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Trafic de drogue : Le Roi du Sud avoue et évite une enquête pour blanchiment d’argent

29 janvier 2011, 12:00

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Trafic de drogue : Le Roi du Sud avoue et évite une enquête pour blanchiment d’argent

L’ancien sergent de la brigade anti-drogue en détention depuis seize mois pour avoir commandité un colis de drogue est passé aux aveux cette semaine. Deux policiers et un avocat ont été arrêtés dans cette affaire pour avoir tenté de pousser le passeur à changer sa version.

Rebondissement dans l’enquête sur le trafiquant de drogue Anil Gooransing. Cet ex-sergent de la brigade anti-drogue surnommé Le Roi du Sud pour ses activités liées au stupéfiants vient finalement de passer aux aveux. Il était soupçonné d’avoir commandité de l’héroïne d’une valeur de Rs 6 millions  que lui avait remis un Sud-Africain en août 2009.

Dans la journée du mercredi 19 janvier, après seize mois passés en détention préventive, l’habitant de Chemin-Grenier a fini par admettre avoir pris possession de cette drogue. La stratégie est toute simple : elle lui évite des poursuites pour trafic de drogue et, par extension, une enquête du fisc contre sa personne pour blanchiment d’argent.  

L’affaire, elle-même, semble sortir de l’imagination d’un scénariste. Pêle-mêle, la police a procédé à une demi douzaine d’arrestations allant de deux policiers qui ont tenté d’influencer le passeur ainsi qu’un avocat accusé d’avoir voulu faire changer de version à celui-ci durant ces derniers mois.

La police n’aurait, en fait, rien su si le 23 août 2009 le Sud-Africain Johannes Jacobus Petrus Viljoen, 46 ans, n’avait pas été découvert inanimé dans l’enceinte de l’aéroport de Plaisance. Il était alors sur le point d’embarquer à bord d’un avion après deux jours passés à Maurice.

Cette visite éclair a mis la puce à l’oreille de l’anti-drogue, d’autant que le touriste présentant tous les symptômes d’une overdose. Un examen radiologique conduit à l’hôpital Rose-Belle révélera la présence d’une capsule - de drogue - qui s’est rompue dans son tube digestif.

Remis sur pied trois jours plus tard, le passeur s’est immédiatement mis à table. Il a expliqué être venu en livraison à Maurice et qu’il a remis 59 des 60 boulettes qu’il avait purgé à un habitant d’un village du Sud. Se basant sur la description du contact local, il ne faisait guère de doute que ce dernier était Anil Gooransing.

Arrêté en septembre par les hommes de l’adjoint au commissaire de police Ravin Sooroojbally, l’ex sergent a farouchement nié les faits. Allant jusqu’à exiger une parade d’identification. Sauf que 24 heures avant l’exercice, le passeur reçoit des menaces de mort d’un inconnu sur un téléphone portable que lui remet un policier dans la cellule du poste de police de L’Escalier, un autre village du Sud,  où il a été placé en détention.

Le jour J, aux Casernes Centrales, Johannes Jacobus Petrus Viljoen ne désigne pas Anil Gooransing. Au grand dam des enquêteurs. Mais une fois hors de l’Indentification Parade Room, il confie aux policiers de la CID de Rose-Belle qui l’escortent de ce fameux appel téléphonique.

L’agent Chandradev Bhawani, celui qui a remis au téléphone au Sud-Africain, est aussitôt arrêté. Il impliquera un camarade issu de la même promotion que lui, Goparlen Mudalli, un habitant de Chemin-Grenier considéré comme étant un voisin d’Anil Gooransing.

L’enquête est menée avec diligence par la brigade anti-drogue de l’aéroport car Anil Gooransing n’est pas un néophyte dans le business de la drogue. Alors même qu’il a été sergent à la brigade anti-drogue, il avait été coincé le 1er avril 2001 en compagnie de son cousin, Pradeep Kumar Gooransing, également policier, aux Gorges de Rivière-Noire en pleine livraison d’une cargaison de gandia évaluée à Rs 200 000.

Deux ans après, le sergent avait été trouvé coupable de trafic de drogue devant les Assises. Ce qui lui a valu trois ans de prison. Remis en liberté, il est coincé à l’aéroport en février 2007 pour trafic d’héroïne sur l’axe Madagascar-Maurice-Seychelles.

Bien au fait des stratégies de contrôles de la brigade anti-drogue, les voyageurs provenant de la Grande-île étant sous surveillance, il a mis au point une combine pour passer entre les mailles du filet. Il a donc recruté deux Seychellois, Jack Christopher d’Unienville et Jacques Joseph Elvis Julius pour prendre possession de Rs 13 millions d’héroïne à Madagascar.

De la Grande-île, les deux hommes devaient faire un transit par Maurice et se rendre à Mahé. Anil Gooransing, lui, avait prévu d’embarquer sur le même vol pour l’archipel avant de rentrer à Maurice avec un autre homme de paille. Mais le plan ne s’est pas déroulé comme prévu, les passeurs ayant été interceptés à Plaisance.

Les Seychellois parlent d’un certain Tony, lors de leur interrogatoire préliminaire, qui est censé les rencontrer à l’aéroport. Et qui s’amène sous les trais de ce fameux Tony ? Anil Gooransing, lui même. Remis en liberté conditionnelle dans cette affaire en attendant un deuxième procès aux Assises, l’affaire Viljoen a fini par le rattraper.

Ce passeur s’entêtant à le mettre en cause, voilà que la « sœur » de ce dernier, Elizabeth Scheepers, débarque en octobre 2009. Le service de renseignement de la brigade anti-drogue exerce une surveillance .

Comme soupçonné, elle est contactée par la jeune maîtresse d’Anil Gooransing, Neha Seewoosungkur, âgée de seulement 18 ans, et Dhirendranath Devason, son bras droit. Ils l’invitent à influencer Jacobus Petrus Viljoen à changer de version.
Appréhendée, Elizabeth Scheepers accuse l’avocat Alvin Juwaheer, époux d’une magistrate, d’avoir sollicité la bagatelle de Rs 200 000, payé des fonds d’Anil Gooransing, pour que le passeur revoie sa copie. L’avocat, proche d’un ancien membre du barreau radié, sera inculpé.  

Dans l’intervalle, envoyée à la Prison Centrale, Elizabeth Scheepers rédige une lettre qu’elle transmet à un hebdomadaire. Elle blanchit l’avocat mais revient bien vite sur sa version quand elle obtient le statut de témoin d’Etat et placée en résidence surveillée à la demande du Directeur des poursuites publique (DPP). Surtout que c’est durant cette période que Cindy Legallant a refusé de témoigner contre Sada Curpen dans l’affaire des Rs 27 millions de Subutex.

Figurant dès 1989 sur la liste des trafiquants présumés par le travailleur social Ally Lazer, Anil Gooransing devra répondre d’une accusation de complicité pour prendre possession d’une quantité de drogue, d’une valeur de Rs 6 millions, le mercredi 2 février devant la cour intermédiaire.