Publicité

Singfat Chu Chun Lin : «Contrairement à Singapour, ici on peine à concrétiser des projets»

19 décembre 2010, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Singfat Chu Chun Lin : «Contrairement à Singapour, ici on peine à concrétiser des projets»

Le Dr Singfat Chu Chun Lin est Associate Professor à la National University of Singapore (NUS). Ce qui ne l’empêche pas de suivre l’évolution de son pays. Disposant du recul nécessaire, il ose dire que l’évolution de Maurice est gênée par la difficulté des dirigeants politiques à concrétiser des projets.

Dr Singfat Chu-Chun-Lin, 50 ans, vit à Singapour depuis 1992. En tant que spécialiste en mathématiques appliquées au monde des affaires ou Business Analytics, il enseigne au sein de la faculté de Business de la NUS.

Malgré la distance, Singfat Chu-Chun-Lin suit de près l’actualité mauricienne. Pour cela, il se réjouit qu’aujourd’hui le monde vive à l’ère digitale. Il se tient quotidiennement informé sur les sites web d’information du pays et se targue d’être un fidèle commentateur sur lexpress.mu.

«Grâce à l’internet, les Mauriciens d’ici et d’ailleurs ont l’opportunité de partager leurs opinions», déclare-t-il. Et d’ajouter, concernant la politique, «ce serait intéressant que les politiciens lisent nos commentaires et y réagissent». Ce n’est pas la seule remarque que Dr Singfat Chu-Chun-Lin fait sur l’île, en tant que membre de la diaspora.

A son avis, «à Maurice, nous ne manquons pas d’idées, mais nous avons des difficultés à les concrétiser et surtout, les maintenir, comparé à Singapour. A Maurice, j’ai l’impression qu’un tas de mesures sont présentées sans analyses préalables pour voir ce que nécessitera leur réalisation». Il cite le projet de métro léger et tient à préciser un point fondamental à propos de la visite qu’a effectuée le Premier ministre, Navin Ramgoolam, dans un métro singapourien récemment.

«Le leader de l’Opposition, Paul Bérenger, a eu raison de souligner au Parlement qu’il y a deux systèmes de transport au Singapour. Le principal est le Mass Rapid Transit (MRT) et l’autre est le Light Rapid Transit (LRT). Le MRT, pour les longs trajets, est un mode de transport entre les cités alors que le LRT, qui ne fait que des courses locales, opère à l’intérieur d’une cité. Navin Ramgoolam n’a visité que le LRT. Mais quand le gouvernement parle d’un parcours Curepipe-Port-Louis, il fait plutôt référence à un mode de transport entre cités», fait-il ressortir.

«La construction d’un LRT System à Macau et à Singapour, est actuellement en cours et le système sera opérationnel en 2012. Ce tronçon fera 20 km, ce qui est à peu près le trajet Curepipe/Port-Louis. Il comprendra quatre wagons, avec une capacité de 800 passagers pour chaque voyage. Le coût est estimé à US $ 1 milliard, soit environ Rs 30 milliards. Mais, ici, le gouvernement estime que le projet du LRT coûtera entre Rs 6 à 15 milliards, ce qui est très en-dessous du coût réel. J’ai l’impression que les politiciens sont en train de vendre un rêve à la population. Ce n’est pas la peine de commencer un projet sans pouvoir finir. Je signale que notre budget annuel n’est que de Rs 70 milliards», poursuit-il.

Dr Singfat Chu-Chun-Lin est né le 4 décembre 1960. Il est issu d’une famille modeste. Il est le cadet de trois enfants. Il a un frère et une sœur. A l’époque, ses parents tenaient un petit restaurant situé à Vacoas, et qui fabriquait et servait des nouilles. Il fait ses études primaires à l’école de la Visitation à Vacoas. A la fin du premier cycle, élève brillant, il obtient une bourse, la «petite bourse». Il avance que ce jour là est, selon lui, «le jour le plus heureux» dans la vie de sa famille. «Mes parents travaillaient très dur pour m’envoyer à l’école primaire», lâche-t-il. Ces derniers, qui ne savaient ni lire, ni écrire, étaient vraiment fiers de lui. Il indique que c’est d’ailleurs ce qui l’a motivé, par gratitude, à faire un don conséquent, en 2006, pour la rénovation de son ancien établissement scolaire. Ce ne serait pas le seul geste qu’il a fait au fil des ans. Il y voit une façon de rendre à son île ce qu’elle lui a donné.

Avec sa bourse, Dr Singfat Chu-Chun-Lin est admis au Collège Royal de Curepipe. Il y côtoie, entre autres, Donald Payen, Executive Vice President-Commercial and Communications à Air Mauritius Sunil Benimadhu, directeur général de la Stock Exchange of Mauritius, et Steve Obeegadoo, député de l’Opposition et ancien ministre de l’Education. Il se souvient aussi que l’actuel ministre des Finances, Pravind Jugnauth, était de la promotion un an plus jeune que la sienne. Il confie que c’est avec joie qu’après 32 ans, il ait retrouvé 14 de ses camarades de classe, le 9 décembre dernier, lors d’une réunion des Old Boys de Collège Royal de Curepipe. «J’ai revu Donald, Sunil et d’autres camarades», dit-il, ravi.

A la sortie du collège, Dr Singfat Chu-Chun-Lin, bien qu’il ambitionne de faire des études supérieures, devient professeur de mathématiques au collège de la Visitation (qui n’existe plus aujourd’hui). «Je voulais faire des études tertiaires, de préférence, à l’étranger. Mais mes parents n’en avaient pas les moyens», explique-t-il. Finalement, après deux ans d’enseignement, il s’envole pour le Canada. Il y étudiera pendant une décennie. Il étudie d’abord à Queens University et décroche un BSc (First Class Honours) in Statistics. Puis, à  ’University of British Columbia, qu’il quitte avec un doctorat de 3ème cycle en Business Statistics.

Le décès de son père, en 1987, soit au cours de ses dernières années d’études, le marque. Cette disparition l’incite à chercher du travail dans un pays plus proche de Maurice. «Pour pouvoir rendre visite à mes proches plus souvent», dit-il.
En 1992, Dr Singfat Chu-Chun-Lin quitte le Canada. Destination : Singapour. Il trouve de l’emploi dans la faculté de Business de la NUS, où il débute comme lecturer. Au fil des ans, il monte en grade jusqu’au titre d’Associate Professor. Il remporte aussi plusieurs Best Teaching Awards, entre 1994 à 2008, et publie plusieurs travaux.

En 1995, il épouse une Singapourienne. Le couple a deux enfants, une fille de 11 ans et un garçon de 9 ans. Avec une vie bien installée au Singapour, le professeur affirme qu’il ne compte pas rentrer à Maurice. «J’ai passé 30 ans à l’étranger, je ne suis plus habitué à Maurice. Mais je reviens et reviendrai régulièrement pour des vacances», dit-il.

Interrogé sur ce qui motive, d’après lui, des milliers de jeunes Mauriciens à aller étudier chaque année à l’étranger et de s’y installer, il répond : «Quand on va à l’étranger, qu’on voit tout cette animation, le lifestyle, l’ouverture d’esprit et découvre l’indépendance… ce n’est pas comparable avec Maurice».