdict des urnes. Les passions sont encore trop intenses, les joies et les peines immenses, l’espoir des uns et le désespoir des autres encore trop présents pour que chacun puisse vraiment s’atteler à la tâche d’une critique constructive et réfléchie de la décision d’une majorité de l’électorat, de chaque circonscription, d’élire ses représentants. Car, dans chacune des 20 circonscriptions de l’île, la majorité a tranché et laissé au bord du chemin les autres candidats qui se présentaient devant l’électorat. Néanmoins, il faut saluer la victoire de l’Alliance Morisien, menée par Pravind Jugnauth, qui se retrouve aux commandes du pays pour encore cinq ans. Il faut accepter le choix démocratique et souhaiter bonne chance à la nouvelle équipe.

Une lecture rapide des statistiques nous apprend que Pravind Jugnauth peut compter sur une majorité très confortable, avant le choix des Best Losers, pour gouverner le pays et imposer sa marque sans voir l’ombre du père planer sur lui. Il a 38 députés à sa disposition. Quarante, si on y ajoute les deux représentants de Rodrigues, qui, traditionnellement, travaillent avec le gouvernement du jour. Sans jeu de mots, le Premier ministre entre désormais à l’Hôtel du gouvernement par la grande porte. Il peut maintenant se forger un prénom : Pravind.

Cependant, il n’est pas sans savoir que, sur l’ensemble du pays, l’alliance MSMML n’a été plébiscitée que par environ 4 électeurs sur 10. Car 3 électeurs sur 10 ont choisi l’alliance PTr-PMSD, 2 sur 10 ont voté pour le MMM et l’électeur restant pour d’autres partis. Ce qui fait que Pravind Jugnauth doit maintenant bosser dur pour une réconciliation nationale, lui qui a déjà affirmé que son équipe et lui travailleront pour l’ensemble des Mauriciens. Donnons au nouveau gouvernement qui se mettra bientôt en place une période de grâce. Et souhaitons que le Premier ministre arrive à recoller les morceaux de l’arc-enciel mauricien, qui a été sérieusement mis à mal pendant la campagne électorale.

Cela dit, quid des principaux opposants ? Le Parti travailliste, avec 10 députés, fait mieux qu’en 2014 alors que le PMSD, avec 4 députés, fait moins bien. Et le MMM, avec 8 élus, régresse aussi par rapport aux dernières législatives. Pour l’alliance PTr-PMSD et pour le MMM, c’est une lourde défaite. Car, les deux nourrissaient l’ambition de remporter les élections. Il leur faut maintenant panser leurs blessures et se remettre en question.

La non-élection de Navin Ramgoolam, sa seconde d’affilée, sonne comme l’annonce d’une fin de règne. Après plus de 29 ans  de leadership, le chef des Rouges, qui a de tout temps affirmé que le Parti travailliste ne lui appartenait pas, semble être arrivé à la croisée des chemins. Hormis les «vétérans» Arvin Boolell, Shakeel Mohamed et Patrick Assirvaden, les sept autres élus rouges représentent le renouveau du PTr. C’est un signe qui ne trompe pas. La relève est là. Bien encadrés par quelques aînés, d’autres jeunes rouges peuvent aider le PTr à se réinventer. Et partir d’un bon pied vers la reconquête du pouvoir.

Si le PTr veut remporter les élections de 2024, cela passerait inévitablement par un retrait de Navin Ramgoolam, même si cela ne plaira pas à certains «die-hards» rouges. Un nouveau leader pourrait insuffler un nouveau dynamisme aux travaillistes. Chacun doit faire son mea culpa et prendre ses responsabilités. Car il y a eu un avant- Navin Ramgoolam et il y aura un après- Navin Ramgoolam dans le parti des Curé, Sahadeo, Anquetil, Rozemont, Seeneevassen, Seewoosagur Ramgoolam, Satcam Boolell. Navin Ramgoolam a beaucoup fait pour le PTr et il a laissé son empreinte sur le développement du pays. Rien que pour ça, il mérite le respect. Maintenant, pour la bonne santé de notre démocratie, le PTr doit faire son exercice de «rebranding».

La même chose peut être dite pour le MMM. Le leader historique, à la barre du navire mauve depuis 50 ans, doit profiter de ce nouveau mandat pour préparer sa succession à la tête du parti. Paul Bérenger sait que des bastions mauves sont tombés lors de ces élections. La faute surtout à un non-rajeunissement des cadres, comme chez le voisin travailliste. Dans cette optique, c’est rafraîchissant de voir l’arrivée de Joanna Bérenger sur la scène politique. Elle doit maintenant se débarrasser de l’étiquette «la fille de…» et se tailler son propre costume. D’autres jeunes militants, même parmi ceux qui ont été des candidats battus, annoncent un vent de renouveau sur le MMM. Le parti du coeur doit lui aussi se réinventer durant ces cinq prochaines années s’il veut éviter un triple pontage coronarien.

Les autres formations politiques, telles que Rezistans et Alternativ ou 100 % Citoyens, doivent elles aussi faire leur autocritique si elles veulent un jour jouer les premiers rôles au sein d’un gouvernement. La politique est aussi l’art de savoir faire des concessions là où il le faut, quand il le faut. Pourvu que des jeunes Mauriciens ne continuent pas à se dire que ce pays est foutu et qu’il vaut mieux aller voir ailleurs. Sachons garder nos meilleurs cerveaux au pays. Tout comme on garde nos meilleurs bras. Bonne chance à tous.