Publicité

Réserves de la BoM: Contestation légale et guerre des indépendances

20 juin 2019, 10:53

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

On ne sait si c’est seule une action en Cour suprême pour proclamer l’illégalité de l’amendement à la Bank of Mauritius (BoM) Act qui pourra contrer la mesure budgétaire concernant les réserves de la BoM. Car, il est certain que le gouvernement ne reculera pas devant les voix, même les plus objectives et avisées, qui s’élèvent contre sa décision.

Un cas en Cour suprême va permettre de préciser la définition de l’indépendance des instances qui contrôlent nos vies : BoM, gouvernement, Parlement et judiciaire, entre autres. Mais avant tout, il faut savoir sur quelle base légale fonder le recours au judiciaire.

D’entrée, on sait que le Parlement est souverain et qu’il peut passer des lois, et que l’amendement de la BoM Act sera voté, le gouvernement ayant la majorité requise. On sait aussi qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, le judiciaire ne va pas intervenir dans les affaires et décisions d’un Parlement indépendant : le juge, lui aussi indépendant, est là pour interpréter les lois et non pour légiférer à la place des élus.

Toutefois, il y a des cas où le judiciaire peut intervenir, comme lorsque la constitutionnalité d’une loi est contestée. À écouter les protestations contre la mesure proposée par le gouvernement, on peut déduire que le problème juridique posé est : quand le gouvernement puise dans les réserves de la BoM, celle-ci voit son indépendance attaquée.

Une première question est de savoir si la mesure proposée affecte l’indépendance de la BoM. Ici, les experts en la matière pourront fournir des éléments de réponse, l’argumentaire sera fortement technique et les parties, pour soutenir les positions, s’expliqueront sur la séparation entre les décideurs de la politique monétaire et ceux de la politique fiscale, entre autres, à l’appui de leurs positions respectives.

Puis, se posera la question de savoir si cette indépendance de la BoM est protégée légalement. La BoM Act sera étudiée pour voir si l’indépendance de l’institution vis-à-vis du gouvernement, des acteurs économiques et bancaires est inhérente à cette loi, si l’indépendance y est prévue de manière explicite ou implicite. Si c’est implicite, le juge va devoir faire un exercice d’interprétation car c’est en lisant la BoM Act dans son ensemble qu’il va pouvoir trouver si elle avait été conçue pour octroyer l’indépendance à l’institution.

S’il est prouvé que la mesure budgétaire proposée met en péril l’indépendance de la BoM alors que cette indépendance est prévue dans la loi, la question serait alors de savoir si le Parlement peut voter un amendement à une loi qui change une donne importante de cette loi.

On peut faire une analogie avec d’autres lois qui implicitement ou explicitement prévoient l’indépendance des institutions ; exemple les lois sur l’administration de la justice, la Courts Act, la District and Intermediate Court Act et les lois sur les tribunaux administratifs, etc. Et se demander si un Parlement peut voter quelque amendement pour enlever à ces institutions leur indépendance ?

Par ailleurs, si l’indépendance de la BoM n’est pas mentionnée dans la Constitution, peut-on évoquer la constitutionnalité de l’amendement à la BoM Act ? Certainement, c’est tout comme se demander si la Constitution ne mentionne pas l’indépendance du magistrat, le Parlement est-il libre de faire voter un amendement à la loi pour enlever au magistrat son indépendance ?

Mais si la Constitution est là pour protéger l’indépendance des institutions, n’est-elle pas là pour protéger aussi la BoM, même si celle-ci n’est pas mentionnée dans le texte constitutionnel ?

Le présent débat a le mérite de nous éclairer sur le fonctionnement de nos institutions, leurs opérations, leurs mandats, mais surtout sur leur indépendance. Malheureusement, le sujet est devenu plus politique que technique et juridique. Dommage !