Publicité

Inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution

20 décembre 2018, 16:20

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le mot environnement ne figure pas dans la Constitution de Maurice. On pourrait avancer qu’à l’époque des discussions et de la rédaction du texte constitutionnel, le sujet n’avait pas encore la popularité qu’il connaît aujourd’hui et ne suscitait pas autant l’engouement qui l’entoure depuis les années 80. On pourrait aussi penser que le monde n’entrevoyait pas l’arrivée de l’effet de serre, du trou dans la couche d’ozone et des émissions abondamment suffocantes de gaz carbonique, ou encore qu’il n’avait pas encore saisi le rapport entre protection de l’environnement et la survie de l’humanité.

Mais cela fait des décennies que l’environnement est sur l’agenda global et qu’il a le statut de priorité. Nous n’avons plus d’excuses de ne pas rehausser son statut juridique de simple loi, ou de règlement, en l’inscrivant parmi les dispositions clés de notre Constitution. Cette élévation sur le plan du texte accroîtra son statut et son poids juridique, offrant à ceux qui se battent pour la protection de l’environnement un moyen de contrer les intérêts égoïstes déguisés en projets de développement et de dénoncer le faire semblant des gouvernements dans ce domaine.

Statu quo

Notre Constitution fait référence, à quelques endroits, à la protection de la santé publique. Ceux qui sont partisans du statu quo et qui deviennent frileux lorsqu’on évoque un amendement constitutionnel, comme si la Constitution est coulée dans du béton ou gravée dans la pierre, pourraient bien être tentés de dire que toute la problématique de l’environnement y est couverte.

Ne croyant pas que pour être vivante, une Constitution doit évoluer avec le temps, ils trouveront d’autres menus détails pour dire que toute la question de la protection de l’environnement y est. Mais cet argument ne tient pas la route et il n’y a pas lieu d’être expert en la chose pour en savoir pourquoi.

La Constitution, dans ses quelques dispositions qui traitent de la santé publique ou des nuisances, ne s’occupe que du contemporain : des fautes d’aujourd’hui. Elle a peu de considération pour la postérité, la survie des générations futures. La référence à l’avenir environnemental, autrement dit durable, du pays et de la planète y est absente. Du moins, elle n’est pas expresse.

C’est donc une lacune à combler car il ne s’agit pas de protéger notre vie, celle des vivants du jour, mais celle du monde de demain. Notre génération ne demande pas d’interdire l’abattage des arbres parce que nous n’aurons plus d’ombre ou le plaisir de marcher entre les filaos d’Anse-La-Raie ou sous les flamboyants de Mon-Choisy : on ne veut pas que le gaz carbonique tue aussi nos enfants et petits-enfants, ceux qui ne seront pas emportés par les inondations découlant des pluies d’un climat déréglé !

Notre génération ne demande pas d’interdire les constructions sur les Pas géographiques et la pollution de nos mers par les activités économiques qui rapportent gros, pour la seule raison que l’on aime bien aller pique-niquer les dimanches auprès de l’eau. On demande de laisser un peu d’espace à ceux qui viendront après nous : ceux qui habiteront notre île doivent pouvoir connaître la couleur du sable, et ne devraient pas hériter d’une masse de béton contre laquelle viendront s’écraser d’énormes vagues occasionnées par la montée des eaux.

C’est pour obliger que le législateur tienne compte des menaces qui pèsent sur notre environnement lorsqu’il fait des lois qu’une inscription dans la Constitution est souhaitable. La contrainte constitutionnelle obligera également tout décideur qui élabore des politiques pour le pays, et surtout lorsqu’ils disent le faire au nom du développement économique, de respecter les principes fondamentaux de la protection de l’environnement.

Une disposition constitutionnelle contraindra le pouvoir exécutif à être plus conscient de ses limites dans ses décisions à exempter certains projets toxiques de l’exigence du certificat d’«Environmental Impact Assessment», tout comme elle freinera le laxisme des administrations décentralisées dans l’octroi des permis aux développeurs.

La nature temporaire du pouvoir politique fait glisser le politicien dans la facilité, afin que s’étire son règne. Ses décisions sont forcément guidées par l’immédiat et le court terme. Il peut tout rendre légal, même un contre sens. Il est donc nécessaire de lui imposer la conscience du long terme, du développement durable. D’où le frein qu’est la Constitution.