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«La victoire a cent pères mais la défaite est orpheline»

29 juillet 2019, 09:21

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Cette citation de John Fitzgerald Kennedy résume ce qui se passe en ce moment dans l’île. La récupération de gloire à outrance est infecte. Seuls les sportifs ont le mérite de la victoire finale avec 92 médailles d’or. Oui, Maurice n’a jamais gagné les Jeux des îles. Mais le travail n’a pas commencé quand l’Alliance Lepep est arrivée au pouvoir !

Qu’on se le dise, les fruits récoltés maintenant portent le sceau de toutes les générations de sportifs depuis les Jeux de 1979. Ils découlent de toutes les décisions politiques prises par tous les gouvernements qui se sont succédé. Alors, arrêtez de nous bassiner avec vos autoglorifications. Cela ne fait qu’exacerber votre égo surdimensionné qui mérite que le javelot de Jesika Rosun vienne le dégonfler.

Quelques exemples : si le volley gagne aujourd’hui, c’est qu’il y a quelqu’un au départ qui a eu la vision de construire le Gymnase Pandit Sahadeo en 1985, qui a vu défiler des tonnes de mômes qui voulaient imiter leurs aînés. Parmi ces enfants, il y a eu un certain Melchior Minioppo, premier Mauricien à passer pro, médaillé d’or aux Jeux des Seychelles en 1993 et aujourd’hui coach de la sélection.

Si le basket-ball féminin a tenu tête aux Réunionnaises, c’est qu’il y a eu «wake-up call» lors de la défaite 80-2 en 1993. Un Directeur technique malgache, Faida, a roulé sa bosse dans toute l’île à la recherche de jeune joueuses et les a forgées contre vents et marées et a ensuite été mis à la porte, il convient de le préciser. Cependant, il a laissé son héritage car la plupart d’entre elles ont décroché le bronze, samedi.

Si les nageurs ont récolté une telle moisson, c’est parce qu’ils ont hérité de la piscine Serge Alfred où une foule de gamins passent tous leurs après-midis. A coup de milliers d’heures d’entraînement et de l’apport d’un coach étranger, Ben Hiddlestone, Philippe Pascal ou un autre, leur nombre de médailles pèse lourd dans la balance, au final. Certains nageurs ont pu bénéficier du «Trust Fund for Excellency in Sports» – décision politique – et ont pu, du coup, allier sports et études. Attention, l’apport étranger n’est pas tout le temps synonyme de succès, la preuve avec Akbar Patel.

Si les athlètes du handisport ont fait gonfler le nombre de médailles, ce n’est pas parce qu’ils sont handicapés, c’est parce que ce sont des surhommes. Car, en sus de l’effort que le sportif lambda doit fournir, ils doivent en produire le double à cause de leur handicap. Loué soit le jour où la décision a été prise de les inclure dans les Jeux.

Prudent dans notre euphorie

Ram Lollchand, ancien Directeur des Sports, le disait dans ces mêmes colonnes récemment que celui qui décroche le plus de médailles en haltérophilie, natation et athlétisme a des chances de remporter les Jeux. Il faut être prudent dans notre euphorie. Les ennemis de mon ennemi, sont mes amis. Les Seychelles, d’habitudes si brillants en haltérophilie, ont bu la tasse avec leurs anciennes gloires devenues trop vieilles, nous laissant le champ libre pour l’or. En 1993, nous avions décroché l’or à 23 reprises dans cette discipline, mais les étoiles n’étaient pas alignées pour une victoire finale. Les nageurs réunionnais, dominateurs depuis 1979 avec, plus de vingt médailles d’or dans leur escarcelle, ont laissé des plumes. Qui les a fait couler ? Les Seychellois ! Merci donc, les Seychelles. Et Madagascar ! Leur domination en athlétisme n’est plus. Alors qu’on pensait que cette discipline pataugeait dans un marasme depuis la fin de l’ère Buckland - Milazar, les Mauriciens ont récolté presque le double de médailles d’or par rapport aux Malgaches.

De grâce, débarrassons-nous aussi de ces dirigeants véreux dans les fédérations ! Ceux qui, par exemple, ont oublié de remplir la liste de taille pour les maillots des basketteuses. La capitaine Loreen Davy nous disait cette semaine, «mo bizin zwe ek mo doudou dehors moi ?! Depuis un an on a donné les tailles et c’est deux semaines avant les Jeux qu’ils ont rempli la liste. Quand on a eu les équipements, c’était trop tard pour les modifier.»

