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Nouvelle réalité
Dans son dernier rapport de conjoncture, l’équipe d’économistes de la MCB invite les Mauriciens à prendre conscience d’une «nouvelle réalité». À quoi ressemble cette réalité ? En quoi est-elle nouvelle ?
Cette nouvelle réalité que présente la MCB est celle d’une planète qui tente d’atteindre une croissance économique qui lui échappe. Dans plusieurs coins du monde, les résultats sont décevants. À chacun sa bonne raison : guerres commerciales, décisions politiques ou défis climatiques. Cette réalité est nouvelle puisqu’elle s’impose en dépit de tous les efforts de relance après la crise financière de 2008. Du coup, le Fonds monétaire international abaisse ses prévisions de croissance mondiale de 0,2 %.
Même scénario à Maurice. Prix du sucre en berne, exportations faiblardes et menaces sur l’offshore renvoient les économistes à leurs calculs. La croissance serait plutôt de 3,7 %, en deçà des 4 % annoncés et attendus. Sans compter que ces prévisions sont assorties de davantage de «downside risks» pour 2019. En d’autres termes : la MCB ne se veut pas alarmiste, mais elle se réserve une marge pour une éventuelle baisse.
Un ralentissement de la croissance, c’est ennuyeux. Cela porte un coup de frein aux ambitions immédiates du gouvernement. Moins de croissance implique moins de recettes fiscales. Et surtout, moins de capacités à s’endetter pour financer les projets d’aujourd’hui par les recettes fiscales de demain.
Là aussi la MCB attire l’attention des Mauriciens. Il fut un temps où les efforts pour stimuler l’économie, notamment par des projets de développement, se traduisaient en croissance plus forte sur plusieurs années. Ces dernières années, ces mêmes efforts produisent des résultats «of short-lived nature». Si bien que les estimations de recettes fiscales s’appuieraient sur des hypothèses de croissance «difficiles à réaliser».
Les difficultés se retrouvent aussi au niveau de l’emploi. L’économie ne crée plus d’emplois. Et si le chômage, dans son ensemble, paraît reculer, c’est que le nombre d’actifs recule (effet démographique). Ce qui cache le fait que le chômage des jeunes reste élevé et que les femmes ne trouvent pas leur place sur le marché du travail. Par ailleurs, nous n’avons pas les personnes formées pour les emplois nécessaires à soutenir nos ambitions de croissance.
De manière plus fondamentale, le pays est confronté à ce que la MCB appelle des «insuffisances non-négligeables qui portent sur la résilience, la qualité et la durabilité de sa trajectoire de croissance».
La MCB poursuit avec des recommandations pour qu’une croissance élevée redevienne un objectif possible. Doper les exportations, redonner confiance aux industries locales, exporter nos services. Et aussi ouvrir le pays aux étrangers. Ce qui devrait permettre d’atteindre une «allocation efficiente des ressources», selon la théorie de l’économiste Pareto. (NdlR : Ce qui permettrait d’améliorer le sort des uns sans pénaliser les autres, d’arriver à un résultat win-win.)
Dans ce désir de trouver une allocation optimale des ressources, la MCB n’élabore pas sur la nature de ces ressources en question. Or, de quelles ressources parle-t-on au juste ?
S’il s’agit d’hommes et d’entreprises, la promesse de la théorie serait qu’il est possible d’éviter de déshabiller Pierre pour habiller Jacques ou Paul ? (On comprend que les élections approchent et que les discours s’échauffent...) Ou, voyant plus loin, de réaliser la croissance d’aujourd’hui pour notre génération sans pénaliser celle des générations futures ?
Quid des autres ressources en jeu ? Les finances ? La nature ? Le moment n’est-il pas venu de dresser justement cette liste de ressources ? De les identifier une à une. De réfléchir à leur allocation dans la société et dans le temps. Et de voir enfin si, après analyse de leur utilisation durable, le résultat final se traduit en croissance… ou pas.
Ne serait-ce pas cela la nouvelle réalité, qui s’impose au monde entier, et à laquelle il faudrait s’habituer ?
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