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Du rêve à la réalité

15 mars 2018, 10:10

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Du rêve à la réalité

2050. Il est 7 heures ce lundi matin. La gare ferroviaire de Mahébourg est déjà noire de monde. Riverains comme touristes attendent le premier Metro Express pour rallier respectivement le technopôle d’Ébène et la ville balnéaire de Grand-Baie.

À la radio, la présentatrice annonce que la Première ministre est rentrée d’une visite de cinq jours à Diego Garcia. Cette île de l’archipel des Chagos est le plus grand laboratoire à ciel ouvert en matière de recherche sur les ressources marines.

Maurice est un modèle de développement durable. Les plus éminents chercheurs se bousculent au portillon pour breveter leurs inventions réalisées dans les nombreuses universités internationales de renom qui se sont installées dans le pays à la faveur d’un vaste programme d’ouverture.

Les craintes d’une crise démographique se sont estompées. Désormais, expatriés et locaux vivent côte à côte, comme en témoignent les passagers des rames du métro. Le mauricianisme s’est renforcé. L’Equal Opportunities Commission a été démantelée. Les agents politiques ne pullulent plus dans les institutions de l’État. Une Freedom of Information Act a été votée. La fonction publique est d’une grande efficacité. À tel point que le bureau de l’Audit ne trouve plus grand-chose à dire.

Entre-temps, le métro file à toute allure vers Port-Louis, la capitale devenue ville piétonne. Et au fur et à mesure qu’on avance sur le trajet, l’on découvre les merveilles de l’aménagement du territoire. Le paysage a été complètement repensé. De gros moyens ont été déployés pour remettre les infrastructures à niveau afin de mieux affronter les défis du changement climatique. Les congés forcés pour étudiants en alerte de pluies torrentielles ne sont plus que de lointains souvenirs.

Notre journal électronique raconte d’ailleurs que le ministre du Budget, un militant écologiste engagé ayant réussi à placer l’humain au centre du développement, dévoilera prochainement sa stratégie pour répondre aux besoins actuels sans compromettre l’avenir des générations futures. Sa priorité : mettre tout en œuvre pour que Maurice se hisse au premier rang mondial dans le classement de l’indice du bonheur.

Alors que l’on commence à se rapprocher de notre destination, le réveille-matin retentit, nous arrache des bras de Morphée et nous retombons violemment dans la réalité. Il est effectivement 7 heures, mais nous sommes le jeudi 15 mars 2018. Pravind Jugnauth est toujours Premier ministre tandis que la présidente, Ameenah Gurib-Fakim, devrait libérer la State House éclaboussée par l’affaire Platinum Card.

Ce voyage imaginaire au goût d’inachevé est une véritable piqûre de rappel dans le sens qu’il nous place devant un fait cinglant : Maurice est à la croisée des chemins ! D’autres diront que nous sommes pris au piège du revenu intermédiaire. Peu importe la manière de voir, la présente situation nous laisse que très peu de choix. Soit on garde le cap de la complaisance, soit on décide d’engager toute la population sur la voie de la construction d’une nouvelle architecture socio-économique.

Car comme le démontrent nombre d’indicateurs, le modèle qui nous a porté durant les cinq dernières décennies est à bout de souffle. Même les perfusions n’ont plus l’effet escompté. En témoigne, le cycle de ralentissement prolongé de la croissance du produit intérieur brut.

Cela dit, il n’y a pas de baguette magique. La route vers le rêve mauricien sera sinueuse et parsemée d’embûches. Mais il n’est pas hors d’atteinte. D’autant plus que ce n’est pas l’expérience qui nous manque. 50 ans au compteur, ce n’est pas rien ! Le pays en a vu des vertes et des pas mûres durant toute cette période sans pour autant baisser les bras. Il est temps de bien s’en inspirer afin de dégager des objectifs réalistes et réalisables.

Toutefois, l’élaboration de toute stratégie nouvelle visant à faire évoluer le pays vers un palier supérieur devra reposer sur un élément central : l’humain ! La commémoration du cinquantième anniversaire de notre Indépendance est d’ailleurs très évocatrice de la contribution des ressources humaines à la réussite économique du pays.

Qui dit ressources humaines, dit aussi emplois. Une île Maurice moderne devrait être en mesure d’offrir un emploi et un salaire décent à ses citoyens. Ce sont les antidotes à l’accroissement des inégalités et l’effritement du tissu social.

Donc, oui à une croissance plus forte mais à condition qu’elle s’accompagne d’une plus grande tolérance, d’un meilleur traitement des plus démunis et d’un renforcement des institutions démocratiques.

Nous y croyons fermement : le génie mauricien existe. La preuve a été faite à maintes reprises lorsque des pans de notre économie étaient menacés. Les 50 intervenants du Business Yearbook que vous tenez entre les mains le rappellent également dans leurs articles. Il nous incombe de le réveiller.

Trêve donc de sinistrose en ce cinquantenaire de l’Indépendance car Maurice a les moyens de rebondir. Nous l’avons prouvé jusqu’ici. L’heure est de nouveau à l’action. Serons-nous des doers ou des dreamers ? Nos enfants nous jugeront !