Publicité

Après Jeux des îles, jeux de Dubaï

3 août 2019, 10:53

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Une partie du goodwill générée en faveur du gouvernement par les Jeux des îles a commencé à fondre, comme neige dans le désert de Dubaï, suivant l’arrestation et l’expulsion subséquente de Shameem Korimbocus, un Mauricien établi dans l’État-cité qui sert de hub à la compagnie d’aviation connue comme Emirates. Shameem Korimbocus, aussi connu comme Shameem Onenonly, vivant à Dubaï depuis huit ans, suivait de près les événements dans son île natale. Il a été très prolifique sur les médias sociaux. Il s’amuse aux dépens des puissants de Maurice. Pour quelqu’un qui vit et travaille comme un citoyen exemplaire dans le pays qui l’a accueilli, on ne le croirait pas imbécile au point de s’attaquer à la famille royale régnante de ce puissant émirat.

Pourtant, ce ne sont pas les casseroles royales qui manquent. Les médias britanniques font actuellement grand cas de la fuite d’une des femmes du prince régnant, le Sheikh Mohammed bin Rashid al-Maktoum, qui a cherché refuge à Londres et qui a demandé un protection order devant les tribunaux britanniques contre son mari. En effet, la princesse Haya craint pour sa vie. Car, rapportent les médias, elle a su que son mari a fait emprisonner sa propre fille, la princesse Latifa bint al-Maktoum, après la tentative de fuite de cette dernière. 

En effet, c’est la marine indienne qui l’a interceptée sur un yacht qu’elle avait pris pour fuir Dubaï. Les autorités indiennes ont remis la princesse au gouvernement de Dubaï, par la suite. La princesse Haya a craint que si son mari était capable d’emprisonner sa propre fille, que ne ferait-il pas d’une de ses femmes? Elle a ainsi pris la fuite de façon clandestine avec ses enfants, pour se cacher à Londres.

Shameem Korimbocus a eu amplement le temps, pendant huit ans, de prendre la mesure de la culture d’autoritarisme prévalant dans les pays du Proche Orient. Il aurait été totalement stupide de sa part de s’en prendre au gouvernement du Sheikh Mohammed bin Rashid al-Maktoum, un nom déjà connu à Maurice pour avoir été mentionné à maintes reprises par Showkutally Soodhun, la coqueluche des familles royales et des médias arabes. Lequel Soodhun est décrit comme vice-Premier ministre, vice-président, ou encore ministre des Affaires islamiques de Maurice par ces médias. 

Quelle faute aurait alors commis le Mauricien Shameem Korimbocus pour être détenu et expulsé ? Les internautes ont vite conclu que Dubaï a agi suivant des représentations faites par les autorités mauriciennes. D’ailleurs, le Premier ministre adjoint Ivan Collendavelloo n’a pas exclu la possibilité – au conditionnel – que le gouvernement a quelque chose à faire avec cette déportation.

Shameem Korimbocus n’est pas né de la dernière pluie. Les autorités locales avaient dans un passé récent démontré leur profond agacement à propos des blogs de ce dernier mais puisqu’il était basé à l’étranger, il n’était pas possible à la police mauricienne de monter une opération (daybreak thunder ?) à 4 h 00 du matin, et l’appréhender chez lui pour être placé en détention pendant quelques semaines. Les défenseurs du gouvernement ont décrit Dubaï comme un État de droit. On n’a sûrement pas entendu parler de la princesse Haya, actuellement à Londres, ou de la princesse Latifa, mise hors de circulation par nul autre que son papa. 

À première vue, Shameem Korimbocus n’a nullement l’air d’un terroriste déterminé à renverser le gouvernement de Dubaï ou de Maurice. Des armes et des munitions n’ont pas été découvertes chez lui. Tout compte fait, le gouvernement de Dubaï aurait pu faire l’économie de cet incident vu le prestige dont l’Étatcité jouit auprès des Mauriciens. La compagnie Emirates est devenue le transporteur préféré d’un grand nombre de Mauriciens. On est émerveillé par les gratte-ciel de Dubaï, surtout par le Burj Khalifa.

Le gouvernement mauricien a-t-il exercé des pressions sur Dubaï, surtout que ce pays entend augmenter encore ses vols sur Plaisanceet empêcher que son rival Qatar Airways n’ait le droit d’atterrissage sur notre territoire ? Le déroulement des Jeux des îles a-t-il été perçu comme un large plébiscite au gouvernement Jugnauth et l’expression d’un soutien politique massif pour le MSM? Ce qui pousserait le gouvernement à se livrer à une démonstration de force ? 

Le pays a connu un épisode semblable sous le règne du papa Jugnauth dans le passé. Le 12 juin 1989, lors de la proclamation du résultat d’une élection partielle dans un bastion du MMM, le pays fut fort surpris d’apprendre que le néophyte Cyril Curé, du MSM, avait battu le géant mauve d’alors, Ivan Collendavelloo. Cette poussée d’adrénaline devait amener sir Anerood Jugnauth à ordonner l’arrestation de sir Gaëtan Duval, qui revenait de Madagascar, à sa descente d’avion, à Plaisance. C’était onze jours suivant le résultat de l’élection partielle à La Caverne-Phœnix.

Se sentant pousser des ailes, sir Anerood fit poursuive Duval pour assassinat, ce qui exposa le leader du PMSD au risque d’être pendu, comme Eshan Nayeck, deux ans auparavant. La peine de mort était encore applicable à Maurice quand Duval fut poursuivi pour assassinat. Les spin-doctors du régime diront sans doute que Shameem Korimbocus devrait se sentir heureux d’avoir échappé aux courroux du terrible Sheikh Mohammed bin Rashid al-Maktoum ou encore de ne pas vivre à l’ère du premier régime Jugnauth.