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Stabilité politique ?

28 août 2019, 08:19

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Stabilité politique. Voilà les mots-clés de toute brochure qui veut vendre Maurice aux investisseurs, aux commerçants. Le business, on le sait, n’aime pas l’incertitude. Une forme d’ordre, même imparfaite, lui est toujours préférée. Dans le monde des affaires, stabilité rime avec sécurité, réduction des risques. Tout pays qui prétend attirer les investisseurs est invité à organiser sa vie publique au préalable dans une forme prévisible.

C’est donc sans surprise que le business se réjouira de cette effervescence retrouvée dans le monde politique. Symbole d’une démocratie qui fonctionne. Sans questionner le caractère démocratique de ces futurs candidats qui changent de couleur de t-shirt, disent-ils, sans changer de valeurs ni de programme. De ces anciens toujours au poste, garants de la continuité du système. Bon ou pas pour la démocratie, tant que le business tourne... Pourvu que ça dure.

L’ultime environnement favorable ne serait-il pas une forme de stabilité sans date de péremption, à durée infinie ?

Qu’est-ce qu’une stabilité ? Qu’estce qu’une durée indéfinie ? Si ce n’est un rêve. Celui que nous avait vendu l’Union européenne à la signature du protocole sucre. Un accord sans date de péremption, censé nous protéger à jamais. Mort, comme tout système qui s’essouffle et connaît un jour un terme. Comme le protocole sucre, la forme de démocratie qui prévaut à Maurice manifeste des symptômes de fin de vie. Que certains veulent bien voir, que d’autres préfèrent ignorer.

Pourtant, les signes sont visibles.

Des formes de gestion des partis, comme des entreprises familiales, de moins en moins appréciées. Des leaders anciens qui, malgré une visibilité toujours assurée, peinent à brasser plus large que leurs noyaux durs. Des leaders qui tablent sur des votes de groupes sociaux, pour la plupart défavorisés, qui choisissent leurs élus en fonction de leur proximité ethnique. En parallèle, dans les classes moyennes émerge un sentiment d’abandon. C’est sur les réseaux sociaux que se manifeste cette désillusion. Du coup, les allégeances changent et se reconstruisent en autant de petites formations qu’il existe de lignes de pensée.

Des changements, pour l’heure, peu susceptibles de mener à une révolution. Le peuple croit encore à la force des grands partis. Ainsi, pour les pessimistes, le système est sclérosé. Pour les optimistes, Maurice reste alors ce havre de paix et de stabilité dans un monde tourmenté. Le restera-t-il ? Pas si l’on en croit les mouvements en place dans le monde. À l’étranger aussi, la démocratie s’essouffle. Les populations saturent de ces gouvernements qui changent de visage sans changer de programme. Les dynasties familiales sont questionnées. Les éléphants des partis sont réduits en cendres. Les forces politiques sont redessinées entre les partis qui restent «dans le système» et ceux qui en proposent un nouveau. Bon ou mauvais. Les Mauriciens observent ces tendances. Ils observent. Sans rien changer.

Sclérose ou stabilité saine ? Se demande-t-on vraiment à quoi tient le système ? D’où émane cette résistance qu’on dit très mauricienne, unique au monde ? Vient-elle des caractéristiques intrinsèques à notre peuple pétri d’unité et de vivre-ensemble ? À n’importe quel prix ?

On voudrait bien le croire. Si on n’observait ces tensions qui émergent dans la société. De ces manifestations qui accompagnent les fermetures d’entreprises. De cette criminalité rampante, de ces systèmes d’alarme qui se vendent comme des petits pains… Des tensions qui émanent de ceux qui sont prêts à tout pour préserver leur pouvoir d’achat. On comprend alors que le système ne survit que sur un seul pilier : la stabilité économique. Des emplois, d’un pouvoir d’achat. Et un sentiment de participer à une certaine prospérité économique. Tout cela n’a rien à voir avec la démocratie ou la nature du système politique.

On le comprend à la détermination du gouvernement en place à assurer une redistribution aux plus démunis. Car le citoyen est d’abord un consommateur. Son rôle d’électeur est secondaire. C’est le modèle chinois qui inspire le plus. Tant que la prospérité est assurée, la stabilité l’est aussi et la démocratie passe au second plan.

Autrefois, le principe était que la stabilité politique précédait la prospérité, que les entreprises et investisseurs ne s’installeraient que dans des pays ayant organisé au préalable leur vie publique autour de critères démocratiques. Ce n’est plus le cas. C’est désormais l’économie qui prend les devants sur le système politique. D’où la connivence incontestée entre le monde des affaires et le monde politique. Les populations semblent accepter tous les systèmes, quels qu’ils soient, qui leur apportent de la prospérité. Enlevez-leur cela et tout est possible.

À l’heure où les piliers de l’économie montrent des signes de faiblesse, le monde politique passe en territoire inconnu. Vraiment inconnu.