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Vijay Dwarka : «La justice a besoin de calmer le jeu et de redorer son image»

4 novembre 2013, 10:20

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Vijay Dwarka : «La justice a besoin de calmer le jeu et de redorer son image»

Une nouvelle controverse vient s’ajouter aux critiques qui s’abattent sur l’administration judiciaire. Le Senior Counsel Anil Gayan laisse entendre que des avoués « choisissent leurs juges ». Stupeur de la Mauritius Law Society, qui représente les avoués. Son président demande à l’avocat de produire des faits.

 

Une phrase d’Anil Gayan, dans une chronique publiée dans l’express, a provoqué une vive réplique de la Law Society. Pourquoi une telle réaction ?

 

Dans la chronique de M. Gayan, une phrase apparaît comme un cheveu sur la soupe pour dire que les avoués ne doivent pas choisir leurs juges, comme si nous étions en mesure de le faire. Je ne suis pas le seul à avoir été choqué par cette affirmation. C’est un outrage à la cour parce que cela sous-entend qu’il y a une collusion entre certains juges et avoués. Et ce n’est pas vrai du tout. Ce serait bafouer la justice, nous n’aurions plus notre raison d’être. Comment est-ce qu’un avoué peut choisir son juge ? Ça ne peut pas être le cas.

 

Etes-vous si sûr que cette pratique n’existe pas dans la justice mauricienne ?         

 

Je n’en suis pas au courant en tout cas. Je ne peux pas savoir ce que font tous les avoués. Mais selon moi, ça n’existe pas. Et puis ce serait contraire à l’éthique de la profession. Que M. Gayan nous rapporte les cas dont il est au courant. Son affirmation serait plus plausible. On ne se base pas sur des on-dit pour venir généraliser une chose. Quand quelqu’un fait une affirmation de la sorte, qu’il étaie ses dires avec des faits. S’il veut nous donner des explications, on pourra aller voir si ça existe ou non.

 

On vous invite à effectuer un audit concernant des avoués et le « bench » devant lequel les procès ont été entendus en chambre dans plusieurs cours de justice. Le résultat prouvera s’il a tort ou raison. Le ferez-vous ?

 

Il ne faut pas qu’il renvoie la balle dans notre camp. Ce n’est pas moi qui fais une telle allégation. Si M. Gayan a fait une telle affirmation, il doit détenir des informations. Qu’il les divulgue. Ce n’est pas à la Law Society de donner ces informations que M. Gayan possèderait déjà. L’image de la justice est assez écornée pour ne pas en rajouter.

 

Apparemment feu Rajsoomer Lallah, alors chef juge, et le président de la Law Society d’alors, le Senior Attorney Bucktowonsingh, avaient établi un système où les procès étaient attribués au hasard. Ne faut-il pas réintroduire ce système ?

 

L’ancien président Buctowonsingh n’a pas transmis ce dossier. Mais si ce système a existé, il devrait continuer. Je ne crois pas que quand un chef juge quitte la scène, le système établi change. Même si je souhaitais choisir un juge dans une affaire, je ne sais pas comment le faire. Il faut qu’on me le dise. Par contre, quand il y a une affaire urgente et qu’elle doit être entendue par un juge le jour même, je sais devant quel juge elle va passer parce le matin c’est ce juge qui était en poste. Est-ce que c’est ça qu’on appelle choisir son juge ? Personne ne peut savoir quel est le juge qui héritera d’un dossier. C’est le chef juge qui décide. Si on affirme que le chef juge est de connivence avec des avoués, là je verrais un gros point d’interrogation.

 

Personne ne sait devant quel juge son affaire va passer sauf quand la « cause list » de la Cour suprême est fixée. Et ça se fait une semaine avant. Je suis totalement respectueux du système. Maintenant s’il y a des avocats qui trouvent à y redire, c’est leur choix. Nous, les avoués, nous suivons les principes qui sont établis. Il faut savoir que les avoués sont des « officers of the court», des agents de la cour. Nous faisons partie de la justice, alors que les avocats, eux, appartiennent au barreau. C’est nous qui démarrons les procès, au civil bien sûr, pas au pénal.

 

Est-ce que ce système est transparent ?

 

Il faut voir comment fonctionne la justice. Il y a un plaignant, un défendeur, un responsable de la justice, des avoués et des avocats dans les deux camps. Ça fait déjà sept personnes. Je pense qu’il y a suffisamment de transparence du fait de la présence de ces personnes. Maintenant, une fois l’affaire engagée, c’est un dossier public, on peut le vérifier et demander à le vérifier.

 

Des secrétaires de juges arrêtés pour soupçons de corruption, des juges de la Cour suprême qui font de l’arbitrage privé, le juge Balancy qui n’est pas promu. Il y a un sentiment que certaines choses vont de travers dans la justice…

 

Je n’ai pas envie de me faire une opinion à partir de ce que disent les gens. Il faut du concret, des faits. Néanmoins, je crois que la justice a besoin de calmer le jeu et de redorer son image. Disons que sur la question de l’arbitrage, c’est une opinion personnelle, je ne suis pas d’accord qu’un juge en poste fasse de l’arbitrage. Il est rémunéré pour ce qu’il fait et son temps est compté. L’arbitrage devrait appartenir à des hommes qui sont en dehors de telles responsabilités judicaires.

 

Quant à M. Balancy, je le respecte beaucoup, il est très intelligent. Il y a certaines situations qui l’ont poussé à exprimer son désaccord. Ma réflexion est simple : quand on crée une situation, il faut s’attendre à ce que les gens réagissent à cette situation. J’entends des clients, les gens dans la rue qui se posent des questions. Quelque part, l’image de la justice est touchée. J’ai toujours dit que si je ne respectais pas cette profession et les hommes de cette profession, il y a longtemps que je serais parti. On n’est pas parfait. Là c’est au responsable de la justice de venir calmer les choses.

 

Comment faire pour faire taire les rumeurs et les suspicions ?

 

Ce n’est à pas moi de répondre. C’est l’affaire du responsable de la Cour suprême, de la magistrature et du parquet. L’institution est là, c’est à elle de réagir. La justice dans son ensemble doit prendre connaissance de ce qui se passe. S’il y a un sentiment que quelque chose cloche, la justice devrait le ressentir.


La Law Society en bref

 

Bien que le métier d’avoué soit clairement défini et séparé de celui d’avocat depuis 1852, ce n’est qu’en 1977 que la Mauritius Law Society (MLS) voit le jour. S a mission n’est pas seulement de défendre et promouvoir l’intérêt de ses membres et de la profession d’avoué, mais aussi d’améliorer l’administration de la justice. Plutôt discrète, elle n’hésite pas à prendre fermement position quand sa crédibilité est mise en cause. Elle compte aujourd’hui 172 membres, tous des avoués en activité, selon l’association. La M LS est habilitée, selon la loi, à prendre des sanctions disciplinaires contre les brebis galeuses de la profession.