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Abus sexuels: les limites du droit et de la justice

8 août 2019, 09:39

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Abus sexuels: les limites du droit et de la justice

La Law Reform Commission procède actuellement à la collecte des avis afin de proposer une révision des lois concernant les abus sexuels. Une bonne initiative (voir l’express du 1er août 2019), qu’il nous faut saluer, tout en attirant l’attention sur des aspects de l’infraction qui échappent au droit, aux sanctions imposées par notre système de justice. Il s’agit du défaut de dénonciation de la part de la victime et la rétractation.

La non-dénonciation

Nous sommes en présence d’un système qui ne permet de punir qu’une fraction de crimes sexuels commis. À Maurice, des tabous enveloppent notre société dans des silences complices, auxquels s’ajoutent d’autres facteurs culturels ou peut-être même religieux. Dans un tel environnement, où on évoque la protection ou la sauvegarde de l’honneur de la femme ou de la famille, ou plus simplement l’ignorance des recours, nous serons toujours confrontés à ces crimes perpétrés «en privé» qui échappent à la justice, et cela, quelle que soit la qua- lité de la loi que l’on fabrique.

On ne sait pas quelle est l’étendue du phénomène du silence complice : est-il à 50 % ou plus de cas d’abus sexuels qui n’atterrissent pas à la police et dans nos cours de justice ? On n’en sait rien. On se fie à notre connaissance de la société mauricienne, de ses mœurs et ses non-dits pour avancer quelque opinion. Toutefois, la réalité est que l’on est conscient que la non-dénonciation est courante, même si aucune étude n’a été faite en ce sens, et qu’il nous reste à extrapoler sur les données existantes auprès de la police ou du système judiciaire pour s’en faire une idée.

De nombreuses situations existent qui mettent la victime dans l’impossibilité morale, culturelle ou sous toute autre pression sociale, de dénoncer le crime commis. Il y a le fait que la plupart des cas d’abus sont perpétrés par une personne connue de la victime. Des cas de parfaits étrangers coupables existent, mais ils doivent être beaucoup moins nombreux que ceux impliquant des gens qui se connaissent déjà. L’agresseur est souvent connu de la victime. Dans les cas poursuivis, l’identification de l’agresseur est rarement contestée.

Nous sommes ainsi en présence d’un problème de société, de culture, qui invite à la complicité au sein des familles, qui échappe aux intentions du législateur de punir le crime. Nous sommes dans une zone grise et le droit ne suffit pas comme réponse. Il faut faire appel à d’autres sciences humaines et sociales.

Rétractation et consentement douteux

Une autre difficulté à laquelle se heurte le système de justice survient lorsque la victime ne veut plus aller de l’avant avec l’accusation qu’elle avait portée contre son agresseur. Dans un tel cas, on ne sait si c’est par pression exercée sur elle ou si sa rétractation a été achetée. Cette situation a lieu parfois alors que la police s’est déjà saisie de l’affaire ou même lors du déroulement du procès en cour, quand l’affaire est prise sur le fond. Une victime qui laisse planer un doute sur son non-consentement à l’acte de viol, prend à contrepied ceux qui ont pour tâche de faire régner la justice.

La rétractation de la victime pose des difficultés évidentes à la poursuite. Dans des cas d’abus sexuels, la victime est pratiquement toujours le seul témoin disponible, sur lequel va reposer l’argumentaire pour sanctionner le coupable. Mais si elle se transforme en témoin hostile, la justice ou le droit n’y peut grand-chose.

Que faire ?

C’est le droit concernant la rétractation dans des cas d’abus sexuels qui mérite d’être travaillé. L’on devrait accorder à la rétractation d’aveux, de déclarations ou d’attestations sincères, initialement faites auprès des autorités, une attention particulière.

Même suggestion pour les cas de violence conjugale et… les cas de corruption. Pourquoi pas ?