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Féminicides: cette facile tentation de culpabiliser la femme victime !

19 septembre 2019, 10:30

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Révoltante, cette réaction suite aux assassinats perpétrés contre des femmes. Le problème, disent ceux et celles qui pensent avoir compris la source du mal, réside dans le fait que les femmes ne vont pas de l’avant, ou bien elles «retirent» leurs plaintes, ou ne réagissent pas à temps pour alerter la police ou le ministère dès les premiers coups reçus. Tout ce beau monde qui se met à fabriquer des explications. Mais en tenant de tels propos, ils font porter aux victimes la charge d’être parties prenantes des actes qu’elles subissent auprès de leurs conjoints ou compagnons.

S’est installée une fâcheuse habitude de chercher une raison pour se déculpabiliser, pour dire «si on avait su…». Il s’agit là d’une échappatoire trop facilement trouvée, par ceux incapables de fournir la réponse à un problème de société, dont ils sont censés s’occuper !

La femme doit agir : l’insistance est choquante. Surtout lorsque cette phrase atterrit dans une famille où une femme vient de mourir. Se voir prêcher la morale et entendre dire que le mort a contribué à sa tragédie est révoltant et insultant dans les durs instants. Comme si on veut faire porter à la victime une responsabilité dans sa mort.

Le deuil des proches est plus dur à porter lorsque des qui propos sont lancés rendent la victime coupable de son silence. Dans tous les cas, le meurtrier est connu de sa victime, il y a une relation entre eux et donc la dénonciation ne se fait pas dans le même contexte comme s’ils étaient deux étrangers. Dénoncer quelqu’un avec qui on vit est plus complexe que l’on pense.

La réaction première de certaines personnalités, sur qui la société compte pour apporter du secours, ne peut se focaliser sur une victime qui ait pu un jour pardonner à son bourreau, dans l’espoir d’un changement de son comportement.

Aussi, on sait que certaines femmes sont dans l’impossibilité morale de dénoncer. Elles évoquent la raison économique. Car, si le mari part, ou qu’il est en prison, comment nourrir les enfants ? Quelle réponse est proposée à cette femme qui pense ainsi ? S’il n’y en a pas, réfléchissons deux fois avant de la culpabiliser pour son aveu sur sa réalité.

Briser le silence est devenu comme un slogan pour alléger les esprits et donner bonne conscience à la société qui voit ainsi sa responsabilité réduite lorsque le crime se produit. Mais ayons le courage de nous demander ce qui se passe réellement lorsque le silence est brisé. Est-ce que l’on ne meure plus ? Et si la victime n’avait pas retiré sa plainte ou qu’elle n’avait pas pardonné à son agresseur, aurait-elle toujours été en vie ? De ces cinq femmes qui ont été assassinées, la société – soit proches parents, la famille, les voisins, les autorités, les médias, les ONG – peut-elle se regarder et dire qu’elle n’en savait rien ? À cette société ne doit-on pas aussi lui demander de briser le silence ?

La cause de la mort de ces femmes est plus complexe que ça n’en a l’air. Évitons d’introduire la notion de «contributory negligence» qui existe en droit pour dire que la victime aura contribué à son propre malheur. Même si chaque société invente une histoire pour cacher son impuissance…

Il est inutile, et de surcroît indélicat, inopportun voire révoltant, de venir prétendre que l’on a la solution aux crimes commis. On tue pour d’autres raisons que le retrait de la plainte ou encore le silence des victimes.

Le jour où l’on aura compris cela, cessera la violence contre la mémoire des femmes victimes !

On ne les tuera plus… pour la deuxième fois !