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À inscrire dans la Constitution: Le droit d’être lauréat!

14 février 2019, 10:29

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C’est pour attirer l’attention sur un problème de fond de notre système éducatif, sur les tares que cache l’événement lauréat. En d’autres mots, c’est un cri pour que l’éducation devienne un droit reconnu de tous, que ce droit soit égal et équitable, qu’il puisse appartenir à tous les enfants de ce pays, que les jeunes puissent tous participer à cette course annuelle, dont on célèbre ces jours-ci les vainqueurs. Il est devenu nécessaire que l’on pense dans ces moments de liesse, de discours jubilatoires des autorités, de tambours et de rouleaux de pétards, à lire cette banderole qui se déroule devant les yeux qui veulent voir : que célèbre-t-on au juste ?

 

Droit et obligation

 Inscrire le droit d’accès à l’éducation dans le document suprême qu’est la Constitution obligerait le législateur à faire des lois, des règlements, des politiques pour que le moyen pour devenir lauréat ne soit pas conçu de manière limitative, à la seule gratuité des «fees». Un cadre juridique, même s’il ne règle que de manière incomplète la démocratisation de l’éducation, imposerait quelques obligations à la société afin de promouvoir un accès plus équitable à un système qui ne profite à ce jour qu’à une poignée de chanceux. Inscrire dans la Constitution de telles obligations sera un rappel à notre devoir de conscience.

Le système éducatif qui a produit ses lauréats comporte plusieurs éléments, et l’école n’en est qu’un parmi d’autres : le fait de ne pas avoir à payer les «fees» ne produit pas à lui seul le lauréat. Si la majorité des lauréats viennent presque toujours des mêmes collèges, an après an, ce n’est pas par magie : ces collèges stars puisent leurs talents des écoles primaires qui elles aussi sont des «star schools», et dont l’accès n’est pas aussi démocratique qu’on voudrait bien le faire croire. Les parents mauriciens ne tricheront pas sur les factures d’eau et d’électricité pour envoyer leurs enfants à l’école située à Camp-de-Masque-Pavé ou à Bois-des-Amourettes, ou dans un établissement puisé de la liste des écoles primaires de l’île, qui sont malheureusement, en majorité, non étoilées. Gardons-nous de brandir les exceptions, regardons la réalité.

Droit et responsabilités

Fabriquer un lauréat, c’est une entreprise, un investissement, des ressources à injecter, dans ses formes différentes et évolutives. Nous ne sommes plus à l’époque des lauréats «sanatogen» ou des leçons à dix roupies. Aujourd’hui, la machinerie est plus sophistiquée et coûte beaucoup plus cher, bouffant le salaire minimum, officiellement décrété. Aujourd’hui, les intrants dans la fabrique des lauréats pèsent lourd dans le budget familial : les leçons particulières, les manuels, les cahiers, un moyen de transport, hormis les besoins rudimentaires en vêtements, chaussures, crayons et cahiers, accès à l’Internet, etc. De ces investissements, il n’y a rien de superflu. La preuve : s’il manquait un seul de ces éléments, il n’y aurait pas de lauréat ! Ce raisonnement pourrait bien être l’argument de celui à qui on aura demandé : «Mais pourquoi donc tu n’es même pas dans la course ?»

 

Le droit impose aussi des responsabilités, et pas seulement à l’État mais à toute la société qui contribue à sa manière au système éducatif, et donc à former des élites. Le droit à l’éducation implique ainsi la participation de tous à l’éducation des enfants et des jeunes : les parents, la famille, les religions, les organisations de la société civile, les pédagogues, entre autres. Tous ces acteurs contribuent à réduire la discrimination dans le traitement des enfants en matière d’accès à l’éducation. Et ce n’est non seulement la discrimination en termes d’accès à une école primaire star. Il y a tous ces déterminants limitativement cités plus haut qui font et défont l’avenir du jeune Mauricien. Et surtout : que tous ceux qui ont une part de responsabilité dans les résultats cessent de nous dire que c’est le destin !

Interrogation finale

Sur environ 20 «millénials» inscrits dans le cycle primaire il y a 13 ans, seulement sept sortent du système avec un diplôme de HSC. Où sont partis les autres ? Question destin.