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Quel sens donner à l’acquittement de deux politiciens ?

3 octobre 2019, 07:37

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Quel sens donner à l’acquittement de deux politiciens ?

En l’espace de quelques jours, deux politiciens au sommet de la hiérarchie de leurs partis respectifs sont acquittés. Chacun a eu un jugement prononcé en sa faveur. Ils ont été libérés des charges qui pesaient sur eux par les magistrats de la cour intermédiaire. La population qui a suivi, par médias interposés, le déroulement de leurs procès les a aussi jugés. C’en est ainsi dans notre société, où le verdict de la cour est souvent précédé du jugement du tribunal de l’opinion, surtout lorsqu’il s’agit des politiciens et des hommes publics. Et avant de sonner les pétards ou proclamer que la justice a triomphé, ou remercier tous ceux qui ont cru à leur innocence, ceux-là gagneraient à se demander si le tribunal de l’opinion les a innocentés.

Car il est terrible ce tribunal de l’opinion : il ne consulte pas les textes de loi, ne s’intéresse guère à la jurisprudence, ne s’impose aucune procédure formelle et austère, il fait son enquête dans la rue, se renseigne dans la presse et sur les médias sociaux, n’écarte pas la rumeur, se fie à son feeling, et participe aux échanges entre amis et collègues, argumente sous la varangue des boutiques et dans les «lanuit». Le jugement qu’il construit est le produit de sa liberté de penser, tient compte de sa sensibilité politique et ses appartenances.

Par ailleurs, l’inconvénient avec deux jugements d’acquittement de politiciens opposants, prononcés en l’espace de quelques jours seulement, c’est qu’ils ouvrent la porte à la comparaison. Toujours par le tribunal de l’opinion. La faute commise par chacun d’eux est diversement commentée et analysée.

Le tribunal de l’opinion ne procède pas de la même manière qu’une cour de justice. Dans son analyse, il fait intervenir ses propres critères, qui, selon lui, relèvent du bon sens et de la logique. La charge logée officiellement par la police et le bureau du DPP n’est parfois pas celle définie par le tribunal de l’opinion. Le politicien peut être accusé pour abus de pouvoir ou complot, alors que le tribunal, lui, choisira de le condamner pour une autre charge qu’il juge la plus visiblement offensant, la moins théorique et plus simple à comprendre.

Le nombre de personnes affectées par la faute est aussi un élément déterminant dans le choix de la charge collée au politicien. À cela, s’ajoute l’exploitation qui en est faite par les opposants de l’effet direct ou indirect du délit sur la population ou sur une partie de celle-ci.

Pour le politicien dont la faute paraît moindre dans ses effets, il pourra jouir de ce défaut du tribunal de l’opinion qui consiste souvent à détruire ses dossiers. Il a la mémoire qui s’évapore facilement : mais tout va dépendre de la personne qui se trouve dans le box des accusés. Car en choisissant d’oublier, le tribunal de l’opinion se base parfois sur autre chose que la gravité de l’offense commise ou le nombre de personnes affectées. À chacun de définir cette «autre chose». Liberté de penser oblige !

Quant au politicien condamné par l’opinion, il n’ira pas en prison. Heureusement. Quoi qu’il risque de rester dans la mémoire populaire comme un coupable. Et cela, à… perpétuité.