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Formidables, les Rodriguais

16 février 2019, 09:26

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On a vu des images, après le passage du cyclone à Rodrigues, d’hommes coupant branche après branche d’un arbre jonchant le sol et obstruant la route. C’était une démarche «low-tech» mais qui révélait cette farouche détermination des Rodriguais – un peuple fier qui n’a pas connu fort heureusement certaines des formes éhontées et cruelles d’exploitation économique – de se relever après un cyclone.

Et si Maurice avait été balayée par un cyclone après l’imposition d’un avertissement de classe IV ? Si le Rodriguais s’était armé de son «zouti» pour couper l’arbre en morceaux afin de pouvoir enlever l’obstacle sur la route, qu’aurait fait le Mauricien en pareille situation ? Il aurait attendu que la SMF vienne enlever l’arbre. Si la SMF tardait à agir et que le Mauricien avait un téléphone qui fonctionnait encore, il aurait contacté des médias pour condamner l’«incompétence criminelle» des autorités.

Bientôt, il y aurait eu un attroupement de ceux démobilisés par cet arbre obstruant la route. On aurait avancé des explications pour comprendre pourquoi les autorités tardaient à réagir. Certains n’auraient pas manqué d’affirmer que l’absence de réactions aurait pour origines des préjugés de communauté ou de caste. Dans ce groupe, un ringleader se serait distingué. Il aurait sûrement menacé de lyncher les ministres, Parliamentary Private Secretary (PPS) et députés de la circonscription.

Mais, au milieu de ces menaces de lynchage, voilà qu’un PPS se serait amené, suivi d’une Land Cruiser de la SMF dans le caisson de laquelle on verrait une tronçonneuse. Le ringleader changerait de ton, partirait dans la direction du PPS, lui serrerait la main et lui aurait dit «mersi minis, mersi ou vinn déblok nou». Affubler quelqu’un du titre de «ministre» fait partie des ruses de courtisanerie politique dans certains milieux. Lors des réunions privées en pleine campagne électorale, les candidats sont souvent décrits comme «ministres».

 

Le ringleader se serait présenté au PPS, lui expliquant qu’il vient d’une «grande famille» dans la région. Entendez par là qu’il est membre d’un clan castéiste ou souscastéiste qui compte un certain nombre d’électeurs. Ensuite, le ringleader dirait tout doucement au PPS : «Chef, kapav vinn get ou lakaz ou dan biro ?» Le PPS accepterait de le recevoir au bureau. Le ringleader aurait une fille qui a réussi aux examens du School Certificate mais pas avec suffisamment de credits. Il voudrait bien la faire embaucher dans la fonction publique.

 

Pour que tout le monde l’entende bien, le ringleader déclarerait à haute voix : «Zot trouvé kouma minis inn amenn Mobile Force ? Mersi minis.» Ce dernier voudrait partir au plus vite pour rattraper la Land Cruiser de la SMF, question de prendre la paternité de la prochaine opération. En fait, en bon opportuniste, le PPS ne ferait que suivre la Land Cruiser de près, de la doubler quand il le faudrait afin de s’arrêter devant le prochain arbre couché sur la route.

Pour quitter Maurice et revenir à Rodrigues, autre évènement remarquable dans notre deuxième île en importance : quelque 139 Rodriguais avaient pris refuge dans des centres d’urgence pendant le passage du cyclone. 139 personnes. Une trentaine de maisons avaient été rapportées complètement endommagées. D’ailleurs, les images montraient bien la précarité des habitations à Rodrigues. Ce qui est vraiment extraordinaire dans le comportement des Rodriguais, c’est que tous les réfugiés sont partis des différents centres une fois l’avertissement de cyclone levé.

Maintenant, transposons la situation à Maurice. On ne badine pas avec une classe IV. Tous les réfugiés seraient restés sur place avec l’idée que le gouvernement leur offre une maison de la NHDC le plus vite possible. En attendant leur départ et pendant qu’ils sont logés dans les centres de refuge, ils auraient exigé de se faire servir un repas chaud au moins deux fois par jour. Ils auraient insisté sur la visite des ministres, PPS et députés pour se solidariser de leur sort. Et surtout pas de visite d’Étienne Sinatambou avec sa bouteille d’eau et ses biscuits. Certainement, des ministres et députés se seraient livrés à une surenchère de démagogie pour créerl’impression d’être les uns plus que les autres sensibles au sort des réfugiés.

 

On ne peut qu’admirer la volonté et la robustesse morale de ce grand peuple de Rodrigues qui refuse de se laisser abattre par une calamité naturelle. Le Premier ministre, qui visite Rodrigues depuis hier, doit impérativement saluer le «fighting spirit» des Rodriguais. Sûrement qu’il annoncerait un budget de réhabilitation plus conséquent que les Rs 35 millions.

Au fait, Rs 35 millions, c’est quoi ? C’est la compensation de Raj Dayal (Rs 15 millions), les fees de Kailash Trilochun (Rs 19 millions) et quelques miettes des salaires de Vijaya Sumputh. Les 42 000 Rodriguais méritent certainement mieux que ça.