Publicité

Voleurs et «triyanger» de tout acabit

31 mars 2018, 08:07

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Voleurs et «triyanger» de tout acabit

Chaque année, le rapport de l’Audit met au jour les agissements honteux des corrompus («voler», en créole), des triyanger, des incompétents et des négligents sans susciter des sanctions, encore moins des réactions hostiles dans la population car imbéciles sont ceux qui croient que ce n’est pas leur argent qu’on vole ou gaspille, mais bien celui du gouvernement.

Des politiciens récoltent parfois des remontrances dans le public, mais les milliers de grands et de petits fraudeurs s’en sortent à bon compte. Voilà un rare épisode où un cas d’abus fut dénoncé sur le champ, le responsable fuyant la scène, la queue entre les jambes. La scène se passe tout près d’un sentier qui mène vers le terrain de jogging de Sodnac.

Un petit groupe se livre à un exercice d’échauffement et d’étirement avant de s’engager sur la piste. Mais voilà qu’un 4x4 Toyota flambant neuf, portant le logo et nom d’un important service public, s’immobilise. Un homme en descend et part vers le caisson arrière pour libérer un chien retenu par sa laisse. Une femme, faisant partie du groupe, est prise d’une colère subite en assistant à la scène et se livre à une violente attaque verbale contre l’homme venu en Toyota de service.

La femme lui fait comprendre qu’il n’avait pas le droit d’utiliser à titre privé un véhicule appartenant au corps parapublic en question. Dans un mélange d’anglais et de créole, qui trahit un long séjour en Angleterre, d’un ton correct, sans que soient utilisés les termes «bloody» et «f…», la femme déclare avec force qu’elle paie une facture mensuelle à cette entité et que c’est son argent qui est mal utilisé par l’homme.

Ce dernier, visiblement très embarrassé par cette véhémente intervention, décide de repartir tout de suite et, suivant une fausse manoeuvre, manque même de tuer par pendaison son pauvre chien qui s’est retrouvé hors du caisson mais toujours retenu par sa laisse. L’homme ne revint jamais à Sodnac.

Si seulement les Mauriciens réagissaient comme cette femme qui évidemment avait été exposée pendant de nombreuses années à la culture de bonne gouvernance prévalant dans les pays civilisés. Seuls des imbéciles, des idiots, ne comprennent pas que chaque sou volé, détourné, «triyangé», dans le gouvernement, les institutions et entités publiques, c’est leur argent qu’on vole.

Dans les pays développés, «taxpayer’s money, tax dollars, l’argent du contribuable», sont des concepts bien intériorisés. Pourtant, les Mauriciens se croient très intelligents et doués. Ne sont-ils pas des centaines de milliers à pouvoir mieux entraîner Manchester United et Liverpool que José Mourinho et Jürgen Klopp respectivement ?

Le sort des équipes de foot en Angleterre préoccupe davantage les Mauriciens que la multitude d’astuces qu’on utilise chaque jour pour dérober leur argent. Les «triyanger» sont toujours en mode d’opération. On lance un projet inutile ou on achète un équipement pas vraiment nécessaire. Quelqu’un en profite, en «tapant» une commission.

Une fois l’équipement mis en place, on rencontre des problèmes. Quelqu’un s’arrange auprès de la firme vendeuse pour ne pas trop insister sur les conditions de garantie. On laisse pourrir la situation et, plus tard, on fait une nouvelle acquisition. Double commission. Dans le service médical, les pannes d’équipements pénalisent les patients, mais certains en profitent. Dans le passé, des pannes mystérieuses faisaient l’affaire des cliniques privées vers qui l’État dirigeait ses patients.

Petits «triyanger», grands «triangueurs», ils sévissent partout. Selon le dernier rapport de l’Audit, 3 504 reçus ont été émis à la police, pour un montant total de Rs 8,1 millions, mais il n’y a pas eu d’entrées dans le Cash Book. Vol en plein jour. Des petits «triangueurs» à l’oeuvre.

Mais pour Heritage City, on a déboursé Rs 47,2 millions pour un projet resté sur papier. Qui sont ceux qui ont «tapé» Rs 47 millions pour un projet fantôme ? Ailleurs, on paie des pensions à des personnes déjà mortes. On a déboursé pour un projet de drains, mais il n’y a aucune preuve des travaux effectués. La location de bâtiments du privé constitue lui aussi un bon business. Si c’est un immeuble, des «grands» sont impliqués. Mais même pour une location mensuelle de Rs 50 000, il y a des ponctions.

Dans cet environnement de lucre, aux dépens de ressources publiques, des ONG fictives ou contrôlées par une poignée d’individus ont elles aussi découvert le bon filon. La National Empowerment Foundation (NEF), par exemple, offre une assistance à des ONG. Mais selon le rapport de l’Audit, la liste des bénéficiaires n’avait pas été certifiée jusqu’à mars 2017. La NEF reçoit des subventions de presque deux milliards de roupies des contribuables.

Les corps parapublics offrent de meilleures possibilités de business en tous genres que le gouvernement central lui-même. La mine d’or reste toutefois une entité privatisée. Une institution étatique peut toujours offrir l’opportunité pour de belles commissions au moment de l’octroi des contrats. Mais si c’est une entité privatisée, et encore, que les propriétaires et gestionnaires soient des étrangers, alors tout est possible, des comptes bancaires à Hongkong aux paradis fiscaux des Caraïbes. Le mot privatiser est le mantra miraculeux qui ouvre les portes du paradis.