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Un cri du cœur

7 décembre 2015, 16:15

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Intégrer les marginalisés était l’objectif de Gender Links en organisant un atelier de travail d’une demi-journée le 27 novembre 2015. «Oui, je suis un transgenre ! En quoi cela pose-t-il problème ? Pourquoi les gens devraient me regarder de haut ?» «Oui, nous organisons la marche Gay Pride chaque année. Pourquoi les médias publient surtout des photos qui tendent à nous dénigrer ?» «Je suis certes sourd mais je peux me faire comprendre. Pourquoi les médias ne m’interrogent jamais ?» «Je suis aveugle mais pourquoi ma voix n’est-elle jamais répercutée dans la presse ?» «Oui, je suis handicapé mais pourquoi lorsqu’on évoque la question du handicap, les journalistes se tournent-ils uniquement vers l’institutionnel ?». 

 

Tels ont été les cris du cœur de plusieurs participants à cet atelier de travail. 

 

C’est la première fois qu’une organisation a réuni autour d’une même table toute une gamme de personnes aux identités et défis différents. Les personnes handicapées (poliomyélite, aveugle, sourd) les survivants de violence envers le genre, les personnes Lesbiennes, Gays, Bisexuelles, Transsexuelles, Inter-sexes et transgenres (LGBTI), les conseillers et les journalistes ont communiqué très ouvertement. Les forces dynamiques de tous ont aidé à mieux comprendre comment faire changer les mentalités, comment faire entendre sa voix et comment la presse peut faire partie de la solution. Le groupe LGBTI veut briser le silence et faire passer son message mais pour cela, il a besoin d’un soutien externe. Il a besoin des médias comme partenaires. 

 

Partout dans le monde et plus encore à Maurice, les personnes LGBTI continuent à subir diverses formes d’oppression, de discrimination et de violence. Dans une tentative d’accorder des droits humains aux LGBTI, certains pays ont connu des avancées sociales, légales et politiques. Notre voisin sud-africain a la loi la plus progressive qui existe. En effet, en Afrique du Sud, la protection des droits des personnes LGBTI est soulignée dans la section 9 de la Constitution et interdit la discrimination sur la base du sexe, du genre ou de l’orientation sexuelle. La Cour constitutionnelle a statué à l’effet que cette section peut également être interprétée comme une interdiction de discrimination à l’égard des personnes transgenres. 

 

Ce pays de l’Afrique australe est la première nation au monde à proscrire explicitement la discrimination basée sur l’orientation sexuelle dans sa Constitution. Mais malheureusement, même avec une législation aussi progressiste, les personnes LGBTI continuent à subir de terribles violences. Ceci nous rappelle le viol brutal et l’assassinat d’une femme de 18 ans qui faisait partie des violences censées tomber sous l’appellation de «viols correctifs».  Gift Makau, rappelons-le, a été retrouvée morte. Elle a été violée, étranglée avec un câble et un lacet de chaussure, un tuyau d’arrosage enfoncé dans sa bouche. 

 

A Maurice, grâce aux organisations non gouvernementales, il y a eu quelques avancées en faveur des droits des personnes LGBTI qui ont pu se faire officiellement enregistrer comme associations. Ces associations se sont activement impliquées contre l’impact psychologique et social de l’oppression, du rejet, de la discrimination, du harcèlement et de la violence. Mais nous avons encore du chemin à faire. En septembre, la presse a rapporté le cas d’une jeune transgenre arrêtée par la police et menée au poste, qui a été contrainte d’enlever ses vêtements et de marcher devant les policiers. Ce cas est désormais entre les mains de la Human Rights Commission. Il n’y a pas si longtemps, un prêtre mauricien a qualifié les personnes LGBTI de «bestiales». Il a probablement dû changer d’avis après que le pape François a pris position sur la question. Il est malheureux que les gouvernements continuent à refuser de légiférer pour arrêter cette escalade de violence envers les personnes LGBTI. 

 

En avril 2007, un Sexual Offences Bill a été présenté en première lecture au Parlement mauricien. Ce projet de loi a suscité des débats houleux des deux côtés de la Chambre, de même que des protestations de leaders religieux et de professionnels. Dans tout ce tollé, le Speaker d’alors a mis sur pied un comité spécial pour revoir en profondeur ce projet de loi. C’était l’ancien Attorney General et ministre de la Justice, Rama Valayden, qui a osé introduire ce projet de loi en faveur de la protection des droits humains des personnes. C’était la première fois que Maurice la prude évoquait ouvertement des mots tabous comme sexe, pénis, vagin, sodomie et d’autres termes sexuels. 

 

Mais les voix des principaux concernés : victimes, survivants, jeunes, travailleuses du sexe, gays, lesbiennes et transgenres, ont été grandement absentes des débats. 

 

La pomme de la discorde est que le projet de loi fait provision pour la sodomie consentie. Cela a choqué et dérangé plusieurs personnes dans notre société conventionnelle. Pourquoi ne pouvons-nous pas nous montrer tolérants et laisser les personnes mener leur vie sexuelle comme elles l’entendent ? Cela relève de l’intimité de deux adultes consentants. Ils ne dérangent personne. 

 

Ce projet de loi était un pas dans la bonne direction mais le comité spécial mis sur pied n’a jamais présenté ses recommandations. L’actuel gouvernement a prévu de rénover la Constitution et ce faisant, nous espérons qu’il s’inspirera du modèle sud-africain afin que les personnes LGBTI puissent jouir pleinement de leurs droits humains. C’est seulement au fruit que nous jugerons l’arbre et que les femmes, enfants, gays, lesbiennes, travailleuses du sexe et les plus vulnérables seront en sécurité à Maurice. 

 

Encore un trop grand nombre de ces personnes subissent encore des insultes, le rejet, la violence et la discrimination non seulement par la société mais aussi par des membres de leur famille et ceux qu’ils croyaient être leurs amis. L’orientation sexuelle couvre les désirs sexuels, les sentiments, la pratique et l’identification. Les personnes LGBTI sont des humains comme nous et elles également ont des désirs sexuels et des sentiments dont elles devraient pouvoir jouir.  

 

La Grande Bretagne a été le dernier pays européen à reconnaître officiellement les couples de même sexe et ce jusqu’à tout récemment, à savoir 2014. Je crois que nous pouvons garder l’espoir que 2016 sera une meilleure année pour les personnes LGBTI lorsqu’elles seront à même de pouvoir jouir pleinement de leurs droits humains avec une législation appropriée. Les aveugles, les sourds, les handicapés, les survivants de violence ont tous des lois pour les protéger. N’est-il pas temps d’arrêter de marginaliser les personnes LGBTI ? 

 

Une Sexual Offence Act révisée est une urgence. Au nom des milliers de victimes, ne pouvons-nous pas, une fois pour toutes, mettre de côté notre mesquinerie politique, notre pudibonderie et notre puritanisme et demander que cette question soit considérée en urgence ? C’est un cri du cœur. 

 

Loga Virahsawmy est l’ancienne directrice du bureau francophone de Gender Links (GL) et membre du conseil d’administration de cette organisation non gouvernementale de l’Afrique australe. Cet article, écrit dans le cadre de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence envers le genre, fait partie du service d’information de GL qui apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.