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Don’t shoot the messenger!

28 octobre 2018, 11:17

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«Ne tirez pas sur le pianiste.» Dans le Far West, lors de bagarres dans les saloons, la première victime se trouvait être presque toujours le malheureux pianiste qui ne faisait que son job, bien que la musique fut supposée adoucir les mœurs. Dans l’Antiquité, certains tyrans n’hésitaient pas à «shoot the messenger» si celui-ci était porteur de mauvaises nouvelles. De nos jours, s’il y a une catégorie de «messager» ou de «pianiste» qui peut se faire malmener ou carrément tuer dans l’exercice de ses fonctions, c’est bien le journaliste. La boucherie d’Istanbul en début du mois, où le journaliste saoudien Jamal Khashoggi a été tué dans le consulat de son pays, n’est qu’une des dernières exactions dont sont victimes des journalistes qui font leur travail en toute indépendance et sans complaisance aucune.

En 2017, 65 journalistes ont été tués dans le monde, 326 étaient en détention, 54 pris en otage et 2 portés disparus. En 2016, 75 journalistes avaient perdu la vie dans le cadre de leur fonction. Pour cette année 2018, au 27 octobre, selon Reporters sans frontières, 61 journalistes, 11 journalistes citoyens et 4 collaborateurs ont été tués. 168 journalistes et 150 journalistes citoyens se trouvaient emprisonnés de par le monde.

La presse a souvent bon dos quand il s’agit, pour ceux qui se sentent morveux, de trouver des boucs émissaires pour se donner «bonne» conscience. Les journalistes, les pamphlétaires, les reporters, les photographes de guerre et les équipes de télévision et de radio, entre autres, font un des plus vieux métiers au monde : celui d’aboyeur public. Les journalistes sont ces gens par qui la nouvelle, qu’elle soit bonne ou mauvaise, arrive. L’information est cruciale. Elle l’est encore plus de nos jours, à l’ère d’Internet, des réseaux sociaux et de la communication instantanée.

Les réseaux sociaux ont même permis de «démocratiser» le journalisme. De nos jours, chaque internaute est un ou une journaliste en puissance. Planqué derrière l’écran de son smartphone, le citoyen lambda se mue en grand reporter l’espace d’un instant. Cela, pour soit pousser une gueulante contre des situations qui le fâchent, soit dénoncer des agissements non-conformes à la loi, soit balancer une photo choc, qui dira en une image ce qu’il aurait mis cent mots à expliquer. Et le répertoire des tâches que notre «journaliste citoyen», comme Hassenjee Ruhomally, par exemple, peut accomplir en se servant de la technologie numérique est plus long que le bras de n’importe quel petit dictateur du dimanche.

 

Ceci dit, les journalistes, les professionnels des medias, dont le credo reste le droit à l’information, font souvent un métier à risque. L’assassinat de Jamal Khashoggi n’est, hélas, que le symptôme visible d’une maladie dont souffrent beaucoup de dirigeants ou institutions politiques dans le monde : le syndrome du secret. C’est un besoin chronique de cacher la vérité et de museler certaines libertés. Cette pathologie est souvent diagnostiquée dans des pays où la démocratie est foulée aux pieds, mais elle survient aussi dans des contrées plus pacifiques. Comme à Maurice, par exemple.

Quand ça leur chante, nos dirigeants politiques essaient de mettre la presse au pas. Soit par des boycotts, des lois bâillons, des emprisonnements, du «character assassination» ou des perquisitions matinales à leur domicile, pour rabaisser et dénigrer cet homme ou cette femme qui dénonce des scandales et des passe-droits. En 1984, 44 journalistes et citoyens se sont retrouvés derrière les barreaux pour avoir osé protester contre une loi bâillon, la «Newspaper and Periodicals Bill», que le gouvernement d’Anerood Jugnauth voulait introduire.

Plus près de nous, en 2016, la rédactrice en chef de «Weekly», Touria Prayag, avait été interdite d’accès au Parlement pour quatre semaines suivant un éditorial. Le «Deputy Chief Whip», Ravi Rutnah, avait, en septembre 2017, traité une journaliste de «femel lisien». La liste est longue, hélas. Les politiques, peu importe le bord où ils se trouvent, une fois au pouvoir, font souvent une allergie aux journalistes.

 N’est-il pas temps pour notre Parlement de légiférer, avec une loi solide pour protéger les journalistes ? Bien sûr, comme tout citoyen, le journaliste n’est pas au-dessus des lois du pays. Les institutions sont là pour tous ceux qui se sentent lésés par les médias. Donc, battons-nous pour une vraie liberté de la presse. Ce 28 octobre, cela fait 1417 jours depuis que le gouvernement est au pouvoir et toujours pas de «Freedom of Information Act». Pourtant, ce fut une promesse électorale du MSM & Co…