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Pour un travaillisme de rupture

24 février 2019, 10:26

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Le 23 février 1936 naissait le Parti travailliste. Fruit du rêve d’un homme meurtri par la réalité politique de son époque et par les souffrances des travailleurs, ce parti allait être la voix des sans voix. Le Dr Maurice Curé ne pensait sans doute pas que son oeuvre allait perdurer quand il vit tourner vers lui, 83 ans de celà, les visages rayonnants d’espoir des quelque 8 000 travailleurs rassemblés au Champ-de-Mars. Tous savaient que la lutte pour un avenir meilleur allait être longue et le chemin pour y arriver, ardu. Le PTr traversa ainsi les décennies pré et post-Indépendance, laissant son empreinte sur bien de réalisations à l’échelle nationale. Mais quid du PTr des années 2020 et au-delà ? N’est-il pas temps de se réinventer et de rompre avec les lauriers du passé, afin de mieux répondre aux aspirations du 21e siècle ?

Bien sûr, pour que la présente génération puisse se renouveler et se réinventer, il faut quand même s’appuyer sur les bases et les fondations jetées par les anciens du parti. Pour tout partisan ou aspirant politicien qui se respecte, il est important de connaître l’histoire de la formation politique qui vehicule les idéologies auxquelles on s’identifie. Ainsi, pour les partisans du PTr, comme pour la majorité des Mauriciens, il serait bon de savoir que, par exemple, Maurice Curé n’est pas qu’un collège pour filles, Emmanuel Anquetil n’est pas qu’un grand building portlouisien ou un collège pour garçons, Guy Rozemont n’est pas qu’un stade de football ou un square, Renganaden Seenevassen pas qu’un bâtiment ou un visage sur un billet de banque, Seewoosagur Ramgoolam pas qu’un aéroport, une école, une rue, etc. L’Histoire, la grande, comme la petite, est importante. Elle aide à mieux comprendre le présent et à mieux prévoir l’avenir.

Le Parti travailliste de 2019 est à la croisée des chemins. Le pays est à quelques mois des élections générales. Dans 10 mois, le 22 décembre, le Parlement sera automatiquement dissous si le Premier ministre n’a pas rappelé le pays aux urnes avant cette date. Le PTr sort de quatre années d’absence du pouvoir, bouté hors de l’Hotel du gouvernement par un peuple qui avait “viré mam” fin 2014. La sanction, terrible, aurait pu être évitée. Mais les dirigeants Rouges d’alors n’ont pas su lire et interpréter “the writings which were on the wall”. Le pouvoir use. Et la claque reçue fut sonore. Maintenant, avec les élections toutes proches, le PTr a-t-il appris de ses erreurs du passé ?

Le parti a su rebondir. La victoire à l’élection partielle au no. 18, en décembre 2017, est symptomatique de ce regain de vigueur. Mais il serait prématuré pour les “die-hards” Rouges de crier victoire en se référant aux prochaines élections. Une victoire peut se concrétiser en tablant sur les faiblesses des adversaires. Mais croire qu’il suffit aux Rouges d’agiter l’épouvantail de la bonne centaine de scandales que traîne le présent gouvernement pour qu’automatiquement les candidats du PTr se fassent élire relève de l’utopie, voire d’une naïveté certaine. Le gouvernement “will not give up without a fight”.

C’est dans cette optique que les spin-doctors oranges entreront en jeu dès l’annonce du verdict officiel dans l’affaire MedPoint. Si, comme l’aurait affirmé le compte Facebook d’un ministre, le PM ne serait pas blâmé, le gouvernement jouera à fond cette carte.

 Reste à savoir si l’opération blanchissage prendra auprès des électeurs. Le PM se présentera pour la première fois devant le peuple en tant que candidat au poste de chef du gouvernement. La donne n’est plus la même qu’en 2014 et le “feel good factor” pour ce qui reste de l’alliance Lepep s’est effondré durant ces quatre dernières années. Donc, le terrain est à conquérir pour l’opposition. Reste à savoir si le PTr peut rompre avec les couacs qui ont émaillé son passé récent. Navin Ramgoolam mènera les Rouges lors de la bataille électorale. Tout comme je l’avais avancé deux ans de cela, on ne change pas de leader à quelques mois des élections. Le leader des Rouges dit vouloir pratiquer une politique de rupture. Cela impliquerait des ruptures dans les pratiques établies. Pouquoi pas se présenter seuls aux élections, sans partis d’appoint ?

Rupture veut aussi dire quitter l’embourgeoisement du parti pour revenir vers les travailleurs. 1 300 travailleurs viennent de perdre leur emploi. Avec eux, leurs familles, les petits commerces et autres petits entrepreneurs aux alentours des usines fermées sont eux aussi sur la paille. Il serait temps qu’un parti qui porte l’empreinte des travailleurs dans son ADN revienne à ses premiers amours. Navin Ramgoolam saura-t-il boucler la boucle et léguer au parti les clefs pour une nouvelle naissance ?