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Dix ans plus tard

17 octobre 2018, 08:03

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Octobre 2008. La planète avait arrêté de tourner, du moins ses banques. Chaque matin, nous ouvrions nos écrans sans savoir si la banque, peut-être même la nôtre, était encore debout. La chute de Lehman Brothers entraînant les autres établissements dans son sillage, tout pouvait s’écrouler. On découvrait une Amérique surendettée, des subprimes qui ne seraient jamais remboursés, des maisons qui ne valaient plus que la moitié du prix acheté et des hypothèques qui prendraient une vie à rembourser, incitant les particuliers à déclarer faillite. Une industrie automobile au bord de la fermeture.

L’Amérique reste l’Amérique. Avec cette formidable capacité d’imprimer de l’argent pour elle-même et pour le reste du monde. Si bien que l’Amérique a rebondi. L’économie américaine tourne maintenant à plein régime.

L’Europe pour sa part a survécu, grâce en partie à la Réserve fédérale américaine qui a imprimé des billets pour les Européens au moment de la faillite de l’assureur AIG (une option maintenant fermée). L’Europe suit ses banques de plus près. Après une décennie d’austérité, la croissance revient. Soutenue par un flux migratoire qui ajoute des consommateurs aux économies locales, une approche de plus en plus contestée.

Le monde semble avoir retrouvé un certain équilibre. Le système financier est mieux encadré par une surveillance étroite des risques systémiques. Peut-on dire que tout est revenu à la normale ? Aucune crise n’étant la copie exacte de celle qui l’a précédée, une autre viendra encore. Quels sont les facteurs de risque qui existent encore ?

À en lire les économistes, la faille la plus inquiétante du système financier se trouve dans les économies émergentes. Notre compatriote Krishen Rengasamy, économiste à la Banque nationale du Canada, met en exergue l’endettement des économies émergentes en dollars américains. Une dette qui s’alourdit chaque jour sous le poids d’un dollar américain vigoureux. Alors que, par ailleurs, les guerres commerciales que l’Amérique mène au reste du monde sape les opportunités d’exportation pour ces mêmes pays. Résultat : les devises des pays émergents ont connu des dépréciations significatives ces dix dernières années.

Chez BNP Paribas, l’économiste William de Vijlder relève aussi le risque d’endettement des entreprises. Ces dix dernières années, les banques ont été plus prudentes. La source de financement bancaire s’étant tarie, les entreprises ont cherché du financement sur les marchés des capitaux. Elles ont émis massivement des obligations, souvent libellées en dollars américains aussi. Un défaut de remboursement d’une grande entreprise pourrait appauvrir toutes les institutions qui y ont souscrit. Sachant qu’on ne sait pas très bien qui détient quoi et quels seraient les impacts d’une faillite d’entreprise.

Dans le système financier, les acheteurs sont moins friands de produits financiers trop sophistiqués. Le monde des swaps et des produits structurés, s’il existe encore, ne fait plus rêver. L’acheteur veut aujourd’hui comprendre ce qu’il achète. Un retour au bon sens ? Peut-être, si ce n’était l’engouement des monnaies virtuelles auxquelles la nature humaine semble prêter foi, sous prétexte qu’elles sont technologiques. Un choix que le gestionnaire de portefeuille à succès Warren Buffet qualifie de «pure spéculation», pas un investissement.

Voilà le portrait du monde financier en 2018. Ce monde n’existe pas à lui seul. Il reste les économies et les sociétés qu’il est censé servir : le «main street» en arrière de Wall Street. Ce monde là aussi ne ressemble plus à celui d’hier. Le main street a perdu du terrain par rapport à un mastodonte : Amazon. Ce géant tranquille a grossi comme dans un film de science-fiction. Dans les grandes villes, tout s’achète sur Amazon, pas seulement les livres et les kindle, mais aussi l’électroménager, les vêtements, la literie. Il a pris des parts de marché à tous les détaillants. Amazon vend tout, sauf le lait frais et les légumes, encore que ce pourrait être la dernière frontière de ce géant.

 À la différence des détaillants classiques, Amazon sait tout de vous. Tout ce que vous achetez, mais aussi tout ce que vous auriez bien voulu acheter sans jamais l’avoir dit… sauf si vous parlez à vos amis sur Whatsapp ou Facebook.

Amazon, Facebook, Google sont plus puissants que les banques centrales et les présidents. Ainsi va le monde en 2018. Où cela va-t-il nous mener ? Nous n’en savons rien…