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Recensement insensé et incendiaire

4 novembre 2018, 08:04

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«Je suis Mauricien.» Bon, c’est une évidence, direz-vous. Ceux ou celles qui sont nés dans ce pays sont des Mauriciens et des Mauriciennes. D’ailleurs, quand vient le moment de regarder l’île Maurice profonde dans le blanc des yeux, à la télé, la veille des élections générales par exemple, nos politiciens ne commencent-ils pas leur appel au vote par le fameux «Mauriciens, Mauriciennes,…» ? Entendez-vous les termes «recensement» et «ethnique» quelque part ? Alors, d’où vient le malaise ?

Du Best Loser System (BLS), répondraient certains. Ils n’auront pas tort. Depuis plus de 50 ans, on nous fait croire que seul un candidat Musulman battu, mais repêché, pourra protéger les intérêts des Musulmans ; que seul un Chinois pourra faire de même pour les Sino-mauriciens ; que seul un Créole sera à même de rassurer la population dite générale. Nous protéger contre qui ? Contre «l’hégémonie» hindoue, pardi, affirment les partisans du statu quo.

Oui, on vit cela, officiellement, depuis 1967 et la révision de la Constitution et du système électoral. On oublie que les députés sont élus par le vote des électeurs de TOUTES les composantes de leurs circonscriptions. Et qu’ils doivent ensuite travailler pour l’ensemble de la population et non pas uniquement pour les gens de la même ethnie ou religion qu’eux.

Cependant, le dernier recensement des Mauriciens, sur la base de leur origine ethnique, remonte à 1972. Depuis, hormis la parenthèse de l’amendement constitutionnel de 2014, l’attribution des sièges des meilleurs perdants se fait sur des statistiques vieilles de 46 ans maintenant. Les Nations unies nous conseillent d’en finir avec le BLS. Et donc, d’envoyer le recensement ethnique aux oubliettes. Mais, même si cela arrive, peut-on dire qu’il n’y a pas de discrimination, sur la base de l’origine ethnique ou religieuse, dans notre société ?

La réponse est ambiguë. Dans la plupart des cas, il est difficile de prouver la discrimination sur la base du faciès, du patronyme, de la religion, de l’ethnie, de la couleur de peau, du type de cheveu, de la manière de vivre, etc. Cette discrimination existe, pourtant. Il arrive qu’on le voie, surtout au sein de l’administration publique, plus visible que le privé. Qui ne serait pas moins discriminatoire, lui aussi. Alors, un recensement ethnique viendrait-il mettre tout le monde d’accord ?

Oui et non. Faire un recensement sur la base de l’ethnicité, comme l’ont d’ailleurs souligné nombre de personnes sensées ces jours-ci, nous ramènerait à l’époque pré indépendance. Hors de question de faire un recensement ethnique pour que ce soit utilisé lors des élections. Ce n’est pas en morcelant la population que nous arriverons à consolider notre identité mauricienne.

Par contre, faire un travail pour s’assurer que TOUTE la population soit représentée dans des secteurs qui interagissent avec le public serait un pas positif vers un échec à la discrimination. Ce travail est d’ordre personnel avant d’être étatique. Les Mauriciens, toutes origines confondues, doivent bannir de leur vocabulaire et de leurs actions toute trace de discrimination envers ceux qui ne sont pas «zot bann».

La méfiance et la peur de l’autre doivent être domptées si on veut que tout le monde se sente à l’aise dans ce pays. L’État a son rôle à jouer dans ce processus, sans pour autant venir ajouter de l’huile sur le feu. On serait naïfs de croire qu’en 2018 cette discrimination ethnique n’existe pas. Elle est là. Les solutions ? Consolider le vivreensemble, l’éducation, la justice, etc. Il ne dépend que de notre volonté, à nous les Mauriciens, pour transformer «bann-la» en «nou bann». Une bande de Mauriciens, unie et indivisible. «As one people, as one nation…». Enfin, espérons…