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Tunisie : une année délicate pour se doter d’une solide Constitution

23 octobre 2011, 00:00

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Tunisie : une année délicate pour se doter d’une solide Constitution

L’Assemblée devra choisir entre régime parlementaire ou présidentiel, et définir la place de la religion.

Après un printemps tumultueux, c’est une nouvelle saison de batailles qui commence à partir de lundi en Tunisie, une fois que seront proclamés les résultats de l’élection historique de dimanche.

 Lors de ce scrutin, les Tunisiens vont élire une Assemblée chargée de rédiger la troisième Constitution du pays. Cent cinquante ans après avoir été le premier pays arabe à se doter d’un corpus de règles souveraines, neuf mois après avoir amorcé le mouvement des révoltes arabes, la Tunisie entame donc une nouvelle expérience historique qui sera observée avec attention. A l’issue de ce processus inédit, la IIe République sera proclamée, tournant la page de cinquante-cinq ans de régime autoritaire et dictatorial.

Les 277 députés élus dimanche vont donc fixer les nouvelles règles du jeu. «Avec des pouvoirs importants, puisque de facto l’Assemblée constituante aura à la fois un pouvoir législatif et exécutif. Elle doit non seulement rédiger la Constitution mais aussi nommer un président et un gouvernement qui dirigeront le pays jusqu’à ce que le nouveau texte soit promulgué», souligne Sophie Bessis. Chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, cette Franco-Tunisienne fait partie des personnalités indépendantes nommées au sein de l’organe qui a mené la transition démocratique tunisienne : la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, dont le mandat s’achèvera avec la nomination du nouveau gouvernement. C’est cette instance qui a fixé certaines des règles imposées à la future Assemblée. Et notamment sa durée : en principe, elle ne doit pas dépasser un an. A condition, bien sûr, que les principaux partis respectent l’accord conclu entre eux, dans les dernières semaines avant le scrutin. Un accord proclamé officiellement, mais qui n’a jamais été inscrit dans le marbre, et dont le respect dépendra de la rapidité des députés à s’accorder sur les nouvelles règles.

Quel type de régime ?

Or des différends se dessinent déjà sur le type de régime à adopter. «Les islamistes sont favorables à un régime parlementaire, avec un président de la République élu par la Chambre, alors que les autres partis oscillent entre régime présidentiel et semi-présidentiel, explique Sophie Bessis. Tout dépendra donc du rapport de forces sorti des urnes le 23 octobre.» Le choix d’un gouvernement d’union nationale pendant la Constituante semble en revanche faire consensus. Mais la présence d’Ennahda ( parti islamiste) au sein de l’Assemblée suggère un autre enjeu : «Soit on continuera vers une laïcisation progressive du droit, soit on introduira des normes d’inspiration islamique», suggère Sophie Bessis.

Depuis plusieurs mois, l’article premier de la Constitution de 1959 fait polémique. Une phrase qui y figure affirme que l’islam est la religion de l’Etat tunisien. Sera-t-il modifié ? Nombreux sont ceux qui estiment que l’Etat ne peut avoir de religion et qu’effacer cette mention garantirait même son impartialité. Mais, quand ce problème avait été évoqué au sein de l’instance de transition, la plupart des partis avaient botté en touche. Et si les islamistes sont en mesure de faire pression, les députés pourraient à nouveau renoncer à aborder cette question. Mais inscriront-ils l’égalité homme-femme dans la loi, garantissant ainsi le statut des Tunisiennes ? Et remettront-ils en cause les règles de l’héritage qui attribue au garçon le double de ce qui est accordé à une fille ? Rien n’est joué, mais c’est bien un choix de société qui se dessinera à terme.

Et il y a d’autres sujets qui fâchent : la Constitution devra définir le fonctionnement des partis et leur financement. Or, c’est pour avoir refusé d’aborder cette question qu’Ennahda, soupçonné d’être riche comme Crésus grâce à des soutiens étrangers, avait claqué la porte de l’instance de transition. Faut-il alors s’attendre à des débats sans fin, au gré des alliances de circonstance ? Les députés seront malgré tout sous la pression de leurs électeurs, qui attendent un esprit de consensus, afin d’entériner par référendum, ou non, le nouveau texte. Il y aura alors encore des élections.