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Culture du déchet

3 juillet 2019, 08:16

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Certains y voient une victoire. D’autres un échec. L’abandon annoncé du projet d’incinérateur à Riche-Terre embarrasse. Comment traiter nos déchets si personne n’en veut ?

 L’abandon, il provient de la résistance publique et citoyenne. De Mauriciens engagés qui revendiquent leur droit de vivre dans un espace dénué de pollution. Dénué de ces sous-produits du «développement» qui leur donneraient justement le sentiment de vivre dans un pays qui ne l’est pas. Un environnement résidentiel sain. C’est un désir fondamental de tout être humain. Cela devrait être le but même du développement.

 Ce qui frappe aussi dans ce dossier, c’est que toutes les garanties, certificats et labels que le promoteur pourrait mettre en avant butent contre un mur. Les citoyens n’y croient pas. Les promoteurs récoltent des décennies d’interprétation laxiste des dispositions et obligations environnementales de tous les promoteurs qui sont passés avant eux.

Il y a un jour où il faut passer à la caisse. Ce jour-là, c’est aujourd’hui.

 C’est aussi le moment où les capacités de traitement des déchets de notre pays explosent. Nous ne savons plus quoi en faire. Avons-nous jamais su ? L’enfouissement de tout, c’est l’envers du décor du paradis. Mare-Chicose, c’est notre Tchernobyl à nous. Un scénario qui sert désormais de référence à toute initiative de traitement des déchets. Même si Veolia se défendait de ne pas traiter des déchets ménagers, ce n’était guère rassurant. Ménagers ou industriels, des déchets restent des déchets. Pour ne pas dire des saletés…

 Or, des déchets, il y en aura encore. Jusqu’à présent, personne n’a inventé un modèle de croissance économique qui produirait chaque année moins de déchets que l’année qui la précédait. Au mieux, on se vante d’avoir produit en pourcentage moins de croissance de déchets que de production industrielle. Mais il n’empêche que, à l’aune du kilo ou du litre, il y en a toujours un peu plus.

Alors, on en fait quoi ? La nouvelle formule est celle de l’économie circulaire. Un système où tout se recyclerait, serait réutilisé plusieurs fois. Pour que l’économie circulaire fonctionne, deux hypothèses doivent être validées : que les déchets soient recyclables à l’infini et que l’exercice du recyclage ne soit pas, lui aussi, polluant. Le rejet du projet Veolia, c’est la preuve des limites intrinsèques de l’économie circulaire. Il est certes plus valable que le système qui noie ses déchets, mais il n’a pas réponse à tout.

 Les pays industrialisés prennent aussi le pouls des limites du système du recyclage et du circulaire. Ce système a fonctionné tant que la Chine a bien voulu jouer le rôle de la poubelle du monde. Les déchets recyclables que les petites mains urbaines triaient patiemment dans des bacs séparés pour protéger la planète étaient renvoyés à grands coups de conteneurs en Chine. Mais maintenant, les Chinois sont plus sélectifs. Ils renvoient les déchets à leurs expéditeurs. Et s’il fallait traiter des tonnes et des tonnes de plastique en Europe ou aux États-Unis, les coûts de production exploseraient… Le système se mord la queue.

Une conclusion s’impose : le circulaire a ses limites. Un meilleur système existe : celui conçu pour ne pas produire de déchets. C’est le tournant qu’ont pris les pays industrialisés. Depuis que les Chinois ne jouent plus le jeu, ils sont dos au mur. Les politiciens n’ont d’autre choix que de réinventer le système. Dans tous les pays de l’Union européenne, les plastiques à usage unique seront bannis à partir de 2021. À San Francisco aussi. Comme c’est déjà le cas à … Haïti et dans beaucoup de pays des Caraïbes… Dès lors qu’un tel règlement est passé, ce n’est pas seulement la consommation qui change, mais aussi le mode de production industrielle. On ne vend plus de l’eau en bouteille, que vend-on ? Comment ? Par quel circuit ? Une véritable révolution de la consommation de masse est en gestation.

 Et nous ? Que se passe-t-il ici ? Les industriels investissent massivement dans… des services de publicité. Image bobo sur la façade, plastique dans les camions de livraison. Ils renvoient la responsabilité des déchets aux citoyens mal élevés. Quant aux ministres, ils demandent aux patrons de ne pas se mêler de politique ! Disons qu’on n’en parle plus. Disons qu’on laisse la politique aux politiciens, les hôteliers dans leurs hôtels, les industries aux industriels et les déchets à Mare-Chicose, sur les bords de route, sur les plages... ne pourrait-on pas gagner quelques années encore ?

 Sauf que maintenant les citoyens en ont marre. Les touristes aussi.