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(Ne) demandez (pas) le programme !

9 octobre 2019, 07:00

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Alors, les élections arrivent. Boum ! Boum ! Boum ! On s’apprête à descendre les sonos dans les rues, dans les voitures, sur les réseaux sociaux chercher votre vote. En bons citoyens démocrates, vous êtes tentés de demander le programme. Si votre choix n’est pas déjà fait, sachant que personne n’a présenté de programme...

Pourquoi pas ? Souvenez-vous, il y a à peine cinq ans, un peuple entier croyait au «miracle». Il est peu probable de séduire à nouveau ce même électorat en disant que les perspectives économiques ne sont pas roses... Donc, si les programmes sortent, il est fort probable qu’ils contiennent des litanies de promesses. Elles n’engageront que ceux qui auront bien voulu y croire. Le gouvernement élu, pour sa part, se réservera le droit de changer d’avis.

Il n’est cependant pas interdit au citoyen démocrate de réfléchir avant son vote. Et de comprendre le plateau de responsabilités qui sera servi au nouveau gouvernement.

Ce plateau n’est pas négociable. Il est composé de la conjoncture internationale qui ne nous est pas favorable. Dans l’industrie sucrière, on estime que le prix du sucre ne remontera pas de sitôt. Le Brexit, quand bien même il ne serait pas «hard», affaiblira à la fois la Grande-Bretagne et l’Union européenne, nos principaux marchés de tourisme et de textile. Depuis avril 2019, le global business est déjà passé à la vitesse inférieure. 

De plus, dans les milieux d’affaires et de gouvernement, on essaie de ne pas trop lire les avertissements répétés de l’Agence internationale d’énergie qui annonce un rétrécissement de l’offre de pétrole dans les prochaines années. Ce qui n’en élimine pas le risque réel.

Autant de facteurs sur lesquels les nouveaux élus n’auront pas de prise. En clair, les prochaines années mettront l’économie sous contraintes. Qu’est-ce qu’une économie sous contraintes ? C’en est une où, en raison d’une soudaine détérioration des termes de l’exportation (on vend encore mais à moins cher) et de l’accès restreint aux ressources (importées), la production nationale n’arrive pas à croître. Les économies en développement y sont particulièrement vulnérables. Notamment parce que la base de production n’est pas suffisamment diversifiée et pas assez locale. Tel est notre cas.

Dans une économie sous contraintes, tenter de faire remonter l’activité en baissant le taux d’intérêt n’est pas efficace. Ce n’est pas cela qui rendra nos exportations plus compétitives. On pourrait peut-être faire baisser la roupie. Sauf que, dans le même temps, la demande de consommation est souvent peu compressible, notamment pour l’alimentation et le transport, qui sont des biens importés. Donc, les pressions inflationnistes ressurgissent. Tenter de les endiguer en remontant le taux d’intérêt est aussi voué à l’échec. Cela ralentirait encore l’investissement. Au final, le levier de la politique monétaire ne peut plus être actionné sans risquer une crise sociale.

Le défi dans ce cas est double. D’une part, contenir les pressions inflationnistes autrement que par la politique monétaire. D’autre part, gérer des situations sociales de plus en plus tendues. 

Du coup, pour optimiser une économie sous contraintes, il faut s’attendre que le gouvernement soit plus dirigiste. Qu’il intervienne de manière plus précise et cibléepour redéfinir des règles de répartition des revenus; qu’il construise des solutions pour garder les Mauriciens en emploi et/ou compenser les pertes de revenus quand l’inflation vient toucher des dépenses essentielles. Il pourrait choisir des politiques de rationnement ou de fixation des prix. Le défi sera d’assurer une juste répartition des ressources dans l’économie. Autant dire que le ministre des Finances aura, plus que jamais, un rôle clé. 

Il faut aussi s’attendre que le gouvernement renonce à une posture de facilitateur pour revenir à un rôle d’intervenant direct. Ce qui n’est pas un problème en soi, à condition que les critères d’intervention soient justes et équitables en fonction des contraintes subies.

Dès lors, aller voter le 7 novembre revient à choisir non pas entre des programmes (bidon) mais entre des personnes susceptibles d’intervenir le plus efficacement possible. Des personnes dont on espère qu’elles seront réfléchies, justes et équitables. Ah, j’oubliais presque: honnêtes aussi, ce ne serait pas mal !