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Pourquoi avoir peur d’une lutte à trois ?

5 septembre 2019, 09:33

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Pourquoi avoir peur d’une lutte à trois ?

Les implications d’une lutte à trois aux prochaines élections générales retiennent peu l’attention de l’opinion, occupée comme elle est à suivre les tractations, débauchages, retournements de veste et autres contorsions de certains politiciens. Le moment s’y prête peu pour réaliser que la lutte à trois ne cadre pas avec notre système politique qui, avec sa Constitution et ses lois, guide l’organisation du pouvoir et l’opération de la machinerie parlementaire.

Une lutte à trois génère une inquiétude : le parti ou l’alliance qui sera appelé à constituer le gouvernement peut ne pas avoir eu le soutien d’une majorité d’électeurs. Surgit alors la question de la légitimité d’un tel gouvernement qui, même ayant une majorité de sièges à l’Assemblée nationale, va devoir diriger le pays avec 60 à 70 % des électeurs ayant voté contre lui.

Avec trois grands blocs qui s’affrontent, il n’est pas impossible que ce soit un très petit nombre d’électeurs qui décide qui formera le gouvernement. Par exemple, les deux élus de Rodrigues pourront être appelés à faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Le destin de la République de Maurice, pour les cinq prochaines années, pourrait se trouver entre leurs mains. Rien d’alarmant dans une telle situation, sauf que, conférer une telle responsabilité aux élus de la plus petite circonscription du pays, interpelle sur le plan de la légitimité. Il serait alors question du rôle décisif que jouent 12 000 électeurs, ou même moins, sur un total de 900 000 que compte la République de Maurice.

Autre possibilité : c›est le parti ayant obtenu le moins de sièges qui va déterminer qui formera le prochain gouvernement. Cette opinion tient compte du degré d’antagonisme entre les trois principaux partis ou alliances qui s’affronteront aux prochaines élections générales. Qui considère l’un comme ennemi juré, à qui il ne fera aucune concession ? Qui traite l’autre comme adversaire, avec qui il peut cohabiter ? Ainsi se résument les deux questions dont les réponses détermineront le destin de la République pour les cinq prochaines années.

Ces deux situations sont envisageables si un des partis ou alliances n’arrive pas à faire élire 32 de ses candidats. Avec moins, pour pouvoir constituer un gouvernement, il va devoir compter sur le bon vouloir des deux élus de Rodrigues ou de son adversaire.

La complexité résultant d’une lutte à trois a été constatée aux élections générales de 1976. Le perdant de ces élections, c’est-à-dire le parti qui avait eu le moins de sièges, avait décidé à qui remettre le pouvoir. Et le parti vainqueur, le MMM, s’était retrouvé dans l’opposition, laissant au PMSD le loisir de faire sa loi au PTr, en attendant que des transfuges vinrent au secours du gouvernement, le tout créant une situation d’instabilité.

Notre système politique n’est pas conçu pour une lutte à trois. Celle-ci est source d’inquiétudes, invite à l’instabilité et tient le gouvernement en otage. Pire, il glorifie la déloyauté, forme de trahison, enrobée dans le terme transfugisme.

Voilà de quoi on devrait avoir peur : la trahison des principes devient un mode normal de comportement, une pratique acceptable ou tolérée. La négation du sens de l’éthique qui risque de pourrir laconscience de tout un peuple.