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Un bon rang au tableau «Doing Business» : pas une panacée

18 juillet 2013, 14:49

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Un bon rang au tableau «Doing Business» : pas une panacée
La conviction qu’une bonne performance dans le classement «Doing Business» de la Banque mondiale est synonyme de croissance économique est de plus en plus contestée.
 
Depuis quelques années, le classement «Doing Business» de la Banque mondiale (BM) est devenu un événement important dans la vie économique et politique du pays. Le gouvernement en particulier est souvent prompt à mettre en avant les avancées de Maurice dans ce classement afin de justifier la politique d’ouverture économique entreprise depuis 2005. Mais l’utilité de ce tableau est de plus en plus contestée et, surtout, la conviction qu’une bonne performance dans le «Doing Business» est synonyme de croissance économique. Plusieurs organisations affirment même que les réformes économiques entreprises par certains pays pour améliorer leur classement ont un impact négatif sur les petites et moyennes entreprises.
 
Pour commencer, il faut savoir que le classement est composé de dix indicateurs : la création d’entreprises, l’octroi du permis de construire, le raccordement à l’électricité, le transfert de propriété, l’obtention de prêts, la protection des investisseurs, le paiement des impôts, le commerce transfrontalier, l’exécution des contrats et le règlement de l’insolvabilité (l’indice sur l’embauche des travailleurs a été omis du classement cette année). Pour doper leur performance dans le «Doing Business», de nombreux pays comme Maurice, qui se retrouve cette année à la 16e place, ont introduit des réformes visant à améliorer leur score dans plusieurs de ces indicateurs. Mais le problème est qu’il y a très peu de preuves démontrant que des notes élevées dans ces domaines établis par la BM garantissent une croissance économique.
 
«Selon des recherches économétriques, des dix indicateurs qui constituent le classement ‘Doing Business’, il y a un seul qui possède un lien solide avec la croissance, en l’occurrence celui ayant trait à la création d’entreprise», explique Peter Chowla, coordinateur du BrettonWoods Project, une organisation qui milite pour une réforme de la BM et du Fonds monétaire international. Dans cette catégorie justement, Maurice arrive entre les États-Unis et le Kirghizstan en 14e position. Mais pour ce qui est des autres indicateurs – tels que l’octroi des permis de construire, le transfert de propriété et l’obtention de prêts – les preuves sont bien moins concluantes, selon notre interlocuteur. Le contraire serait même vrai.
 
«En ce qui concerne les autres indicateurs, il existe très peu de preuves qu’ils sont corrélés avec la croissance. C’est sans parler de la causation, c’est-à-dire est-ce qu’une réforme qui vise à faciliter la création d’entreprises stimulera la croissance ? Et quid du fait qu’un gouvernement qui favorise ce genre de politique économique, peut aussi avoir tendance à favoriser d’autres politiques qui encouragent réellement la croissance ?» s’interroge-t-il.
 
Avis partagé par le président de l’Association des petites et moyennes entreprises, Amar Deerpalsing : «Au nom de l’ouverture de l’économie, on a éliminé tous les quotas d’importation et barrières tarifaires sans pour autant mettre en place des garde-fous pour protéger les entreprises locales».
 
En juin dernier, Peter Chowla avait coécrit une lettre dans The Economist avec Christina Chang de la CAFOD, dans laquelle ils mettaient en cause un article paru précédemment dans l’hebdomadaire affirmant que «‘Doing Business’ pousse les pays à introduire des réformes utiles». Dans cette correspondance, ils ont voulu nuancer la pertinence du classement : «Malheureusement, cela pousse également les pays à se jouer du classement et à introduire des déréglementations dangereuses qui font du tort aux petites entreprises dans les pays en développement. La banque ellemême (la BM, NdlR) reconnaît que ‘Doing Business’ n’est pas un modèle pour des réformes.»
 
Cette dernière déclaration découle d’un audit du rapport «Doing Business» publié le mois dernier par un panel indépendant. Parmi ses conclusions : le classement risque d’être mal interprété, il tire ses informations de sources «étroites», sa méthodologie de collecte des données laisse à désirer. «Il ne doit pas être perçu comme étant un ‘one-sizefits-all’ modèle de développement», affirme le document.
 
Amar Deerpalsing va encore plus loin. «C’est un attrape-nigaud. On nous parle de mondialisation, mais lorsqu’on voit la réticence des États-Unis et de l’Union européenne à renégocier les accords multilatéraux, on réalise que c’est à sens unique», conclut-il.
 
Peu de preuves démontrent que des notes élevées garantissent une croissance économique.