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Piqûre de rappel

10 septembre 2017, 12:09

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«Galoup touni lamé dan pos.» Cette expression savoureuse de notre belle langue créole n’éveillera peut-être pas d’échos dans le subconscient de la jeune génération. Mais pour les plus âgés, cela leur rappellera certainement d’hilarants souvenirs. Comment peut-on en effet courir nu et en même temps avoir les mains dans les poches ? Cela évoque forcément l’idée d’une débandade, en général très désorganisée. «Bouré mam, quoi.» À Barkly, lundi soir, selon l’équipe «home», fuite il y a eu. Selon l’équipe «away», ce fut une sortie digne et pas précipitée pour un sou. Which is which?

On rigole, on rigole. Mais franchement, les habitants de Barkly, surtout ceux concernés par les rails du métro, n’ont pas du tout envie de se marrer. Et les élus Lepep qui sont venus les voir lundi ont eu rapidement les oreilles qui sifflaient devant les questions qui fusaient à gauche et à droite. «Kozé mam.» Des tentatives d’explication, des attitudes pas Lepep du tout, et un dialogue de sourds entre gens qui ne parlaient pas la même langue. Les esprits s’échauffent. La température ambiante aussi. Résultat : sortie de scène, sortie de route, déraillement.

Quoi dire de plus ? Que ce n’est que le début d’une longue saga ? Que le chemin de fer risque d’être vraiment long entre Curepipe et Port-Louis ? Un chemin de croix, voire un parcours du combattant pour le gouvernement ? L’avenir de Lepep (moins le PMSD et Bhadain) est tout sauf rose. Il y aura d’autres pleurs, d’autres cris de désespoir, d’autres plaintes en justice, d’autres signes de mécontentement. Tout ça va fatalement avoir des répercussions négatives sur le baromètre de satisfaction populaire du gouvernement. On dit qu’il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. On pourra ajouter… «et il n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre».

Barkly, lundi, a été une piqûre de rappel pour le MSM et le ML. À mesure que leur taux de popularité s’affaisse (à ce rythme, gageons qu’ils vont finir par trouver du pétrole dans pas longtemps), celui de leurs opposants, tous bords politiques confondus, est en train de se refaire une santé. Voire une virginité. Ce n’est pas encore une déroute, mais cela commence à sentir le roussi pour la majorité. Comment contenir l’hémorragie ? Qu’on se le dise une fois pour toute : personne de sensé n’est contre la modernité. L’île Maurice du 21e siècle a définitivement besoin d’un mode alternatif de transport. Lequel, là le débat reste ouvert.

Le philosophe grec Aristote disait : «Le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous.» Prenez le temps de méditer là-dessus. C’est bon ? Maintenant, tenez-vous bien : cette citation fut faite sienne par nulle autre société que la SNCF, en 1991. Oui, la société nationale des chemins de fer français avait vu juste, à l’époque. On n’arrête pas le progrès, tout comme on n’arrête pas le train. Surtout si ce progrès est démocratique. Mais, à la différence des Français, nos «métroexpressistes» (je sais, ce mot n’est pas encore homologué par l’Académie française, mais ne chipotons pas !) ont placé le tramway (qui veut se faire désirer) avant les boeufs. Avec eux, c’est ça passe ou ça casse. On tire avant et ensuite on posera les questions.

Entre-temps, la grogne gagne du terrain. On sait qu’il est plus facile de dire du mal d’une chose que d’en dire du bien. C’est humain. Et l’humain est faillible. Même l’auteur de ces lignes. Le projet de métro ou de tram n’est pas mauvais en soi. Mais il est si mal ficelé du point de vue de la communication que c’est à pleurer de... rage. Si le gouvernement était allé vers le peuple et lui avait expliqué le mode opératoire du métro AVANT le démarrage des travaux, il ne serait pas dans la mélasse en ce moment. Alors, «sayé mam ?»