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La chronique de Cronos: Maurice, entre sécularité, laïcité et sectarisme

5 novembre 2017, 13:01

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L’île Maurice indépendante aura 50 ans, le 12 mars prochain. Un demi-siècle d’existence en tant que pays pouvant se tenir debout sans béquilles ou ombrelles d’une quelconque puissance coloniale étrangère. Pour un pays qui, depuis 1598 et l’arrivée des Hollandais, a connu 370 ans de colonisation étrangère, 50 ans d’existence autonome, c’est, relativement, encore tout jeune. Ce pays, hélas, au vu de ce qui se passe ces derniers temps, est toujours en construction. Des propos et des comportements sectaires, des actes de profanation contre des lieux religieux, entre autres, ne font rien pour consolider le tissu social. Maurice, en 2017, hésite encore entre l’État séculier qu’il est, la laïcité que certains veulent voir instaurer, et un sectarisme qui ne se cache plus pour exister.

Ce pays se cherche encore, essayant de devenir une véritable nation, où ses habitants peuvent se targuer d’être des Mauriciens et des Mauriciennes. À part entière. Car Mauriciennes, et Mauriciens, nous ne le sommes pas tous vraiment. Disons que chaque 12-Mars, le quadricolore flotte fièrement sur l’ensemble du territoire. La population entonne (pas tout le monde, hélas) fièrement le «Motherland». On se dit tous frères et sœurs. Puis, la Fête nationale passée, certains d’entre nous retombent dans de vieux réflexes fleurant bon le repli identitaire, voire sentant le sectarisme à plein nez. Honnêtement, tous les Mauriciens ne replongent pas dans ces travers. Des patriotes, fiers de leur pays et se disant «Mauriciens» AVANT toute chose, il y en a. Heureusement d’ailleurs.

Mais, et là ne nous voilons pas la face, nous avons beaucoup de nos concitoyens qui n’ont pas vraiment la fibre patriotique. Puisqu’ils se réfèrent toujours à tel ou tel autre pays, étranger, comme suprême exemple identitaire. Chacun a sa «bande», les fameux «nou bann» qui, fermeture d’esprit oblige, sont toujours meilleurs que «zot bann». Pour une nation démocratique, où, malgré le fait que la notion de sécularité, ou celle de laïcité, n’est pas inscrite dans la Constitution, nous essayons quand même, depuis 50 ans, d’assurer un numéro de funambule sur la fine cordelette tendue entre les différentes composantes de notre société. Nous avons, jusqu’à présent, tant bien que mal, pu réussir à maintenir un juste équilibre. Ce n’est pas une mince affaire, bien au contraire.

Alors, quand on voit, comme ces jours-ci, des actes ignobles et pas innocents pour un sou perpétrés contre des lieux de culte, on se demande : à qui profitent ces crimes ? Qui a intérêt à ce que ça explose ? Les Mauriciens, dans leur ensemble, ont maintes fois prouvé que, même si la limite est franchie, il y a toujours un restant de bon sens qui va faire que les tensions s’apaisent. Et que tout rentre dans l’ordre. Mais il ne faut pas continuer à jouer avec le feu communautariste. Oui, nos ancêtres sont venus de divers pays étrangers. Certains par choix, beaucoup par force. Ils se sont installés sur ce petit bout de terre et ont pris racine. Et, quelques générations plus tard, nous voilà. Un peuple qui, au fil des années, s’est grandement mélangé les uns aux autres. Un peuple métissé pour beaucoup. Alors, à quoi ça sert, ces vieux réflexes communautaristes ?

Notre démocratie vit en fait dans un contexte de sécularisation particulière. La religion est moins présente dans nos sphères de décision étatique, car c’est le gouvernement qui dicte la politique générale du pays. Mais nos hommes et femmes politiques ont, jusqu’à présent, agréablement mélangé serviettes et torchons. J’entends par là que la politique s’est acoquinée avec le religieux. Le contraire est tout aussi vrai, avec les diverses sociétés religieuses flirtant plus ou moins outrageusement avec les politiques.

Cette sécularité particulière fait que chacune de ces deux entités se croit permise d’empiéter sur le territoire de l’autre. Et de lui faire la leçon. Bien sûr, cela finit toujours par déteindre sur la population, qui, le moment du vote électoral venu, se permet de revendiquer sa proximité avec des organisations religieuses. Dans le but de tirer des dividendes pas souvent recommandables. Ce qui fait que quand les politiques se rebiffent, ne voulant des fois pas céder sur certains points, le sectarisme n’hésite pas à pointer le bout de son vilain museau. D’où des actions coercitives, limite terroristes, pour provoquer haine, peur et méfiance envers l’autre.

Le langage et le comportement sectaire n’ont pas leur raison d’être à Maurice, à l’aube de nos 50 ans. Il faut pour cela que nous arrivons à adopter un vrai comportement laïc dans les sphères décisionnelles de l’État. Une véritable laïcité, où la politique est complètement séparée de la religion. Où, par exemple, les politiciens n’assistent plus à aucune festivité religieuse, ne prennent plus la parole dans une quelconque activité à caractère religieux et ne distribuent aucun «cadeau» généreux. Plus de subsides. Plus de «Best Loser System».

 On s’attend aussi que la religion se tienne loin de la politique. Pas de consigne de vote, pas de repli identitaire, pas d’obscurantisme primaire. Est-ce trop demander à la politique et à la religion ? À chacun son métier et notre pays se trouvera mieux gardé. Finissons-en avec ce mariage incestueux…