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Déclaration des avoirs: entre suprématie de l’ICAC et présomption de corruptibilité

27 juin 2019, 10:58

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Deux aspects de la loi sur la déclaration des avoirs des «holders of important offices in the public sector» sont ici évoqués. Il s’agit de la concentration des pouvoirs dans une instance relevant de l’exécutif et une présomption peu flatteuse qui entoure l’obligation de soumission à une institution ayant pour enseigne le combat contre la corruption. Ces deux aspects méritent qu’on y prête attention afin que dans la démarche fort louable de prévenir un mal, on n’en cause un autre, cette foisci, sur le plan institutionnel.

 Tous sous l’exécutif

 Une première observation porte sur ce qui peut paraître comme une forme de subordination de deux pouvoirs à un troisième. Il est dit que l’ICAC va contrôler les avoirs des membres de l’Assemblée nationale, les acteurs clés, tenants du pouvoir législatif. Aussi, l’ICAC va contrôler les avoirs des «judicial officers in the grade of District Magistrate and above», donc de tous ceux qui représentent le pouvoir judiciaire. Or, qu’est-ce l’ICAC, sinon une émanation du pouvoir exécutif ?

On peut toujours arguer que l’ICAC est un organisme indépendant et qu’il y a un comité parlementaire pour «monitor and review the manner in which the Commission fulfils its functions». Mais cela ne fait pas de l’ICAC une émanation du pouvoir législatif, et évidemment non plus du judiciaire. Et même si ce comité avait quelque pouvoir, la manière dont il est constitué ne laisse aucun doute sur l’influence qu’il subit de l’exécutif. C’est le système.

Aussi est-il besoin de rappeler que le «Director-General shall be appointed by the Prime Minister after consultation with the Leader of the Opposition» et que nous savons ce que cette consultation implique. De plus, la loi nous dit que le «Director-General shall hold office on such terms and conditions as may be determined by the Prime Minister». Donc, pour résumer, lorsqu’il s’agit de contrôler les avoirs, une hiérarchie des pouvoirs est établie au profit de l’exécutif. Les deux autres pouvoirs, le législatif et le judiciaire, n’ont qu’à suivre les consignes. Il y a là un point constitutionnel à creuser.

 Présomption de corruptibilité

Une deuxième observation porte sur la création d’une inévitable présomption. Si députés, ministres, magistrats et plus, de même que tous ces «holders of important offices in the public sector» qui constituent l’élite du secteur public sont à surveiller et contrôler, le message ne peut être plus clair.

Il y a évidemment de bonnes justifications pour avoir une loi pour contrôler la manière dont l’élite du secteur public acquiert ses avoirs, mais demander à cette élite de faire la déclaration à un organisme chargé de combattre la corruption est une indication sur la raison de la déclaration. Il y a ainsi comme une présomption de corruptibilité qui pèse sur ceux qui dirigent le secteur public. Et, puisque ce n’était pas le but du législateur de créer une telle impression, il y a lieu de questionner la justesse de la décision de faire de l’ICAC le gardien des déclarations : le sigle de l’institution, l’ICAC, ainsi que son mandat, et ce qu’il représente dans l’opinion, ainsi que l’essence de ses opérations, disent sans équivoque que nous sommes bien dans l’univers de la corruption.

 Que faire ?

Mais quel «custodian» des déclarations choisir, si l’ICAC n’est pas l’institution appropriée ?

 La réponse est peut-être : la même instance qui reçoit la déclaration du directeur de l’ICAC.