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Télé privée sans infos: la censure avant l’heure

17 novembre 2013, 19:36

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Télé privée sans infos: la censure avant l’heure

Films, divertissements et sports. C’est tout ce qui sera autorisé sur la télévision privée mauricienne attendue depuis quatre décennies. Et qui est annoncée pour «bientôt» par le pouvoir. Mais une question se pose: est-ce un modèle viable ?

 

Pour ses débuts, la première télé privée mauricienne ne diffusera pas de news. Mais si la télé privée arrive enfin, la montagne pourrait accoucher d’une souris, compte tenu de la profusion de l’offre de programmes de divertissement et sportifs avec les chaînes satellitaires. Du coup, d’aucuns s’interrogent sur cette mesure budgétaire et émettent des doutes sur la viabilité d’un tel projet. 

 

La question avait été évoquée lors d’une PNQ de Paul Bérenger et Navin Ramgoolam avait alors indiqué qu’il n’était pas contre, mais qu’il fallait d’abord un cadre légal. En attendant, il n’est pas certain que ce modèle suscite un grand engouement.

 

«Qui va investir dans une télévision privée qui ne diffusera pas de news ?» se demandeSelven Naidu, rentré à Maurice après avoir dirigé six ansdurant la RTA, le leader deschaînes télé privées de Madagascar, soit une douzaine. Déjà, avec l’évolution des technologies numériques, l’idée d’une télévision privée conventionnelle emballe de moins en moins les groupes médiatiques. Maintenant, développer une télé généraliste sans info, ce serait pour eux tuer le projet dans l’oeuf.

 

«La Grande île a une avance considérable sur nous. C’est une stupidité de vouloir supprimer d’entrée l’info. C’est tuer d’office la chaîne privée, parce qu’une chaîne privée construit sa stratégie commerciale autour du prime time, et le prime time c’est l’heure des infos», enchaîneSelven Naidu, égalementex-directeur général de laMauritius Film Development Corporation. Fort de son expérience malgache, Selven Naidu a monté deux projets de chaînes privées et attendait avec impatience le moment de l’ouverture de l’espace télévisuel à des opérateurs privés. Mais aujourd’hui, il se demande quel est «le businessman qui va foncer dans une telle aventure avec un business plan qui ne comprend pas de volet news».

 

«Le JT, c’est un argument commercial béton», insisteSelven Naidu. «Sur la MBC, la publicité est plus chère à l’heure du JT, remarque Philippe Forget, président de LaSentinelle Ltd (LSL).L’info c’est comme le ‘anchor tenant’dans un shopping mall.Elle a un pouvoir d’attraction.» Ce dernier confie ainsi qu’il est vrai qu’à un moment, le groupe avait songé à investir dans une télé privée. «Mais, aujourd’hui, dans de telles conditions, je ne compte pas réactualiser ce projet», réagit PhilippeForget. 

 

L’idée de censurer la télé privée avant même son avènement a un sens, observe cyniquement Ashok Radhakissoon, ancien président de l’Independent Broadcasting Authority : «Dans des conditions égales, cela ne va pas être difficile pour une chaîne privée de gagner la bataille de l’info vu la qualité de l’info diffusée sur ce qu’il faut appeler la chaîne gouvernementale plutôt que chaîne publique.»

 

Pour être dans l’esprit du temps et surtout prendre avantage des possibilités qu’offrent les nouvelles technologies, les groupes de presse Défi Media Group et LSL développent lentement mais sûrement leur Web TV. «Le Web est certainement un projet plus prometteur. Il offre de grandes possibilités», dit le président de LSL.

 

Mais pourra-t-on faire de l’«infotainment» à défaut de l’infopure sur la télé privée ? Peu d’opérateurs prendront un telrisque en raison du montagefinancier nécessaire. «Pour une télévision digne de ce nom, c’est plus de Rs 500 millions par an et pas de retour sur investissement avant quatre ans», évalueSelven Naidu.