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Dépenses: un comité sur le rapport d’Audit ? Mais que va faire le Public Accounts Committee alors ?

4 avril 2019, 08:09

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Pour calmer les esprits, le gouvernement annonce la mise sur pied d’un comité qui va examiner le rapport de l’Audit. Or, les Standing Orders de l’Assemblée nationale prévoient déjà une structure, le Public Accounts Committee (PAC), composé de parlementaires, pour justement scruter les failles dans la gestion des fonds publics dénoncées par le directeur de l’Audit, et d’en faire un rapport à être déposé au Parlement qui, avec ses élus, représente le pouvoir du peuple dans un l’État démocratique. En nommant un comité pour prendre les fonctions qui relèvent du droit des parlementaires, doit-on parler d’usurpation de pouvoir ou d’une opération «couper l’herbe sous les pieds de l’autre» ?

Réaction impulsive ?

On peut bien comprendre que le gouvernement fasse face à des critiques acerbes de ses opposants, des médias et de l’opinion sur les révélations scandaleuses contenues dans le rapport de l’Audit. Toutefois, il lui revient de contrer ces critiques par des voies qui n’obstruent pas le fonctionnement des institutions établies au sein du pouvoir législatif et surtout du mandat qui leur a été octroyé par le droit parlementaire, notamment par les Standing Orders de l’Assemblée nationale, la National Assembly (Privileges, Immunities and Powers) Act et indirectement par la Constitution du pays.

Le Standing Order 69(2) des Standing Orders and Rules of the National Assembly (1995) prévoit déjà que c’est au PAC de scruter le rapport de l’Audit :

«There shall be a committee to be known as the Public Accounts Committee… It shall be the duty of the Committee to examine the audited accounts showing the appropriation of the sums granted by the Assembly to meet the public expenditure and such other accounts laid before the Assembly as the Assembly may refer to the Committee together with the Director of Audit’s report thereon…»

Ce duty est en clair une obligation du PAC émanant du pouvoir de l’Assemblée nationale.

Le pouvoir du PAC

Le gouvernement peut toujours se défendre de cette usurpation de pouvoir du législatif par l’exécutif. Son porte-parole a annoncé que le comité aura le pouvoir de convoquer les responsables des scandales à venir s’expliquer. Mais faut-il rappeler que le Standing Order 69(2) (b) prévoit déjà que :

«The Committee shall have power, in the exercise of the duties mentioned at paragraph (a) of this Order, send for persons and records, to take evidence, and to report…»

Et, faut-il encore préciser que c’est un outrage au Parlement s’il y a quelque obstacle aux travaux du PAC ? Voir l’article 6 de la National Assembly (Privileges, Immunities and Powers) Act qui prévoit :

«6. Contempt of Assembly

(1) … the following constitute the offence of contempt of the Assembly

(a) disobeying any order made by any committee acting within the scope of its authority for attendance for the purpose of giving evidence or of producing documents, …

(b) refusing to be examined before, or to answer lawful and relevant questions put by, any committee… or to produce any relevant document in the possession or control of the person to whom the request is addressed…

(c) refusing or wilfully failing to obey any… order of a committee acting within the scope of its authority»

Les sanctions

Le gouvernement peut toujours tenter d’arguer que le comité aura des pouvoirs distincts de ceux qui relèvent du PAC. Mais alors on voudrait bien savoir quels sont ces pouvoirs que le gouvernement veut exercer qui ne peuvent l’être par une instance établie par l’Assemblée nationale sur la base de l’article 45 de la Constitution de Maurice. En précisant qu’il y aura des sanctions, cela supposerait que le rapport du PAC, lorsqu’il est déposé sur la Table de l’Assemblée nationale, y restera toujours comme un bibelot, et que du gouvernement, point de sanctions il y en aura.

Interpellation

Cette situation interpelle sur la séparation des pouvoirs et des fonctions de nos institutions. Le Parlement est appelé à enquêter sur les dépenses de l’exécutif. Mais, avec ce qui est proposé, c’est l’exécutif qui ira lui-même enquêter… sur l’exécutif.

Notre l’Assemblée nationale constate-t-elle quelque effritement de son pouvoir ?