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Le blues des Mauves

12 août 2018, 09:30

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Le blues des Mauves

Non, ce n’est pas «business as usual» au Mouvement militant mauricien (MMM). Loin de là. Les secousses et autres tremblements survenus chez les Mauves ces derniers temps sont là pour témoigner des difficultés du moment rencontrées par ce parti. Expulsions, suspensions et démissions émaillent le quotidien du MMM. Depuis tout le temps, serait-on tenté de le dire. Des emmerdes qui ne sont pas prêtes de se terminer, si on croit les rumeurs d’autres démissions provenant de plusieurs comités régionaux mauves. La vie n’est pas en rose derrière le «Purple curtain». Les Mauves ont le blues…

49 ans. Le mois prochain, le MMM sera presque quinquagénaire. Fondé en 1969, profitant du vacuum politique laissé dans l’opposition par le PMSD de Gaëtan Duval (parti rejoindre la coalition gouvernementale post-Indépendance menée par sir Seewoosagur Ramgoolam), le MMM s’imposa vite dans la vie de la cité. Notre jeune démocratie ayant soif d’idées nouvelles, de justice sociale, d’égalité, de liberté et d’une meilleure distribution du peu de richesse dont disposait le pays, à l’époque, se découvrit vite une passion, voire une adulation pour un jeune révolutionnaire moustachu, âgé de 24 ans : Paul Bérenger.

La manifestation anti-Alexandra, en septembre 1969 (la princesse, cousine d’Elizabeth II, en visite chez nous, était l’épouse de feu Angus Ogilvy, patron du groupe Lonrho, basé dans l’ancienne Rhodésie, et vu par le MMM naissant comme le symbole du capitalisme honni et de tout son corollaire), lança le mythe Bérenger. Les coups de matraque de la police anti-émeute, le visage ensanglanté du «héros», les exactions et répressions contre les militants, les mois passés en prison pour délits politiques et l’attentat manqué contre sa vie en novembre 1971, à Curepipe, achevèrent de consolider la stature quasi-mystique de «Paulo», le Messie des militants.

Mais hélas, comme le dieu romain Janus, qui avait la possibilité de regarder à la fois le passé et, en même temps, l’avenir, le leader du MMM se transforma vite en Dr Jekyll et Mr Hyde. Il est à la fois le Paul Bérenger conquérant, véritable vainqueur du premier 60-0 de l’histoire du pays, en juin 1982. Et le Paul Bérenger au légendaire «bézer karakter», artisan, à l’insu de son plein gré, de l’éclatement du gouvernement de l’espoir, neuf mois plus tard. Celui dont même ses adversaires reconnaissaient l’esprit vif, l’intelligence politique hors du commun, la capacité phénoménale d’être un bourreau du travail et le sens du patriotisme aigu, s’est peu à peu mué en un autre homme. Moins compréhensif, plus dictatorial.

Il s’est laissé parfois enfermé dans des pièges sectaires (sa phobie de presque toujours présenter un candidat, autre que lui, ayant un profil sociologique approprié, au poste de Premier ministre, en est un exemple) et a démontré son incapacité à bouger avec son époque (son entêtement à vouloir continuer avec les conférences de presse hebdomadaires, ennuyeuses car sans surprises – la plupart de ses adversaires politiques s’étant déjà prononcés sur les sujets du jour – entouré d’un politburo muet et figé, sans réaliser que la communication a évolué et que, de nos jours, l’information se vit dans l’instantané). Paul Bérenger, qui fut la grande force du MMM, serait devenu sa plus grande faiblesse. Et les rares apparatchiks mauves qui composent encore sa garde rapprochée n’osent plus (n’oseront jamais ?) critiquer le boss. Ou lui dire tout haut ce que les militants pensent tout bas.

Alors, à moins de 18 mois des prochaines élections générales, quelles sont les chances du MMM de retourner au pouvoir ? Leur dernière victoire aux générales, en alliance avec le MSM, remonte à l’an 2000. 18 ans de cela. C’est-à-dire que les jeunes de 18-25 ans ne connaissent pas le MMM victorieux des années 70 à 90. Tout comme Liverpool a moins de fans parmi la jeune génération (leur dernier titre de champion d’Angleterre remonte à avril 1990) et qu’à l’inverse, Manchester United, victorieuse plus récemment, en a beaucoup plus dans cette tranche d’âge, le MMM voit son «fan base» vieillir. Sans renouvellement. Ce n’est pas les expulsions et autres sanctions prises contre les militants «rebelles» qui vont arranger les choses.

Que représente le MMM sur l’échiquier politique aujourd’hui ? Outre la perception de gâchis, la réalité reste les moins de 15 % de suffrage récoltés lors de la partielle de décembre 2017. La réalité est la division multicellulaire de ce qui reste du parti : ML, MP, groupe Obeegadoo-Jeeha-Labelle, dissidents passés au MSM (Sorefan, Joomaye, Lesjongard, Chukowry), et, surtout, les «militan koltar» déboussolés, perdus. Le MMM pourra-t-il rebondir ? Ou est-ce le chant du cygne de ce parti ? Aux militants d’y répondre…