Merci à tous ces sportifs oubliés – surtout pendant les Jeux et qui ont dû quémander des billets de gauche à droite – qui ont aidé à forger cette génération victorieuse de 2019. Les défaites d’autrefois ont servi à redresser la barre. Il faut que cette génération 2019 perdure. Elle a montré ses qualités. Politiciens, prenez des décisions à long terme, alliant éducation et sport. Vous avez abusé du moment solennel du sportif. Rendez-lui la pareille maintenant. On ne vise pas forcément la victoire. On vise un pays où le sport façonnera des citoyens modèles et en bonne santé.

Mieux, l’élan de patriotisme a atteint un degré incroyable. Elle aurait été à son paroxysme si le football avait gagné. On ne peut pas tricher en sport. Les émotions sont réelles. Celui qui gouverne doit faire du sport, des sportifs, voire de la culture, son allié.

Nous, journalistes, ne faisons pas que critiquer. Nous observons et parfois même nous proposons. Tiens, une idée, pourquoi ne pas relancer le sport, surtout le foot à travers une formule où les dix plus grosses entreprises de Maurice – pour débuter – disposeraient de leurs propres sportifs avec une fiscalité revue ? Les Jeux de la Fédération mauricienne des Sports corporatifs prendraient une dimension nationale, comme les Jeux Intercollèges d’antan. La formule ne marchera pas ? Allez demander aux cyclistes si la MCB ne les avait pas encadrés, où ils seraient en ce moment…

 Le peuple a besoin de s’identifier. 20 ans après l’avènement de la régionalisation, le peuple ne s’identifie toujours pas à sa région. Mais il l’a toujours fait incontestablement à son quadricolore. Il devrait pouvoir le faire par rapport à son entreprise. Au point où on en est, si les nombreuses formules proposées n’ont pas marché, pourquoi pas donner la chance à d’autres.

George v : «pas moi sa li sa»

 Les idées, les volontaires, n’en manquent pas. Entourez-vous de gens qui aiment le sport sans rien attendre en retour, et non ces oiseaux de mauvais augure qui ne pensent qu’au fric, malgré le fait que le business va indubitablement de pair avec le sport. Sinon dans quatre ans, tout ce qu’on a construit pendant ces Jeux sera englouti… comme la pluie sur la pelouse du Stage George V !

George V justement, le stade de la honte. Le malheur est aussi orphelin. Personne ne semble être responsable de l’état de décomposition de notre bijou, qui jadis nous faisait gagner. Et qui nous aurait peut-être fait gagner les tirs au but, hier, comme en 1985. Christopher Caserne aurait attiré les bénédictions de feu Désiré L’Enclume, le héros de 1985 dans cette spécialité. Mais comme il fallait couper des têtes, le pauvre «Stadium Manager» a été remercié pour ce dépérissement de la pelouse. On sait tous que l’entretien des insfrastructures sportives tombe sous une autre entité. Mais bien sûr, il y a eu du «pas moi sa li sa».

On a eu un beau bijou durant ces Jeux : celui de Côte d’Or ferait pâlir bien des pays. Tout comme les sportifs doivent être bien traités pour produire des résultats, les insfrastructures doivent être chéries par des gens compétents pour ne pas devenir des abris pour pigeons.

En 1985, en 2003, nous avions aussi hérité de bijoux, mais l’histoire on la connaît tous, pendant plusieurs mois, avant ceux de 2019, il a fallu passer par la case rénovation. S’ils étaient bien entretenus, il n’y aurait pas eu besoin de le faire, économisant des millions de roupies qui, ne l’oublions pas, sont puisées de la poche de plus en plus minuscule, des contribuables.

 Les Maldives nous accueilleront pour la première fois en 2023. Espérons qu’ils réussissent dans leur entreprise. Comme les Comores, ils n’ont jamais eu ce privilège.

Ce sera une autre paire de manches. Les autres îles savent désormais de quoi il en retourne. Maurice devient la proie après avoir été chasseur pendant 40 ans. La Réunion ne viendra plus avec la fleur au fusil. Ni les Malgaches ou les Seychellois. Et dans le giron du sport, on le sait, il est plus difficile de rester à la première place que de se battre pour être premier.

Aujourd’hui, c’est jour de gloire. Jour de fête comme jamais le sport mauricien a connu. Laissons les sportifs, être leurs pères.