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La chronique de Cronos: Réflexions sur la rentrée scolaire

7 janvier 2018, 10:32

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L’éducation est un secteur qui fait toujours débat. Très rare, en effet, aurait-on vu une rentrée scolaire se passer sans anicroches. Sans protestations de soit des parents, des profs ou des élèves, ou de tout ce beau monde à la fois. La rentrée 2018 n’échappe pas à cette règle. Déjà, avec l’entrée en vigueur du programme de neuf années obligatoires de scolarité de base, le «Nine-Year Basic Schooling», les acquis issus de 36 ans de CPE ont été ébranlés. La rentrée 2018 n’est donc pas comme celle des années précédentes, réforme gouvernementale oblige.

Ce qui fait que et le primaire et le secondaire se retrouvent avec de nouvelles configurations éducatives, voire administratives, à faire face. J’ouvre une parenthèse ici pour saluer bien bas tous ces profs du primaire et du secondaire qui exécutent, sans broncher la plupart du temps, toutes les réformes qui leur tombent dessus, des fois en ayant reçu juste le minimum comme préparation et formation préalable. Ces profs-là, ensemble avec leurs chefs d’établissements, font souvent des miracles avec, des fois, le peu de moyens dont ils disposent. Chapeau bas, Mesdames et Messieurs les enseignants. Je referme ma parenthèse.

Le PSAC, dont les tout premiers examens viennent de livrer ses résultats, provoque donc des grincements de dents. Là où le CPE, avec son «A+», permettait de mieux comprendre et d’accepter, un «ranking» qui ne disait pas son nom, l’abolition du «A+» dans le PSAC laisse la porte ouverte à l’incompréhension des parents. D’où la crise de nerfs le moment de découvrir le collège régional obtenu. Pourquoi ?

Parce que l’élargissement de la base de ceux qui obtiennent le fameux «A», qui vaut désormais entre 75 et 100 points, et qui est doté du coefficient de crédit «1», a permis à plus d’élèves d’entrer dans cette catégorie. Ce qui fait qu’un enfant terminant le PSAC de 2017 avec quatre unités – c.-à-d. avec 4 «A» – peut avoir obtenu un minimum de 300 points dans ses quatre meilleures matières, et, bien sûr, un maximum de 400 points dans ces mêmes 4 matières.

Ranking déguisé

Vous devinez tout de suite qu’un enfant avec quatre unités, qui obtient, par exemple, le collège Darwin, à Flacq, et un autre enfant de la même région, qui obtient, lui, le MGSS de Flacq, toujours avec quatre «credits», n’ont forcément pas obtenu le même nombre de points sur 400. Sans porter atteinte à la réputation de ces deux collèges, il est généralement admis, par les parents, que le MGSS de Flacq se positionne devant le collège Darwin. Allez expliquer aux parents pourquoi l’autre élève n’a pas obtenu le fameux «meilleur» collège, surtout avec ses quatre unités ! Le fameux «ranking» déguisé est passé par là…

Mais avant que les gens ne clouent la ministre de l’Éducation ou ses officiers au pilori, nuançons. Leela Devi Dookun-Luchoomun a été enseignante avant de devenir ministre. Elle comprend le secteur, gageons-le. Elle est entourée d’officiers qui sont censés la conseiller et la guider. Les parents qui protestent et qui pestent contre le «mauvais» collège obtenu par leur enfant ne peuvent honnêtement pas dire qu’ils ne savaient rien de la réforme du «Nine-Year Schooling»

Il y a eu des campagnes d’explication bien avant la tenue des examens du PSAC, fin 2017. Depuis au moins 2016, ces parents ont reçu des informations sur le mode d’examens et sur celui de l’attribution du collège. Des rencontres «live» avec les parents, des passages à la télé nationale d’officiers de l’Éducation, des débats sur les radios privées ou sur les réseaux sociaux ont été organisés. Des pamphlets et des lettres circulaires expédiés. Oui, il faut souligner cela. Les parents savaient. Mais cela n’a pas empêché les protestations d’après résultats. Parce qu’on ne peut préjuger de la réaction humaine. C’est une fois mis devant le fait accompli que nous prenons la mesure de l’ampleur d’une réforme, par exemple.

Donc, si le ministère a péché quelque part, ce serait sur le plan de la communication. N’avoir pas su faire assez ou, plutôt, n’avoir pas su trouver les bons mots, les mots simples, avec des exemples et des scénarios de résultats, pour prévenir les parents et les enfants, que les points de l’examen, le lieu de résidence et le choix des parents pour les collèges vont définitivement provoquer une hiérarchisation des établissements de la région. Cela aurait pu éviter la vague de protestation et d’incompréhension que le ministère doit gérer avant même le premier jour d’école

Et encore, s’il n’y avait que les parents… Non, il y a aussi des enseignants qui sont fâchés. Voire démotivés. La faute encore à des explications venues trop tard ou mal comprises. Un des syndicats du secondaire privé demande la tête de la ministre. Et qualifie déjà la réforme de «fiasco» avant même son démarrage. Je ne vais pas aller aussi loin car on ne pourra juger du succès, ou de l’échec, de cette réforme que sur la durée. Il va falloir attendre un minimum de trois ans et un maximum de quatre ans (si d’ici là une autre réforme n’a pas vu le jour, avec un autre gouvernement). Pourquoi ?

Succès ou échec ?

 Les examens sanctionnant la fin du Grade 9 (Form 3), fin 2020, donneront une indication claire de la maîtrise par les élèves du nouveau curriculum du secondaire. Et une année après, en 2021, ceux qui entrent en «extended stream» (le nouveau nom du Prevoc) en 2018, vont eux aussi passer ces mêmes examens. Ces enfants-là, rappelons-le, n’ont pas été reçus au PSAC de 2017. Ils ont ainsi quatre ans pour recoller au peloton du «mainstream» ou pour être redirigés vers des centres de formations professionnelles. Ce n’est qu’après 2021 donc qu’on pourra dire si oui, le «Nine-Year Schooling» version MSM-ML a été un succès. Ou un échec.

D’ici là, et je clos mes observations personnelles, j’ose rêver que les hommes et les femmes de bonne volonté, de tous bords politiques et professionnels, apportent leurs contributions à une vraie réflexion sur une «bonne» réforme pédagogique, inclusive et équitable, qui ne contribuera plus à broyer nos enfants mais, plutôt, à les faire s’épanouir. Et vivre.